De retour en Italie et bientôt sur Canal Plus, Gomorra continue en saison 2 de peindre le portrait de la mafia napolitaine – en noir et en rouge sang.
Gomorra c’est quoi? Pietro Savastano (Fortunato Cerlino) est le chef d’une puissante famille de la Camorra, la mafia napolitaine. Préoccupé par sa succession, il charge son jeune lieutenant Ciro (Marco d’Amore) de former son fils Genny (Salvatore Esposito). Fêtard dissipé et insouciant, l’héritier fait son apprentissage sur fond de trafic de drogues, de luttes de pouvoir et de guerres des clans. Mais la jeune génération, dont il est le fer de lance, s’impatiente : ces nouveaux criminels comptent bien prendre les rênes et écarter les vieux mafieux, qu’ils jugent dépassés et trop attachés à la tradition…[youtube id= »pB6Mfu-87QI »]
A l’origine de Gomorra, il y a le livre éponyme de Roberto Saviano qui, en 2006, levait le voile sur la Camorra en racontant comment l’organisation mafieuse tenait sous sa coupe la région de Naples. Matteo Garrone s’en inspire en 2008 pour un film, et c’est en 2014 que Sky Italia diffuse l’adaptation télévisée – à laquelle Saviano a d’ailleurs pris part, assurant ainsi à la série un réalisme certain.
Car Gomorra plonge le spectateur dans l’univers de la mafia dans ce qu’il a de plus sombre et sordide, la pègre s’insinuant dans le narcotrafic, les paris illégaux, l’immobilier, les marchés publics voire même la politique. Spectaculaire dans sa mise en scène, la série fait souvent le choix du dialecte local et s’implante dans des décors glauques d’où la police est étrangement absente, dans les rues sales et quartiers déshérités de Naples, les boîtes de nuit tape-à-l’œil, les penthouse luxueux mais kitsch des parrains, nouveaux riches au goût douteux. La violence, loin d’être édulcorée, est montrée sans complaisance ni sensationnalisme : il n’y a rien de romantique dans Gomorra, aucun idéalisme et aucun personnage à sauver. Au contraire d’un Tony Soprano finalement attachant ou d’un Don Corleone qui force l’admiration, les protagonistes de Gomorra sont tous des monstres cruels et sanguinaires, avides d’argent et de pouvoir. Trahisons, meurtres sanglants et torture sont un moyen comme un autre d’imposer sa loi, quitte à sacrifier les siens. Une déviance encore accentuée chez une nouvelle génération qui ignore le code d’honneur des anciens, qu’elle méprise et qu’elle compte bien éliminer. Et c’est justement cette opposition et la lutte qu’elle engendre que met en lumière Gomorra, en particulier dans sa première saison.
La saison 2, diffusée deux ans après la précédente, poursuit le récit où il s’était interrompu : elle referme un chapitre avant de rebattre les cartes. On retrouve l’ambiance délétère, la violence, les personnages et le rythme qui nous avaient séduits, bien que les récits parallèles et un saut dans le temps rendent la narration moins fluide et plus artificielle. Gomorra reste toutefois cohérente et passionnante, et elle plante inexorablement le décor qui servira de cadre à l’affrontement final entre Genny et Ciro, deux anti-héros qui s’enfoncent toujours plus profondément dans la criminalité, sans espoir de rédemption.
Genny et Ciro, le clan des Napolitains…
Ces deux-là dominent d’ailleurs nettement l’excellent casting de Gomorra : Marco d’Amore joue parfaitement sur l’ambiguïté d’un personnage manipulateur, tandis que Salvatore Esposito monte en puissance, à l’image d’un Genny dont l’évolution, spectaculaire, reste le moteur principal de l’action. Frères ennemis désormais irréconciliables, leur confrontation est d’autant plus intéressante que les deux protagonistes partagent autant de traits communs qu’ils s’opposent dans leurs différences. Ciro paraît plus sournois et dissimulateur, Genny est un sanguin qui cherche à obtenir sa revanche par la force brute ; tous deux sont pourtant les produits d’un même système mafieux et cette nouvelle saison révèle la rage du premier et la duplicité du second. Un rapprochement qui augure le meilleur en vue d’un ultime face-à-face.
On ne s’étonnera guère du succès de Gomorra en Italie : véritable phénomène de société, la série aborde de façon crue et réaliste un sujet encore délicat dans la société transalpine, certainement plus facile à traiter par le prisme de la fiction. Ce qu’elle fait avec acuité et pertinence, au fil d’un scénario solide à l’écriture musclé, qui compense largement ses quelques faiblesses. Âpre et féroce, Gomorra est sans aucun doute ce qui se fait de mieux actuellement à la télévision italienne. Et ça, c’est une offre qu’on ne peut pas refuser…
Gomorra– 2 saisons
Saison 1 disponible en DVD
Saison 2 actuellement diffusée sur Sky Italia
Crédit photos : Sky Italia