Quarante-un ans après la disparition puis le meurtre du petit Grégory, l’affaire rebondit. La justice vient de mettre en examen ce vendredi 24 octobre la grande-tante de Grégory, Jacqueline Jacob, soupçonnée d’être l’un des « corbeaux ». Cette mise en examen pour « association de malfaiteurs criminelle » relance les espoirs de vérité.
L’affaire Grégory, plus de 40 ans d’enquête
Le 16 octobre 1984, un drame touche le village de Lépanges-sur-Vologne (Vosges). Le petit Grégory Villemin, âgé de 4 ans, disparaît alors qu’il joue devant sa maison familiale. Quelques heures plus tard, on retrouve son corps dans la rivière La Vologne, pieds et poings liés, un bonnet tiré sur le visage. À 17 h 30, sa mère alerte les gendarmes, et vers 21 h 15, les autorités confirment le drame.
Avant même la mort de l’enfant, les parents du petit Grégory, Jean-Marie Villemin et Christine Villemin, reçoivent des lettres anonymes et des appels de menaces. L’un des correspondants se fait appeler le « corbeau ». Les enquêteurs n’ont jamais identifié de manière définitive l’auteur ou les auteurs de ces messages.
Au fil des décennies, l’instruction a mobilisé de nombreux magistrats, experts et enquêteurs. Malgré des centaines d’expertises graphologiques, stylométriques ou ADN, le Parquet général de la cour d’appel de Dijon a admis que les « nouvelles expertises n’ont pas donné d’éléments significatifs ». Les rebondissements judiciaires ne manquent pas : inculpations puis annulations, suspects tués ou suicidés, vignette médiatique permanente. Quarante ans plus tard, l’énigme reste entière.
Mais dernièrement, un rebondissement ravive l’espoir de faire enfin la lumière sur ce crime. Les magistrats de la cour d’appel de Dijon ont de nouveau convoqué Jacqueline Jacob, la grand-tante de Grégory. Les enquêteurs soupçonnent qu’elle est l’une des « corbeaux » de l’affaire. Jacqueline Jacob vient d’être mise en examen pour association de malfaiteurs criminelle. Une nouvelle étape judiciaire qui, 41 ans après les faits, laisse entrevoir la possibilité d’un dénouement attendu depuis des décennies.
Les époux Jacob au cœur de l’affaire Grégory
Ce dernier rebondissement ravive l’espoir de faire enfin la lumière sur ce crime. Mais la grand-tante de Grégory est loin d’être une nouvelle venue dans cette affaire. Les enquêteurs la soupçonnent depuis plusieurs années d’avoir participé à la campagne de lettres anonymes et d’appels menaçants adressés à la famille Villemin.
En 2017, les juges d’instruction l’avaient déjà mise en examen pour enlèvement et séquestration suivie de mort, puis la procédure a été annulée l’année suivante. Elle avait alors choisi de garder le silence face aux enquêteurs, tandis que son mari, Marcel Jacob, affirmait ne se souvenir de rien. À l’époque, le couple vivait à proximité de la famille Villemin et avait été décrit comme proche mais jaloux du jeune père, Jean-Marie Villemin, promu contremaître dans une usine locale. Un élément central du mobile envisagé par les enquêteurs.
Les soupçons se sont renforcés à la lumière de nouvelles expertises graphologiques menées ces dernières années. Ces analyses ont révélé de fortes similitudes entre l’écriture de Jacqueline Jacob et celle des lettres anonymes envoyées aux parents de Grégory, notamment la lettre de revendication du meurtre. Certaines expertises stylométriques plus récentes (2021 et 2023), fondées sur l’analyse linguistique, vont dans le même sens.
Jacqueline Jacob nie catégoriquement toute implication. « C’est faux, j’ai jamais écrit. Nous faire accuser, c’est la pire des choses qu’on ait faites. La justice ne fait pas bien son boulot. », affirmait Jacqueline Jacob, en 2021, à BFMTV.
Bernard Laroche, l’oncle accusé et assassiné
Bernard Laroche, oncle paternel de Grégory, a été longtemps au centre des soupçons dans les mois qui ont suivi le drame de 1984. Les enquêteurs avaient initialement cru que ses tensions familiales avec Jean‑Marie Villemin pouvaient constituer un mobile.
En octobre 1984, la police arrête Bernard Laroche, puis le relâche rapidement faute de preuves. Quelques semaines plus tard, Jean‑Marie Villemin abat tragiquement Bernard Laroche dans un acte de vengeance qui choque la France entière et relance médiatiquement l’affaire.
Parallèlement, Muriel Bolle, belle‑sœur de Bernard Laroche et âgée de 15 ans, est celle par qui l’affaire bascule. Lors de son audition, elle affirme aux enquêteurs que le jour des faits, elle se trouvait dans la voiture de Laroche, qui aurait selon elle enlevé Grégory avant de stationner le véhicule près de la Vologne. Ce témoignage permet l’inculpation de Bernard Laroche. Les autorités autorisent ensuite Muriel Bolle à rentrer chez elle, mais dès le lendemain, elle se rétracte devant les journalistes et déclare que son beau‑frère est innocent.
Bien qu’il n’ait jamais été jugé pour l’enlèvement et le meurtre de Grégory, le nom de Bernard Laroche reste associé à l’un des rebondissements les plus dramatiques de l’enquête, illustrant la complexité et la tension au sein de la famille Villemin.
La vérité sur Grégory toujours hors de portée
Quarante et un ans après le drame, l’affaire Grégory reste un symbole tragique d’énigme criminelle en France. Entre accusations, rétractations, expertises multiples et rebondissements judiciaires, le mystère autour de l’identité du corbeau et de l’auteur du meurtre n’a jamais été totalement élucidé. Chaque nouvelle piste, qu’il s’agisse de Bernard Laroche, de Muriel Bolle ou des époux Jacob, rappelle la profondeur des tensions familiales et l’ampleur de l’impact médiatique de l’affaire.
Cette mise en examen de Jacqueline Jacob offre un nouvel espoir de réponses. Malgré quatre décennies d’enquête, la vérité sur la mort du petit Grégory reste fragile et que seule la justice, patiemment, pourra peut-être un jour apporter des certitudes à cette tragédie qui hante encore la mémoire collective.