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Football : Les grands joueurs ne font pas (toujours) les grands entraîneurs

Willy Sagnol

Willy Sagnol, ex-international français se mue désormais en entraîneur des Girondins de Bordeaux, pour les trois saisons à venir. En Italie, c’est Filippo Inzaghi, ancien grand buteur, qui s’occupera du Milan AC l’année prochaine. Ces deux ex-joueurs au palmarès bien rempli viennent ainsi gonfler les rangs des ex-joueurs pro devenu entraîneur. Si la tendance des clubs à nommer d’anciennes stars du ballon à la tête de leur équipe a toujours été dans la logique des choses, leur expérience du terrain n’est pas toujours un gage de réussite.

Le métier d’entraîneur nécessite une implication passionnée et intense pour son sport. Les connaissances techniques et tactiques ne suffisent pas toujours si l’entraîneur est incapable de le transmettre à son équipe. Ainsi, la capacité à fédérer un groupe pour le rassembler autour d’une idée semble une qualité essentielle à la bonne marche d’une équipe. Les entraîneurs sont donc généralement de fortes personnalités qui sont capables de mener les hommes par leur simple charisme. Le DEF, diplôme ultime et « indispensable » à la prise de fonction d’entraîneur, est censé apporter les compétences techniques, physiologiques et tactiques pour espérer être nommé à la tête d’une équipe professionnelle.

A la fin de sa carrière de joueur, aux alentours des 35 ans, celui-ci se pose légitimement une question « what next ? ». Si beaucoup s’éloignent des terrains, certains choisissent de devenir entraîneur. Leurs nombreuses années passées dans les grands clubs à côtoyer les meilleurs joueurs et entraîneurs, leurs donnent l’opportunité de valider leur diplôme rapidement quand d’autres mettent plusieurs années à franchir les longues étapes qui leur ouvriront les portes du haut niveau. Il arrive très souvent qu’un joueur se retrouve à la tête d’une équipe munit d’une simple dérogation fournit par la ligue, le temps que ce dernier valide ses diplômes, comme ce fut le cas pour Laurent Blanc lorsqu’il prit place sur le banc des Girondins de Bordeaux.

Laurent Blanc

Laurent Blanc, un des premiers de France 98 à passer de l’autre côté de la ligne de touche

Johan Cruyff, l’homme aux trois ballons d’or est l’un de ces joueurs qui très vite a pris la tête d’une équipe après avoir mis fin à sa carrière de joueur. Le hollandais volant, surnom qu’il a acquis par son aisance à se déplacer et à transpercer les lignes sur un terrain, termina sa carrière de joueur en 1984 après une ultime saison au Feyenoord Rotterdam. En 1985 il fut nommé nouvel entraîneur du mythique club de l’Ajax d’Amsterdam. Il complétera alors son palmarès de joueur déjà bien rempli, avec plusieurs titres de champions d’Espagne et Pays-Bas, des coupes nationales et trois coupes d’Europe dont la plus prestigieuse, une ligue des champions en 1992 avec le FC Barcelone. Comme pour valider la thèse qu’il faut avoir été un joueur de haut niveau pour devenir un grand entraîneur, celui-ci déclara plus tard de José Mourinho : « il n’était rien comme joueur ».

Un autre enfant cher du club Blaugrana a suivi les traces de son ancien coach qu’était Johan Cruyff. Pep Guardiola, ex-international espagnol et joueur du FC Barcelone de 1990 à 2001, s’est très vite retrouvé de l’autre côté de la ligne avec la casquette d’entraîneur. Après une ultime saison en Italie, Pep termine sa carrière de joueur professionnel en 2006. L’année suivante il prendra l’équipe réserve du FC Barcelone et finira champion pour sa première année en tant qu’entraîneur. La saison suivante, la Masia lui confiera les clés de l’équipe première avec le succès qu’on lui connaît. Si l’on retient de son équipe l’avalanche de trophées, 14 titres en quatre saisons, et la reconnaissance d’une équipe comme l’une des plus techniques et tactiques de l’histoire, on peut également saluer la performance inhabituelle d’un des plus jeunes entraîneurs du circuit d’amener une équipe à un tel niveau de maturité.

Cruyff et Guardiola

Cruyff et Guardiola, père et fils spirituels ?

