Renaud est toujours debout. Le fondateur de Mediapart aussi. Nés la même année,les deux hommes sont issus de cette génération de contres, de fauteurs de trouble, de têtes-brulées. Edwy Plenel réaffirme, lui, plus efficacement que le chanteur, sa présence, et revendique encore. Plus que jamais d’ailleurs. Et il s’indigne, qu’on ne s’indigne pas assez.
“Il est temps de dire nous“. Tel éclôt son dernier ouvrage, Dire Nous, présenté ce mercredi à Nice. Notre responsabilité. Notre Histoire. Notre France. Notre démocratie. Notre commun. Certains parleront d’un livre fourre-tout, d’autres d’une prouesse de réflexion libératrice. Comme à l’usage, la vérité est à mi-chemin. Mais lorsque les revendications d’Edwy Plenel passe par la plume, c’est toujours appréciable. Durant l’âge d’or de Le Monde, on le surnommait « le petit cyclone ». Pour son aptitude à renverser son Monde ; un contre-pouvoir à lui tout seul.
Aujourd’hui c’est assagi, mais toujours plein de controverses, qu’il réinvente le collectif, le tous ensemble. Loin des segmentarisations communautaires.
À quelques centaines de mètres de sa conférence, sur la place Garibaldi de Nice, ils sont nombreux à avoir pris connaissance du dernier ouvrage d’Edwy Plenel en cette sixième Nuit Debout. Et à Dire Nous après avoir Dit Non. Le rassemblement suivant l’indignation. « On aurait aimé qu’il vienne enrichir le débat » témoigne Camille, un des organisateurs du rassemblement azuréen.
Dire Nous, le dernier des trois livres toujours disponibles d’Edwy Plenel. Crédit photo : A.K.
Pourtant, de plus ou moins loin, il mise beaucoup sur cette mobilisation nationale; humant les prémisses d’une révolution. « La jeune génération se libère enfin d’un étau qui l’immobilisait. Mais tout comme sa prise de conscience, la longévité du mouvement est imprévisible. » Ancien fervent trotskiste, Edwy Plenel adore la révolution. Le renversement de l’ordre établi. Le soulèvement populaire.
Et l’actualité donne chaque jour des raisons supplémentaires de se soulever. Servant ainsi la promotion de Dire Nous. Chacun, après l’immobilisme, veut scander l’unité.
Parmi les priorités communes à Edwy Plenel et aux manifestants de Nuit Debout, le droit de savoir, la liberté de s’informer. Alors, forcément, quand l’affaire des Panama Papers éclate, l’instinct journalistique reprend le dessus. « Les documents auraient dû être mutualisés, et non réservés pendant un an à l’étude par un groupe privilégié ». Et pas forcément légitime, on peut le dire.
À titre personnel, ces 2.6 terabytes de données recueillies depuis les années 1970 lui seraient bien utiles. Puisqu’en 1991, Edwy Plenel commet « son seul écart journalistique » : la publication dans Le Monde d’une série d’été, intitulée Voyage avec Colomb, qui sera entachée par un dernier volet contenant des informations non-vérifiées. L’étude des comptes panaméens pourrait aujourd’hui valider sa théorie de l’époque. Mais aucune rancune, Edwy est progressiste. Une pensée qui lui aura attiré les pires fléaux, jusqu’à sa mise sur écoute par l’Élysée durant les mandats Mitterand. Dans les années 1980, le Président de la République s’inquiétait déjà : « Il faudra tout de même qu’on sache qui est vraiment ce monsieur Plenel». Il n’aurait toujours pas eu la réponse.