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EDITO – Victoire de l’égalité et de la liberté, défaite de la fraternité

Le texte de loi sur « le mariage pour tous » a été adopté par l’Assemblée avec 331 voix contre 225.

Avant les nouvelles polémiques qui risquent de découler des réactions des anti-mariage gay, il est essentiel de se replonger sur plusieurs mois d’événements et de débats, qui ont embrasés la France jusqu’à la diviser. Depuis le discours de Mme Taubira du 29 Janvier, discours qui restera sans doute dans l’histoire de nos libertés, les péripéties n’ont pas manquées. Si le sujet soulève autant les passions, allant jusqu’à déloger des centaines de milliers de personnes de leurs canapés vers les rues encombrées des manifestations, c’est qu’il y a une raison. En effet, rien, en politique, ne fait autant appel au subjectif et à l’émotionnel que les sujets de société. Et toujours s’opposent les conformistes aux progressistes … Mais cette fois-ci, et pour la première fois dans l’histoire de France, une partie du peuple s’est soulevée, non pas pour élever sa condition, non pas pour gagner sa liberté mais bien pour en priver une autre partie, mettant ainsi en péril le si beau principe trop souvent théorique de l’égalité.

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Des manifestations à reculons

Les opposants au projet de loi ont su montrer, au cours des derniers mois, par leurs mobilisations et leur détermination, leur rejet de celui-ci. De nombreuses manifestations ont rassemblées partout en France des centaines de milliers de personnes, et ce, à plusieurs reprises. Malgré des enfantillages et des approximations récurrentes sur les chiffres, il est entendu que le collectif de Frigide Barjot a réalisé un véritable tour de force. Faire lever et protester autant de français contre une liberté qui ne les concerne pas, il s’agit tout de même d’un exploit. Imaginez donc si les bénéficiaires du RSA manifestaient contre l’ISF ? Et pourtant croyez les ou non, mais si ils étaient en position de le payer, ils ne s’en plaindraient pas. Et c’est ce qui choque tant dans ces diverses manifestations, ce ne sont même pas les soutiens fantômes qui (dé)crédibilisent avec malhonnêteté les discours démagogiques des leadeurs du mouvement, ni même la horde de pulls vendus 25€ et arborés fièrement par des contestataires galvanisés par leurs premières manifestations. Non ce qui choque c’est qu’une partie aussi importante de la population s’engage et lutte pour refuser à des êtres humains, à des Français comme eux, le droit au mariage. C’est à dire, la reconnaissance par l’Etat d’une union amoureuse. Car si le mariage a longtemps été refusé aux personnes de même sexe, c’est bien car il s’effectuait à l’époque dans une visée procréatrice. Ce qui n’est plus le cas. On parle désormais uniquement de mariage d’amour, ne serait-ce que dans le terme d’union. Mais alors sur quelle idée saugrenue peut-on refuser à des gens le droit à ce que l’Etat reconnaisse leur amour ? Sous prétexte qu’ils n’ont pas le même que nous ? Et pourtant, l’amour ne se préoccupe pas de ces détails et il a la bonté, lui, d’être protéiforme.

Juliette épouse Rosaline, Roméo épouse Tybalt

Les principaux arguments des anti-mariages pour tous portent sur l’adoption, la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation médicalement assistée (GPA). Des interrogations qu’il faut reconnaître comme légitimes. Mais comme le dit si bien le titre du projet de loi, il s’agit pour le moment que du mariage pour tous. Et même si cette notion comprend l’adoption, les nombreuses protestations ne sont en réalité, pour la plupart, que des procès d’intentions. Ils nous parlent de l’avenir alors qu’ils peinent à regarder ailleurs que dans le passé. Sous prétexte de s’intéresser uniquement au bien des enfants, ils déclament un mariage supposé les « tuer ». Mais combien de familles ont déjà divorcé ? Combien de manifestants comptent le nombre de leurs conjoints ailleurs que sur un seul doigt, ailleurs que sur l’annulaire gauche ? Des enfants sont battus voir assassinés tous les jours par des couples censés représenter une normalité bénéfique. Il est temps que ces personnes là apprennent que la société a changé, que notre génération a troqué les frontières contre la diversité. Il est temps d’évoluer et de reconnaître à tous le droit d’être différent, et d’être différent avec les mêmes droits que tout le monde. Refuser le mariage pour tous en 2013, c’est comme refuser le droit à l’avortement en 1975, c’est comme refuser le droit de vote aux femmes en 1944. Ne pensez-vous pas que dans 50 ans, quand vos enfants ou vos petits-enfants retrouveront dans votre grenier un pull de « la manif pour tous », ils auront honte de vous ? Ne pensez-vous pas que vous freinez la marche indicible et inarrêtable de la liberté ainsi que celle plus aléatoire de l’égalité ?

La mort de la fraternité, l’espoir de nos deux autres piliers 

Au fond, et pour beaucoup, ces manifestations et ces revendications n’ont été qu’un prétexte pour attenter une action contre les agitations d’un Président clivant. Et c’est ce qui excuse la plupart des gens. Il y avait pourtant, avec ce projet de loi, une occasion de faire revivre par le peuple Français, pour le pays de la démocratie, les trois valeurs qui forment notre état : liberté, égalité, fraternité. Et la population mécontente, soutenu par un collectif bien organisé, aurait pu et du se plaindre de biens d’autres sujets. Tristement, et entrainé par une église trop engagé comme par une opposition systématiquement contradictoire, le peuple de France s’est divisé. Et par la rue, cette même rue où en 1789 nous donnions l’exemple, nous avons montré au monde que nous n’étions plus digne de la mention « fraternité ». Fort heureusement l’adoption de ce texte sauve et encense, certes avec un temps de retard sur de nombreux pays, les deux autres piliers qui continuent à soutenir le maître-mot qu’est la Démocratie.

Je regarde les événements passés avec un œil déçu mais je remercie nos députés, et à travers eux le peuple qui s’exprime, d’avoir voté pour l’avenir. Celui de la liberté, celui de l’égalité, celui de ma génération et celui de mon pays.

Alexandre Cordier

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