Les exemples de joueurs professionnels qui deviennent entraîneurs en un temps record, sans passer par la case formation et diplôme, sont nombreux. A ceux évoqués ci-dessus, on pourrait rajouter les cas de Didier Deschamps, Carlo Ancelotti ou plus récemment Laurent Blanc qui sont tous des ex-joueurs à la carrière impressionnante et qui sont devenus très vite des entraîneurs respectés.

Pourtant, la réussite d’un ex-joueur devenu entraîneur n’est pas toujours systématique. Diego Maradona, joueur dont la renommée a dépassé toutes les frontières tant son parcours de footballeur est alléchant, ne connut pas la même reconnaissance en tant qu’entraîneur. Après quelques passages très brefs sur le banc de différents clubs sud-américains qui furent tous des échecs, il finit par prendre la place de sélectionneur national de l’équipe d’Argentine. L’Albiceleste ira à la Coupe du Monde 2010 et terminera son parcours en quart de finale obtenant alors la 5ème place de ce premier mondial africain. Si son parcours en Coupe du Monde semble honorable, il quittera son poste de sélectionneur juste après avec un bilan mitigé en l’espace de deux ans.

Plus récemment, cette fin de saison sera marquée par le cas de Clarence Seedorf, parachuté sur le banc du Milan AC à l’inter-saison sous l’étiquette d’une personnalité connaissant bien le club et son institution. Après six mois passés sur le banc, le technicien néerlandais fut remercié dès la fin de saison pour laisser place à un autre jeune entraîneur, Filippo Inzaghi. Si le cas de Clarence Seedorf est à prendre avec des pincettes tant le club milanais va mal depuis plusieurs saisons, c’est surtout la gestion défaillante des instances dirigeantes et leur précipitation qui est à souligner. Quatre entraîneurs se seront succédé sur le banc milanais en l’espace de deux saisons. La liste des anciens joueurs ayant tenté leur chance sur le banc des entraîneurs ne s’arrête pas là. Des cas comme Jean-Pierre Papin ou Jean-Michel Larqué ne semblent pas être à la hauteur face à la renommée et l’attente que leur nom pouvait générer.

Mourinho

José Mourinho était prof d’EPS avant de fréquenter les bancs

À y regarder de plus près, il serait intéressant de suggérer que plus que l’étiquette d’ancien joueur professionnel, ce sont les caractéristiques intrinsèques du joueur, voir même de l’humain, qui prennent le dessus sur la capacité à coacher une équipe. Et s’il est évident qu’être un ancien joueur professionnel favorise la réussite en tant qu’entraîneur, il existe un tout autre aspect de ce métier qui ne s’acquiert pas sur le terrain. Lorsque l’on s’attarde sur le cas des ex-joueurs reconnus aujourd’hui comme ayant été ou étant de bons entraîneurs, Johan cruyff, Pep Guardiola, Didier Deschamps, Carlo Ancelotti ou même Laurent Blanc, on s’aperçoit que chacun d’entre eux occupait déjà des postes à responsabilités sur le terrain et jouait un rôle plus que prépondérant au sein de leurs équipes respectives. La plupart d’entre eux était des créateurs de jeu au milieu de terrain et jouaient avec le brassard de capitaine. Johan Cruyff, créateur de génie et capitaine faisait partie de ces joueurs qui portaient son équipe jusqu’à la victoire. Pep Guardiola se distinguait par sa vision du jeu, sa science tactique et son leadership évident.

Didier Deschamps, milieu de terrain de l’ombre et organisateur de génie fut capitaine de toutes les équipes où il passa et faisait figure de bras droit pour ses différents entraîneurs. A l’inverse un cas comme Diego Maradona et sa personnalité explosive tend à valider que tout grand joueur ne donnera pas forcément un grand entraîneur. En effet, bien que joueur de génie, l’argentin s’est toujours montré en parallèle de sa carrière, influençable et très instable. Et s’il était capable d’emmener avec lui son équipe lorsqu’il était joueur, il le devait certainement plus à son talent pur qu’à son leadership. Sa nomination à la tête de l’équipe de l’Argentine, bien qu’inévitable tant il aura marqué l’histoire de son pays, est plus le gage d’un coup médiatique que d’une réelle réflexion.

