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Happy Birthday Rock En Seine part. 1

Lorsque j’ai demandé une accréditation pour Rock en Seine au patron, je ne pensais pas une seule seconde que cet incompétent notoire se débrouillerait pour m’en dégoter une. Me voilà donc obligé d’aller traîner mes guêtres au milieu d’une fange boboïsante qui pullule d’habitude du côté de Saint-Germain des Près. Je les connais bien, j’en fais partie.

Vendredi 24 août.

de notre envoyé spécial.

Tous sont venus se recueillir en cette année d’anniversaire. Dix ans. Dix ans déjà que les riverains se plaignent des mélopées sauvages qui animent, trois jours durant, le tranquille Parc de Saint-Cloud. Cette année, la grand-messe est célébrée en fanfare par les seigneurs rock Black Keys, Green Day (*sigh*) et Placebo (re-*sigh*). Autour d’eux, les apôtres Bloc Party, C2C, Dandy Warhols, Sigur Ros, Grandaddy, entre autres. Notons aussi la présence exceptionnelle de Mister Noël « Oasis » Gallagher himself après le divorce consommé en coulisses en 2009. La cérémonie promet. Il s’agit maintenant de se préparer à en avoir plein les pattes et les oreilles.

Shopping.

Trois jours à Rock en Seine ça demande de l’organisation. 5,50€ la pinte ça commence à faire cher quand tu veux te réhydrater. Un petit shopping s’impose. Le carrefour du coin me propose tout l’attirail du parfait festivalier : du cola, du whisky et des chips… C’est tout l’effet que ça te fait quand je te dis que je vais manger des chips ? C’EST TOUT L’EFFET QUE CA TE FAIT QUAND JE TE DIS QUE JE VAIS MANGER DES CHIPS ???!!!  Mon sac fermé, mes rangers lacées, je me dirige enfin vers l’entrée VIP qui embaume déjà méchamment CK One de notre ami Calvin.

Premier stop, la remise de l’accréditation. Le patron, cet incompétent notoire donc, est fidèle à sa réputation. J’attends maintenant depuis 15 minutes que la gentille Nina se rappelle à son bon souvenir (Maňuel, je pense que tu as une touche). Photo souvenir puis direction l’espace

 VIP pour checker le matos et préparer sa journée. Première bière, premier spliff, I’m in.

T’es trop VIP.

J’arrive et… bonjour Lou Doillon… J’arrive donc et je réalise que j’ai oublié mon uniforme chez moi. Chemise à carreaux, chino beige, barbe de trois jours, rouflaquettes, stachemou et bien entendu, l’air désabusé. « Ouais parce que Rock en Seine c’est plus c’que c’était tu vois ? » Mention spéciale au clampin qui arborait fièrement un badge That Hipster Porn. Tu ne connais pas encore That Hipster Porn ? Pauvre fou.

J’en profite pour charger mon Rolleiflex et découvre que ce salopiaud a décidé de faire grève. Impossible donc de charger mes péloches. Merde, ça commence bien. Je taxe un polaroid à une greluche qui ne savait pas s’en servir. Jolies fesses, il faudra d’ailleurs que je vous en parle. Un petit crachin recouvre maintenant le festival. Il est temps pour moi de sortir mon pépin et de découvrir Beth Jeans Houghon.

Basile, mon appareil.

Tu es blonde, tu es fière.

Je me mets en route vers la scène Pression Live située à l’autre bout du Parc, près de l’entrée spectateurs. En chemin, parmi la foule de badauds bariolés, je croise un vieux souvenir. Une ancienne camarade de classe, grosse, humide, presque une tâche dans la foule. C’est ça aussi Rock En Seine, des rencontres hasardeuses, souvent avinées. Pas le temps de lui tenir le crachoir, il faut bosser.

Peinturlurée de signes cabalistiques, la chanteuse de BJH tente de réchauffer l’ambiance. Bizarrement ça ne marche pas. Du haut de sa crinière hirsute, elle entonne des chansons mi-pop mi-folk qui ne brillent pas par leur originalité. C’est tantôt sirupeux, tantôt chiant. Seuls les initiés semblent pénétrés. La belle anglaise a pourtant plus d’un tour dans son flycase et en vient même à s’excuser pour le mauvais temps. Les éléments semblent ligués contre elle. Nous apprenons que son bassiste a un abcès dans la bouche. Décidément, c’est dur la vie d’artiste. J’essaie de prendre des notes mais je me dis que le festival risque d’être long et qu’il faut que je ménage mes forces. Je file donc me prendre une bière hors de prix sans oublier de saluer la performance fragile mais décevante d’une jeune artiste qu’il faudra suivre si le cœur vous en dit.

