Ce documentaire « citoyen », comme il se décrit, veut nous démontrer une « manipulation globale » mise en place par le pouvoir dans la gestion de la crise sanitaire. Résultat ? Ce film se rapproche davantage de la fiction à caractère propagandiste en manipulant les faits au rythme des contre-vérités.
Le port du masque n’a pas été recommandé par l’Organisation mondiale de la santé ?
Faux. C’est Astrid Stuckelberger, créditée d’un titre de docteure en médecine, qui affirme que « l’OMS ne dit pas que tout le monde doit mettre un masque ». Cependant, dans une note publique publiée le 5 juin 2020, l’Organisation mondiale de la Santé préconise bien le port du masque.
La note explique bien que « le port du masque s’inscrit dans le cadre d’un ensemble de mesures anti-infectieuses propres à limiter la propagation de certaines affections respiratoires virales, dont la COVID-19 fait partie. Il peut permettre aussi bien à des sujets en bonne santé de se protéger (en cas de contact avec une personne infectée) qu’à des sujets porteurs de virus de ne pas les transmettre (lutte à la source) ».
De plus, Claude Veres, dermatologue intervenante dans ce documentaire, explique que les masques chirurgicaux « ne sont pas très protecteurs », en devenant des repères à microbes. C’est le caractère systématique de cette assertion qui est faux. En effet, Françoise Dromer, responsable de l’unité de Mycologie moléculaire et du Centre national de référence des Mycoses invasives et des antifongiques de l’Institut Pasteur, explique que « les infections graves liées aux champignons sont rares ». Et d’ajouter : « dans les conditions d’utilisation recommandées, il n’y a aucun moyen que des champignons se développent à l’intérieur d’un masque ».
Le confinement inutile ?
Faux. En plus d’avancer l’argument liberticide difficilement discutable scientifiquement, le documentaire et ses intervevant ne cessent d’asséner une affirmation : le confinement a été inutile. « Le virus a particulièrement sévi durant la période où nous étions tous confinés grâce à une mesure historique censée ne pas faire apparaître cette courbe », nous explique la subtile voix off de ce documentaire.
Pour une vérification, il suffit de prendre en considération le nombre de décès liés au Covid-19 en hôpitaux et en Ehpad durant la période entière du confinement, du 17 mars au 11 mai. Ce graphique comptabilise les décès hebdomadaires du 1er janvier jusqu’à la dernière semaine du confinement.
En utilisant les données fiables d’Eurostat, la courbe dessinée permet de voir un net recul du nombre de décès après le pic de la fin du mois de mars. Il est donc exact d’affirmer que le virus a sévi durant la période où nous étions confinés, cependant le lien effectué entre la mesure de confinement et le nombre de décès est plus que rapide. En effet, les décès interviennent trois semaines après la contamination en moyenne. De ce fait, l’évaluation de l’efficacité d’une mesure sur la baisse ou l’augmentation des décès doit prendre en compte 3 semaines de décalage. Et puisque nous prenons en compte ces 3 semaines, nous pouvons affirmer que le confinement a été utile, la courbe en témoigne. Erreur de méthode.
Le virus a été créé par un laboratoire ?
Faux. Jean-Bernard Fourtillan, crédité d’un titre de pharmacien et professeur agrégé de chimie thérapeutique, affirme que l’Institut Pasteur aurait fabriqué le virus de toutes pièces. Pour appuyer ses propos, il énonce l’existence d’un brevet déposé en 2004 par l’Institut Pasteur sur une souche du Sras. Oui, ce brevet existe. Cependant, il porte sur un virus différent.
Interrogé par l’AFP, Olivier Schwartz, directeur de l’unité virus et immunité de l’Institut Pasteur, explique qu’il n’y a pas coronavirus, « il y en a au moins 7 et donc le dépôt de ce code génétique correspondait à l’épidémie de 2003, c’est un cousin du virus qui fait l’objet de l’épidémie actuelle ».
