Hollande socialiste ? Social-démocrate ? Libéral ? titrent continuellement les journaux. La moindre de ses décisions, mouvements ou hésitations est décryptée, interprétée de telle ou telle façon. Il faut toujours qu’on donne une identité à chaque action de l’homme politique du XXIème. Et c’est d’autant plus flagrant avec les débats de société qui ont lieu. La politique peut-elle se résumer à un bricolage d’idées et de mots invraisemblables ?
Le système politique d’aujourd’hui est réducteur. A chaque idée reçue, il faut donner un mot, une injonction, la placer dans l’échiquier politique. Il faut absolument que chaque concept s’identifie à quelque chose de concret. En identifiant votre façon de penser, de vous habiller, de vous exprimer, les « spécialistes » peuvent décrypter à quel parti vous vous assimilez. L’idéologie politique est devenue plus qu’un ensemble d’opinions chargées d’organiser la société ; elle est devenue science, philosophie, mode de vie… A chaque fois, il faut que la ligne politique de chacun soit clair, on a peur de
Lorsque l’on intègre un parti politique, il faut penser comme ceci et comme cela, pas autrement. Et malheur à celui qui se détache du lot, pas d’individualisme en politique, sinon il finira seul, dans la fosse aux loups ! Prenez le cas des députés et sénateurs UMP-UDI, vivement critiqués d’avoir pris position en faveur du mariage gay. Est-ce « contre-nature » d’être de droite et favorable au mariage pour tous ? Le débat autour de ce sujet n’est-il pas tout récent ? François Hollande avait fait 60 promesses lors de sa campagne ; mais voter pour lui signifie-t-il adhérer à la totalité de ses propositions ? Jaurès et de Gaulle doivent se retourner dans leur tombe.
Le gouvernement actuel est d’autant plus critiqué dans son action que l’on ne sait pas vers quel port ils ont décidé de naviguer. Politique d’austérité ? Libéralisme ? Bercy mange-t-il dans la main des pigeons-entrepreneurs ? Manuel Valls est-il de droite ? François Hollande social-démocrate ?
La gauche et la droite n’existent plus
Peut-on réellement être de droite ou de gauche aujourd’hui ? Dans cette société qui progresse à une vitesse fulgurante, ces adjectifs deviennent de plus en plus obsolètes. La pensée de Karl Marx a trouvé sa limite au XXème siècle avec le marxisme, courant violent et totalitaire, loin des théories marxiennes du philosophe. Il n’en demeure pas loin que leurs revendications ont été entendues et ont permis l’établissement du Droit du travail. Avec la diminution des inégalités, la « gauche traditionnelle » perd un peu de son intérêt ; on l’associe davantage à un courant humaniste, soucieux des droits des autres.
Mais en politique, la gauche et la droite n’existent qu’au sein de l’appareil électoral. Ils ne sont présents qu’en tant qu’idéologies et théories abstraites. Une fois élu, le candidat devenu président est confronté à un monde bien différent de l’idée qu’il s’en faisait. Que nos dirigeants politiques soient animés de bonne volonté, soit ; mais il n’appartient malheureusement pluss à eux de décider du cours des choses. Ils ne peuvent plus alors agir selon leur état d’âme et leur opinion propre.
On demanda à Jean-Luc Mélenchon, invité de Des Paroles et des Actes, comment il s’y prendrait pour agir, une fois au pouvoir. « Le miracle est le suivant, explique-t-il, nous sommes la France, 2ème économie du continent. Nous avons la bombe nucléaire. Pas pour la jeter la bombe nucléaire militaire […] Il y a 1880 milliards de dette française. On paye plus. Le monde entier s’écroule ». Est-ce réaliste ? Des acteurs bien plus puissants sont en jeu, à l’intérieur et à l’extérieur du prisme.
Nos véritables dirigeants
Le monde est confronté à une crise économique d’une grande ampleur. Le chômage explose, le pouvoir d’achat des ménages s’effondre ; notre pays est en récession. D’une part, la France ne peut agir de la même façon qu’en temps normal ; on a beau leur reprocher toute la misère du monde, si les gouvernements Fillon et Ayrault ont appliqué tous deux une politique de rigueur, c’est pour une bonne raison. D’autre part, la Chine possède une bonne partie de la dette mondiale, aussi c’est elle qui est la plus à même de dicter la politique internationale. La France a beau être la 2e économie de l’Union Européenne, à Bruxelles, c’est Angela qui conduit.
Le même phénomène se répète à l’échelle nationale. L’affaire Florange l’exprime très bien. Arnaud Montebourg s’attaque au président d’ArcelorMittal mais doit finalement faire demi-tour. Car si Mittal quitte la France, ce sont des milliers d’emplois qui disparaissent. En dehors des multinationales étrangères, les lobbies coupent également les vivres de l’exécutif. En plein débat sur l’e-cigarette, le patron de la British American Tobacco conviait de nombreux parlementaires à un déjeuner luxueux, l’addition s’élevant à plus de 10.000 euros.
« Mon ennemi c’est la finance », disait notre actuel président dans son costume de candidat. Mais le monde financier est aussi présent pour imposer ses règles. Face à une crise identitaire, on rassure les foules, on se construit une personnalité typique de ce que veulent et attendent les gens. Une fois au pouvoir, nos dirigeants n’ont plus la liberté de choix, aliéné par ces « puissants » (ou alors ils n’ont pas beaucoup de courage) et s’abandonnent à leur politique. On ne donc pas s’étonner d’une si forte impopularité ; la côte de MM. Ayrault et Hollande skie sur une piste noire.