L’ivresse, toujours l’ivresse.

Petit retour au carré VIP. La faune et la flore n’ont pas changé. Je me fais offrir une pinte par une nana de Tecknikart. Elle essaie de me faire comprendre qu’il y a beaucoup d’artistes mais qu’il n’y a plus de vraie musique… J’essaie de la noyer dans la bière mais sa grosse tête de hipster n’y rentre pas. Cruelle déception. Aviné comme un dieu grecque, je reprends la route direction la Grande Scène où m’attendent les camarades de Dionysos.

Septième album au compteur, une pause de cinq ans et les revoilà, frais, beaux comme une comédie musicale. Un concert de Dionysos, c’est de l’opulence, des courses folles sur scène et des blondes en robe rouge qui minaudent derrière un farfadet. Mathias Malzieu beugle, transpire, s’époumone à faire sauter la foule. Ca marche. « Come on let’s bird » qu’il balance. Message reçu dans la fosse. Ca se bouscule. Les chansons s’égrènent avec fougue et panache.

Une source anonyme me donne la recette magique du groupe : les pâtes. Mathias, appelons le par son prénom, est un amateur de La pasta. Des sucres lents pour envoyer le pâté. Aujourd’hui, les pâtes ont été ingérées et digérées sans problème. C’est toujours grisant de voir un artiste se donner autant. On se sent rassuré, on est content d’avoir versé l’obole pour participer au show.

La la la … la.

Seraient-ce The Shins que j’aperçois devant moi ? Le line-up a complètement changé. Adieu le guitariste baraqué à la peau tannée par le soleil. Bonjour Mademoiselle aux doigts de fée. C’est beau une fille qui joue de la guitare. En jupe et chemisier, la bougresse enchaîne les solos sans sourciller. À sa gauche, James Mercer, le leader au faux-air de Vincent Delerm dégarnit, se tortille calmement. Aimer The Shins est un plaisir coupable. En bon parisien nonchalant et désagréable, les chansons pop heureuses me foutent habituellement la gerbe. Heureusement j’ai déjà vomi deux litres de bière tiède. Je suis prêt. Le set commence et je retombe en adolescence. La musique des Shins est étonnamment visuelle. Elle inspire immédiatement des images et situations dans lesquelles le bienheureux quidam se plonge allègrement. J’ai revu mon ex avec laquelle j’avais folâtré dans les fourrés, les plages du Pays Basque, mes premiers émois guitaristiques et… Garden State, le film de Zach Braff. Mais la madeleine de Proust digérée, le constat est triste. Leurs dernières chansons ne sont pas à la hauteur de leurs premiers albums. C’est fade et dans l’air du temps. Quelle déception. Cela me fait penser qu’on ne peut être vieux et chanter de la pop pour teenagers. Triste constat : une calvitie plus tard, The Shins a perdu de sa splendeur. Hey James, si tu croises Billy Joe Armstrong, passe le message…

Il me semble que Bloc Party commence dans peu de temps. Un choix s’impose : bière ou musique ?

Je suis comédienne, tu vois.

Je retourne au carré VIP. Je croise Anthony, un bénévole qui à la gueule de l’emploi. Stachemou, imprimé léopard, slim noir, une caricature de Stuck In The Sound. Il me présente son harem. C’est ainsi que je rencontre Pauline, une frêle créature trop belle pour être seule. C’est pourquoi je décide de lui tenir compagnie, par pure politesse bien entendu.

Elle est comédienne. Elle est belle et comédienne. Elle est belle et comédienne et drôle. Je m’emballe, je m’imagine contre son corps nu dans la nuit froide de ce vendredi d’août. Je me fais du mal. Je me perds dans ses yeux de chatte loin de son toit brûlant. Plus tard, j’apprends que cette bien belle enfant est en couple.

Garce.

