
Alors que l’intégrale de Un village français est sur TF1+, retour sur l’un des moments très forts, en saison 6, l’épisode « La corde ».
Un village français est une immense série. Pas simplement française, une grande série tout court. Si vous l’avez raté, profitez pour la redécouvrir sur TF1+ où l’intégrale est disponible. Mais on a souhaité s’arrêter sur un épisode qui illustre parfaitement pourquoi cette série est immense.
SPOILERS : Saison 6 Episode 3 : La corde (2014)
L’intensité dramatique
L’action de l’épisode se passe en 1944. Villeneuve est proche de la Libération (les américains bombardent Besançon). Mais les allemands comme les miliciens sont encore là et se livrent toujours à de fortes représailles sur la population. Les collabos commencent à sentir le vent tourner et espèrent négocier leur survie. Marchetti et Servier, à la pointe de la collaboration, espèrent pouvoir négocier leur vie d’après avec une carte en leur possession : ils détiennent deux membres importants de la résistance dont l’un des plus vigoureux, Antoine. Ils menacent de le livrer à la Milice. Dans le même temps, Marie Germain, chef de la Résistance participe à l’ultime opération qui doit conduire à la libération totale de la ville.
Cette épisode illustre parfaitement la manière dont la série est construite depuis le début à savoir comment les événements de la grande Histoire impacte la psychologie des personnages de fiction. Car à la faveur d’une décision se joue la destinée de plusieurs personnages.
Cela commence par un face à face avec un ennemi « insauvable » dans une grange mais qui a les clés de la survie de camarades ; puis l’accomplissement d’une destinée tragique dans une cours d’école. Dans les deux cas, l’Histoire est en marche à deux pas des personnages (la Libération / les représailles) et les personnages de l’histoire de la série réagissent de manières différentes. Avec ce petit supplément que l’écriture fictionnelle permet : la conséquence du premier événement (la rencontre dans la grange) entraîne la conclusion tragique du second événement (une pendaison dans une cours d’école).
Le destin en marche
Marchetti, déclaré insauvable par la Résistance, accepte à contrecœur les conditions de la négociation pour sauver ses hommes. L’impact psychologique (qui a toujours été le nerf de la série) que cela aura sur lui explique la dernière monstruosité qu’il commettra dans la série : « Vous n’êtes pas un homme, vous êtes un laquait, minable » lui assène Marie Germain quelques heures plus tard alors qu’elle est au bout d’une corde. Et quand on est insauvable, on a plus rien à perdre et on se laisse aller à ses pires instincts : on arrache le tabouret sur lequel reposaient les pieds de la résistante qui finit pendue. On la voit dans une scène glaçante, au bout de la corde tandis que Marchetti s’éloigne, perdu dans ses pensées, sans même un regard vers elle. Puis comme un ultime geste horrible, il allume une cigarette.
La puissance de cette série est que même avec cette scène horrible en tête, la disparition de ce sinistre personnage en saison 7, reste un des moments bouleversants de la série car là aussi, parfaitement écrite.
Tout l’épisode est filmé avec une précision doublée d’une sobriété hors pair par Jean-Philippe Amar sur la musique bouleversante de Eric Neveux. Le travail de précision de l’écriture toujours menée par Frédéric Krivine (avec Sophie Rocquillon sur cet épisode) est saisissante. Si tous les acteurs marchent sur un fil dans cet épisode pour ne jamais avoir l’émotion de trop, c’est Nicolas Gob qui une nouvelle fois nous subjugue par l’intense sobriété glaçante qu’il donne à Marchetti. Si durant une partie de la série, on était tenté de saluer uniquement le travail accompli par Richard Sammel (en salaud SS), Nicolas Gob prouve largement dans cette série qu’il est un immense acteur dramatique.
