Tinder, c’est la dernière appli de smartphone à la mode. Une idée simple : on définit une orientation sexuelle, une série de photos de personnes correspondantes s’affichent à la chaine, l’utilisateur choisit d’aimer ou pas. Si les deux protagonistes aiment leurs photos mutuelles, ils peuvent rentrer en contact afin d’aboutir à un rendez-vous. Simple d’utilisation, épuré, jeune, cette véritable application de rencontre brise les tabous aux risques de dérives. Et si l’application était révélatrice d’une certaines dérives de la société ? C’est frais, c’est design, c’est jeune, ce réseau social de coups d’un soir (et parfois de relations plus sérieuses) serait à la fois amusant et terriblement pervertissant, révélant les instincts les plus inavouables de l’homme ?
Comme un air de déjà vu, une soirée, un point de rencontre et un ou une amie qui arrive, accompagné d’un ou une inconnu, parfois différent d’une journée a l’autre. Le phénomène Tinder n’a pas fini de briser les frontières de la socialisation. Faire rencontrer des inconnus que rien n’aurait réunis autrement, briser la glace de la timidité à l’aide d’un écran. A priori, peu de différences dans le fond avec d’autres sites de rencontres. Pourtant, derrière l’innocence de l’idée se cache une réalité bien plus sombre, comme une déshumanisation des rapports humains. Une fois arrivé sur l’application, l’utilisateur se retrouve comme face à un catalogue. Les photos aimées sont mise dans le panier en attendant un éventuel « match », les autres jetées à la poubelle. Finalement, seul le physique compte. Rapide, simple. La réflexion, la sensibilité et la discussion n’ont finalement que peu de place ici. Tout se joue en peu de temps, un échange de message, un rendez-vous et la confrontation. Pour les moins doués, peu à trouver, pour les romantiques, des miettes. Tinder est surtout le premier réseau social de plan cul du monde. Et si Tinder ne servait qu’à faire rencontrer les corps avant les humains sans peu d’autres considérations ? Ici, Tinder utilise vos photos et vous marchandise en les faisant se confronter, on aime votre tête ou on ne l’aime pas. Superficiel, malsain, finalement Tinder n’est en fait qu’une sorte de quartier rouge virtuel.
Mais le revers ne s’arrête pas la. Curieux, je me met à discuter avec un ami utilisateur. Inspiré par quelques analyses, une discussion profonde sur le sentiment même de l’utilisateur s’installe. Une évidence apparait, Tinder est aussi utilisé comme une sorte de crash test, les nouvelles répliques sont testées dans les « matchs ». La personne qui se trouve en face n’est en réalité quasiment vu comme un « entrainement ». L’utilisateur en oublierait presque qu’il parle à un humain avec des sentiments. L’idée principale qui ressort de mon interlocuteur est finalement à la relecture de ses discutions de « match », c’est la fierté que tel ou tel de ses répliques ait marchées, comme si l’utilisateur cherche en réalité une autosatisfaction. Il voudrait en réalité flatter son ego, l’autre personne et ses répliques n’ont que peu d’importance comme dans une discussion normale. Le summum est atteint quand l’application est utilisée pour « rigoler » ou le « match » se transforme en véritable canular. Ici, l’interlocuteur du chat est vu comme un pigeon, avec lequel on va tester les répliques les plus loufoques, parfois l’insulter ou se moquer. Cruel n’est ce pas ?
Finalement le phénomène est révélateur de l’évolution de la société. Les sentiments sont de plus en plus ringardisé, ce qui est recherché, c’est l’instinct de chair. Les célibataires au cœur fragile n’y verront qu’une échappatoire illusoire qui n’arrangera pas leur problème de cœur ou ne répondra pas à leur crise d’existentialisme. Pour les plus endurcis où ceux qui recherchent l’adultère, cela ne contribuera qu’à endurcir encore leurs cœurs de pierre dont ils souffrent sans l’avouer. Finalement, la philosophie non avouée de Tinder est que seule la chair compte. On ne fait plus l’amour, on baise. Parfois sans réelle envie, juste pour assouvir son plaisir, son instinct de chair, de reproduction. La déshumanisation est poussée au point de nous faire agir comme des bêtes individualistes. L’autre disparait, il n’est qu’un amusement, un jeu, peut-être un sex-toy ?