En plus de cette erreur majeure, il demeure un problème d’importance : des milliers de brevets de ce type sont déposés chaque année et les brevets concernés comportent des descriptions des codes génétiques ou des pistes de vaccins, et n’attestent en aucun cas de la création d’un virus. « On n’invente pas un virus », assène Olivier Schwartz.
Dans le cas du brevet évoqué par Jean-Bernard Fourtillan, il s’agissait d’un brevet portant sur « la séquence, le code génétique, d’un virus isolé au Vietnam à l’époque de l’épidémie de Sras », explique Olivier Schwartz.
L’hydroxychloroquine est le remède miracle ?
Faux. « Une efficacité reconnue, traitement inoffensif, peu coûteux, disponible et facile à administrer ». Voici le traitement miracle décrit par la voix off du documentaire. L’objet ? L’hydroxychloroquine.
Toutefois, les études publiques à propos de ce médicament ont été critiquées dans des publications scientifiques. La raison : des problèmes méthodologiques importants (de trop petits groupes de patients ou aucun groupe témoin par exemple). Les publications allant dans ce sens se multiplient.
L’essai Recovery début juin a affirmé que l’hydroxychloroquine n’avait « pas d’effet bénéfique » contre le Covid-19.
Début juillet, une étude française menée par Epi-phare, organisme réunissant l’Agence du médicament (ANSM) et l’Assurance Maladie, sur près de 55 000 patients montre que ces patients traités « au long cours », notamment pour des maladies auto-immunes, avec de l’hydroxychloroquine ou de la chloroquine n’ont pas été moins touchés par des formes graves de Covid-19 durant l’épidémie.
Les chercheurs de cette dernière étude affirment que « même si la nature observationnelle de l’étude ne permet pas de conclure formellement à l’absence de bénéfice des antipaludéens de synthèse pour la prévention d’une forme sévère de Covid-19, ces résultats ne plaident pas en faveur d’une utilisation préventive de l’hydroxychloroquine dans la population, y compris la population la plus à risque, et ce en dehors d’essais thérapeutiques dédiés ».
L’Etat a euthanasié ses anciens ?
Faux. Serge Rader, crédité du titre de pharmacien, affirme que l’Etat a organisé l’euthanasie des personnes âgées en autorisant par décret l’utilisation du Rivotril, un sédatif utilisé en soins palliatifs.
Selon la définition de la Société française de soins palliatifs, ce médicament est destiné à « soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personnel malade ».
Le décret dont il fait référence date du 28 mars venant faciliter la dispensation du Rivotril comme du paracétamol. Le texte permet aux pharmacies d’officine (et plus seulement les pharmacies d’hôpitaux) de délivrer le Rivotril sur ordonnance mentionnant le Covid-19.
La direction générale de la Santé explique qu’il « ne s’agit pas d’un assouplissement des modalités d’usage mais uniquement de ses modalités de dispensation, afin d’améliorer la prise en charge palliative des patients le nécessitant dans les Ehpad ».
La facilitation de l’utilisation de Rivotril visait également à pallier la potentielle pénurie d’Hypnovel (midazolam) dont les stocks étaient en tension ; une molécule utilisée pour endormir les patients en réanimation mais aussi pour adoucir la fin de vie des malades en soins palliatifs.
Ainsi, le Rivotril n’est pas au cœur d’une organisation d’euthanasie massive. « Administrer du Rivotril à un patient ne veut pas dire arrêter les soins », explique dans un communiqué de la Société française de gériatrie et de gérontologie Olivier Guérin, professeur de gériatrie a CHU de Nice.
« Il s’agit, au contraire, lorsque la situation se dégrade et dans certaines circonstances d’un accompagnement pour soulager sa souffrance en le plaçant dans une sédation lorsque la détresse respiratoire devient insupportable, mais il ne s’agit certainement pas, encore une fois d’un médicament destiné à pratiquer une euthanasie. L’asphyxie en fin de vie est inacceptable », affirme le professeur Guérin.