En Europe, les partis politiques dénonçant l’austérité ont le vent en poupe. Après la victoire éclatante de Syriza en Grèce, le 25 janvier dernier, le mouvement espagnol Podemos est parvenu à mobiliser 100 000 manifestants, samedi, à Madrid. Certains évoquent désormais une possible contagion à tout le Vieux Continent. Explications.
En Grèce, la gauche radicale arrive au pouvoir
En Grèce, le 25 janvier dernier, le parti de gauche radicale Syriza, dirigé par Alexis Tsipras, a remporté les élections législatives. En obtenant 36,5 % des voix et 149 sièges, Syriza a même raté de peu la majorité absolue. Ce sera finalement chose faite dès le lendemain. Dans une logique pragmatique, Alexis Tsipras a en effet décidé de s’allier avec la droite populiste des Grecs indépendants (ANEL), dirigée par Panos Kammenos.
Syriza, comme ANEL, combat vigoureusement les mesures d’austérité et la « troïka » (Fonds monétaire international, Commission européenne, Banque centrale européenne). Depuis 2010, en échange d’un prêt de 240 milliards d’€, la « troïka » a exigé une cure d’austérité et la mise en place de réformes structurelles sans précédent de la part d’Athènes. Il s’agit d’éviter la faillite du pays. Oui mais voilà, cinq ans plus tard, la Grèce semble au bord de l’asphyxie. La situation économique est catastrophique avec une dette publique à 177% du produit intérieur brut (PIB) et un taux de chômage de 26% (il atteint même 51% chez les moins de 25 ans). Dans ce contexte, Alexis Tsipras a déclaré vouloir « négocier » avec les créanciers du pays une « nouvelle solution viable qui bénéficie à tous ». Plus précisément, Syriza propose l’effacement d’une partie de la dette, en incluant une clause de croissance dans le remboursement, l’augmentation du salaire minimum à 751€, des embauches dans la fonction publique ou encore l’électricité gratuite pour les foyers vivant sous le seuil de pauvreté. Tandis que certains se montrent inflexibles à l’instar de la chancelière allemande, Angela Merkel, et du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, d’autres y voient du bon sens tant le pays semble au bord du gouffre.
Espagne : la percée de « Podemos »
En Espagne, Podemos connait actuellement une ascension fulgurante. Samedi dernier, le parti est même parvenu à mobiliser 100 000 manifestants à Madrid. Signifiant littéralement « Nous pouvons », Podemos est issu du mouvement des Indignés né à Madrid en 2011. Les Indignés dénonçaient notamment la haute finance, l’austérité et l’establishment jugé corrompu. Tout comme Syriza, Podemos se veut « anti-libéral » et partage le rejet de la « troïka ». Fondé il y a tout juste un an, le parti ne cesse de progresser dans les sondages. Il dépasse régulièrement le Parti socialiste et parfois même le Parti populaire (droite) au pouvoir, devenant théoriquement la première ou deuxième force politique. Tout comme la Grèce, l’Espagne subit durement la crise. Le taux de chômage est de 24% et atteint même 54% chez les moins de 25 ans. Les élections législatives espagnoles de 2015 permettront de voir si Podemos suit l’exemple de Syriza.
En France et en Allemagne aussi ?
Ailleurs en Europe, les discours dénonçant l’austérité semblent également avoir un certain écho. En France, Marine Le Pen a ouvertement soutenu Syriza avant les élections grecques. Le Front National, qui culmine dans les sondages, affiche volontiers son « anti-austérité ». Tout comme à l’extrême-gauche. En réaction à la politique sociale-libérale du gouvernement, certains, à l’instar de Jean-Luc Mélenchon, imaginent une recomposition à la gauche de la gauche basée sur le refus de l’austérité européenne. Cette large alliance pourrait inclure Le Front de Gauche, des écologistes derrière Cécile Duflot et des parlementaires PS « frondeurs » comme Benoît Hamon. Reste à savoir si cette alliance séduira l’opinion. Concernant l’Allemagne, le parti de la gauche radicale allemande Die Linke a pris la tête du gouvernement régional de l’Etat de Thuringe en décembre 2014. Une première depuis la réunification de l’Allemagne qui met fin à 24 ans d’hégémonie des conservateurs de la CDU sur ce Land de l’ex-RDA. Un « Printemps » européen est-il en marche ?
Le contexte économique européen, avec une croissance faible et un chômage de masse endémique, donne du crédit aux discours anti-austérité. Parallèlement, la bipolarisation politique traditionnelle, droite contre gauche, semble évoluer en un clivage d’un nouvel ordre, les pro-austérité contre les anti-austérité. L’alliance grecque l’illustre. Quoi qu’il en soit, si la contagion se confirme, les instances européennes devront prendre en compte les choix des peuples et changer de politique économique à propos du remboursement des dettes. En particulier dans les pays où les cures d’austérité sont les plus sévères.