Dénoncée depuis plusieurs années maintenant, l’évasion fiscale constitue un des principaux maux économiques de nos sociétés. Retour sur un phénomène onéreux pour les états et les contribuables.
C’est un terme obscur mais dont les répercussions sont bien visibles. L’évasion fiscale, ou le fait de ne pas payer d’impôts dans le pays d’origine de l’entreprise ou du particulier fraudeur, représente pour les états un manque à gagner faramineux. Ainsi, en 2011, l’évasion fiscale était chiffrée, en France à 50 milliards d’euros. Et si l’hexagone subit le phénomène, celui-ci coute d’avantage encore à l’Union Européenne. En 2013, Herman Van Rompuy expliquait que ce type de fraude privait les états membres de l’UE de 1000 milliards d’euros par an. Pourtant, ces entreprises et particuliers fraudeurs bénéficient bien des services publics financés par l’imposition. Allocations chômage, routes, écoles publiques, santé : voilà à quoi servent les impôts prélevés par l’Etat.
Qui fraude ?
Dans un reportage diffusé sur Arte ce mois-ci, Xavier Harel dénonce le phénomène de l’évasion fiscale et pointe du doigt. On y apprend ainsi que de nombreuses entreprises françaises ont eu recours à des placements financiers leur permettant de payer leurs impôts, ou tout du moins une partie, dans un des soixante paradis fiscaux existant. Parmi les compagnies évadées fiscales, Colgate-Palmolive ou Amazon. La première citée a ainsi pu, grâce à des montages fiscaux d’une complexité déconcertante, ne payer à la France qu’une faible partie des impôts dus. Et si ces sociétés sont bien évidemment en cause, d’autres acteurs économiques sont à blâmer. Parmi eux, les sociétés de conseils qui réalisent les montages ou les banques, qui n’hésitent pas à inciter leurs clients à l’évasion fiscale.
Une complexité à la hauteur des économies réalisées
Comment expliquer que seules les multinationales ou les plus riches particuliers s’évadent fiscalement ? La réponse réside dans la question : l’argent est un puissant outil qui permet d’acheter des services, comme ceux des cabinets de conseils. Ces entreprises, peu connues du grand public, portent des noms comme KPMG ou Ernst and Young. Une fois leurs services sollicités, ces compagnies mettent en place des montages financiers très complexes à la limite de la légalité. Colgate-Palmolive, dont le plan Optima de 2004 a permis d’économiser des millions d’euros, a eu recours à un type de pratiques très répandu : la délocalisation des centres décisionnels. L’entreprise française, dont le siège social se situe désormais en Suisse, est ainsi taxée à hauteur de 8,5%, soit le taux d’imposition du Canton de Genève où sont situés les nouveaux locaux de la compagnie. Cette dernière continue cependant d’écouler ses produits sur le territoire français, utilisant les infrastructures et services publics du pays comme les routes, la police ou l’assurance santé pour ses employés résidents en France.
Une épine dans le pied des états
Comme expliqué précédemment, la fraude fiscale coûte énormément aux états. Ce manque à gagner, dont le montant dépend surtout de la capacité du législateur à empêcher ce type de comportement, n’est pas le même suivant les pays concernés. Et si la France subit elle aussi les répercussions du phénomène, elle n’est pas la plus à plaindre au regard des montants perdus par d’autres pays. Dans son reportage diffusé sur Arte, Xavier Herel pointe notamment du doigt la situation grecque. On estime ainsi que le pays passe chaque année à côté de 45 milliards d’euros (contre environ 50 milliards pour la France). Ce montant, qui correspond à l’exil fiscal des particuliers et entreprises grecques, représente près de 20% du PIB du pays quand il ne représente en France que 2 à 5% du PIB. Cette importante proportion de fraudeurs en Grèce pourrait ainsi être une des causes de la situation que connaît actuellement le pays, comme le précise Nikkos Lekkas. Pour le directeur de la brigade des contrôles fiscaux grecs, si son pays récupérait la moitié de la somme escroquée, « La Grèce n’aurait plus de problème ».
Un problème, quelles solutions ?
Des Etats-Unis à l’Europe, les états reconnaissent aujourd’hui le problème de l’évasion fiscale, conscients qu’elle leur coute chaque année énormément. Et si le constat est fait, les décisions, elles, tardent à venir et à être appliquées. Mais depuis le 21 juillet, la donne pourrait être différente. Car l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) vient, semble-t-il de trouver une solution à l’évasion fiscale. La norme prochainement en vigueur, instaurera, à partir de 2017, un échange automatique d’informations bancaires. Cette règle devrait ainsi permettre qu’aucune transaction ou compte n’échappe aux mailles du filet, les banques étant forcées de communiquer toutes ces informations bancaires aux institutions fiscales concernées. Et sur les 65 pays engagés à adopter cette nouvelle norme, 40 l’appliqueront dés le 1er juillet 2017. Parmi eux, des paradis fiscaux comme les Caïman ou Jersey. Mais d’autres états, comme la Suisse ou le Luxembourg, promettent d’adopter prochainement le dispositif sans pour autant avoir annoncé de date de mise en place. Une manière, pour ces pays, d’accepter la réforme tout en conservant leur statut privilégié.
Le reportage d’Arte du 22 juillet 2014 :
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