La réussite de bon nombre d’entraîneur n’ayant jamais atteint le niveau professionnel comme joueur vient favoriser l’idée que l’expérience du terrain n’est pas une qualité indispensable pour devenir un grand coach. Et à l’éternelle question : « faut-il avoir pratiqué le football à haut niveau pour entraîner une équipe ? » Carlos Alberto Parreira, champion du monde avec la sélection brésilienne en 94, à une réponse toute faite : « Ce qui compte surtout, c’est de se doter des bonnes compétences, de suivre l’évolution du jeu, de savoir communiquer et de posséder un certain charisme. » Dans un registre plus simple et direct, Arrigo Sacchi, ancien joueur de série C2 italienne, soit l’équivalent de CFA en France rigolera sur le sujet : « Je n’ai jamais pensé qu’il fallait d’abord être cheval pour pouvoir faire du cheval. » Sacchi fut l’un des entraîneurs phare des années 80-90 du grand Milan et est considéré aujourd’hui encore par beaucoup, comme l’inventeur du football moderne. José Mourinho, l’entraîneur le plus médiatique de sa génération mais aussi l’un des plus titrés malgré n’avoir jamais été joueur professionnel ironisa à travers cette formule : « Je ne vois pas le rapport. Mon dentiste est le meilleur du monde et pourtant, il n’a jamais eu de maux de dents particulièrement douloureux. » Et finalement, outre ces déclarations empruntes de raccourcis faciles, c’est plus le palmarès de ces entraîneurs « sans expérience du terrain » qui leur donne toute leur crédibilité.

L’intelligence de ces entraîneurs aura donc été de compenser leur manque d’expérience du terrain par différentes approches. Quand Arrigo sacchi fait figure de grand de par sa réflexion tactique qu’il a apporté au football, José Mourinho brille par le management d’un groupe et sa capacité a le mobiliser dans un but commun. Au fond, peu importe si l’entraîneur a été joueur professionnel ou pas, car les résultats et la légitimité ne pourront venir qu’à travers la construction d’un parcours cohérent et réfléchi. Ainsi la précipitation des clubs en difficulté plus facilement enclins à accepter la facilité pour répondre au mécontentement des supporters, n’est jamais la bonne solution. Et à l’heure où l’argent et l’image ont pris une part plus que dominante dans le monde du foot, l’empressement des clubs et fédérations à nommer d’anciens joueurs sur la seule base de leur renommée, résonne comme un coup de poker pour le moins risqué.

Zidane l'entraîneur, un avenir aussi aussi radieux que celui du joueur ?

Zidane l’entraîneur, un avenir aussi aussi radieux que celui du joueur ?

Zinedine Zidane l’a parfaitement compris. Et alors que bon nombre de français voudrait voir l’ancien numéro 10 de génie à la tête d’une équipe, lui prend son temps et ne veut pas griller les étapes. Annoncé à la tête de l’Equipe de France pour remplacer Laurent Blanc ou plus récemment sur le banc monégasque et bordelais pour la saison prochaine, Zizou ne se préoccupe pas des rumeurs et travaille. Après une fin de carrière forte en émotions, il décide en effet de prendre du temps avant de se lancer dans un projet de carrière dans le football. L’envie du terrain se faisant de plus en plus ressentir, il ne se précipite toujours pas et entame la formation d’entraîneur effectuant en parallèle, un master de manager général de club sportif professionnel du Centre de droit et d’économie du sport de Limoges.

Et comme ce bosseur aime faire les choses bien, il est, depuis la fin de sa carrière, toujours affilié au Real de Madrid. D’abord en tant qu’ambassadeur et conseiller, il finit par prendre place dans le staff technique aux côtés de José Mourinho puis aux côtés de Carlo Ancelotti avec l’étiquette d’entraîneur adjoint. Le technicien italien dira de lui : « qu’il est consciencieux, qu’il a le charisme et la personnalité nécessaires pour devenir un grand entraîneur. » Adoubé par l’un des plus grands du moment et actuel patron de la maison blanche, Zidane a décidé de suivre son chemin en acceptant de prendre l’équipe réserve du Real de Madrid. Toutefois s’il est commun de dire que tout vient à point à qui sait attendre, seul le futur et les résultats pourront nous dire si le joueur français le plus marquant de sa génération deviendra un grand entraîneur.

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