Que de rebondissements dans l’histoire du « magazine des hommes qui pensent à elles ». Un communiqué de presse a récemment indiqué que le célèbre mensuel deviendra trimestriel dès le mois de mai prochain et changera, par la même occasion, de directeur de la rédaction.
Un Frédéric en chasse un autre…
Frédéric Beigbeder, jusque-là directeur emblématique du magazine depuis son retour en kiosques en 2013, a fait part de son désir de quitter la rédaction. «Le magazine s’orientait vers des projets dans lesquels je ne me reconnaissais plus. J’ai donc décidé qu’il était temps pour moi de m’en aller » confie-t-il au Figaro.
C’est le journaliste de 57 ans Frédéric Taddeï, connu pour avoir longtemps animé l’émission Ce soir ou jamais sur France 3, qui a été désigné pour le remplacer. D’après lui, cette décision est une suite logique dans son parcours professionnel : « C’est le prolongement de tout ce que j’ai toujours fait à la télévision : un concentré d’époque, du sens, du style ».
A noter que Frédéric Taddeï avait déjà remplacé Beigbeder en qualité d’interviewer chez GQ en 2011, avant d’être remplacé lui-même par Léa Salamé en 2015.
Une énième tentative de relance
Introduit par Daniel Filipacchi sur le modèle d’un Playboy à la française, « Lui, le magazine de l’homme moderne », rencontre d’abord un succès remarquable jusque dans les années 70. Alimenté de rubriques culture, cinéma, gastronomie, spiritueux, le mensuel alliait contenus « polisson », avec la célèbre « fille du mois » très peu vêtue en double-page centrale, et contenus sérieux. Certaines figures politiques, à l’instar de Valérie Giscard d’Estaing, s’étaient notamment prêté au jeu des interviews du magazine ; Boris Vian y publia son fameux billet « Le cinéma assassiné ».
A partir des années 80, le magazine voit cependant son succès décliner. Lui a largement souffert de la concurrence du marché pornographique. Le magazine de charme a même un temps abandonné la légèreté habituelle de son esthétique visuelle pour des propositions assurément plus explicites. Qualifiées de vulgaires par de nombreux habitués, ce tournant osé est un échec. De 350 000 au début des années 80, le tirage s’effondre à 70 000 en moyenne début 90. « Le magazine de l’homme civilisé » effectue alors sa première transition de mensuel à trimestriel en 93, avant d’être définitivement arrêté en 94.
Repris en 95, le « Nouveau Lui » de Michel Birnbaum avait de nouveau tenté de s’imposer dans le paysage médiatique français, sans grand succès. Le mensuel avait peiné à s’adapter au déclin généralisé des ventes de la presse, avec notamment le tournant du numérique, et à trouver un positionnement clair.
La promesse d’un nouveau retour aux fondamentaux
Le retour du magazine en septembre 2013, avec Beigbeder en figure de proue, avait réussi à faire du bruit. Le premier numéro, dévoilant en une l’actrice Léa Seydoux, alors en plein succès avec la Vie d’Adèle, fut d’abord tiré à 350 000 exemplaires, puis, victime de son succès, retiré à 100 000 exemplaires. Le clin d’œil à la première édition du magazine (avec un long entretien de Daniel Filipacchi) semblait avoir séduit les lecteurs : des trentenaires et des quadras dont l’adolescence fut bercée par le magazine de charme.
D’autres unes, dont celles avec Elodie Frégé, Laetitia Casta, Virginie Ledoyen, Audrey Fleurot ou encore Kate Moss et Rihanna avaient également fait parler d’elles.
Malgré ce début prometteur, les ventes s’essoufflent à nouveau. Le tirage moyen s’élève à 70 000 exemplaires, le même que dans les années noires du magazine en 90.
La direction tente donc de relancer, tant bien que mal, la machine Lui une nouvelle fois. Un second souffle incarné par Frédéric Taddeï, qui se veut « résolument tourné vers le luxe » et axé sur « encore plus de mode, de reportages, de culture, d’hédonisme, d’audace et de sensualité ». Une tentative de retour aux fondamentaux, somme toute, de l’édition originelle, en format trimestriel avec « une pagination augmentée ».
Il faudrait donc espérer pour Lui que cette énième tentative de relance dans l’histoire du magazine soit plus fructueuse que les précédentes. Espérons aussi que le retour au format trimestriel, annoncé comme « plus adapté au marché », ne soit pas fatal au magazine comme en 93.