Quand je pense que j’aurais pu kiffer Frank Ocean au lieu de faire semblant d’écouter Bloc Party au milieu des autres gratte-papiers. Et d’une comédienne donc.

La claque Sigur Rós.

Après s’être pété le bide avec un fat sandouiche coppa-raclette, je me dirige vers la scène de la Cascade pour la deuxième grosse tête d’affiche du festival : les islandais de Sigur Rós qui viennent défendre leur sixième album. Peut-être le dernier à en croire la rumeur. Le groupe serait au bord de la séparation. Et pourtant… Pourtant, quelle claque !

J’avoue être plutôt sceptique à la base. Bien qu’entièrement conquis par leur son studio, j’ai peur du rendu scénique. Il faut dire que je ne les connais pas encore bien. J’ai des réticences à me laisser partir vers des rivages inconnus. C’est du snobisme musical. Cependant la béchamel prend très rapidement. Je me laisse bercer par le volenska, langue créée de toute pièce par l’esprit malade du chanteur. Depuis Magma, les inventions linguistiques manquent à la scène rock mondiale. Vous souvenez-vous de Nosfell, ce petit être insignifiant qui vomissait un charabia inaudible devant une foule conquise ? Sigur Rós c’est la même chose, le talent en plus. La nuit glisse lentement sur une foule amorphe, éméchée, qui attend patiemment le début des hostilités. Un larsen brise le silence, nous y sommes.

Et BAM.

J’oublie instantanément mes craintes et perd dans la foulée mes dernières traces de lucidité. Je ne pense plus qu’automatiquement en essayant de faire mon job. C’est dur.

Une avalanche sonique s’abat sur nous. Portée par la voix souffreteuse du génial Jónsi Birgisson, démiurge fou qui, armé de son archet, travaille la foule lentement, avec douceur, tel un torero mystique. Je m’abandonne enfin. La musique s’insinue en moi progressivement, comme le fix d’une came inconnue. Les motifs se succèdent, toujours portés par des guitares ciselées et des choeurs profonds. C’est une expérience sensorielle. Je me demande comment parler de leur musique sans en dénaturer l’âme. Je voyage, je me prends le folklore islandais dans la gueule. Ma tête roule sur mes épaules puis sur le sol. C’est pire qu’une gueule de bois. Je monte très haut, très loin, avec l’assentiment des grands héliotropes. Et soudain, le noir, le vide. The show is over. Il est temps de redescendre.

Le poing dans la gueule C2C.

Mon esprit et mon cœur enfin réunis, je me presse pour le deuxième orgasme de la journée. Le temps de traverser le parc au pas de course pour ne pas manquer cette dernière communion, je m’inocule les dernières gouttes de bourbon qu’il me reste. Le poison se distille lentement. Je rassemble mes forces, serrant mes bouteilles, je fends la foule de mini-shorts et de putes à franges pour me placer au centre de l’arène. Face à moi, quatre lascars et leurs platines. Ca commence fort, comme une transe tribale qui gagne doucement chaque rang. Comme un seul homme, la foule se soulève, s’emporte et se fracasse contre les barrières. Les Djs sont aux anges. Ils veulent du sang, de la baston, des corps en charpie. Après avoir envoyé la sauce avec leurs mixs devenus des classiques (dooooown the rooooad I gooooo), ils se font face et prennent la foule à partie. Deux groupes se forment alors : Beat torent vs. Hocus Pocus. À qui mixera le mieux, à qui fera jumper le plus de connasses. Ca envoie sévère. Je me fais même bousculer par une gamine.  Tout le festival ou presque est présent, les grands comme les petits, les vieux comme les jeunes, les hipsters comme les beaufs.

Évidemment quand t’es aux platines faire shaker du booty, c’est compliqué. Y’a toujours la méthode classique du « je lève un bras sur deux tous les deux ou trois temps », éculé mais efficace, ou le classique « je me balance d’avant en arrière à la Dustin Hoffman dans Rain Man ». Mais les Gus vont beaucoup plus loin. Ils se payent le luxe d’un son et lumière somptueux, simple et très efficace. S’inspirant des formes géométriques primaires qui sont la base de tout art graphique, ils arborent, à la Led Zep, un polygone personnalisé qui sera leur totem tout au long du set. Un rectangle/un triangle/un carré/un cercle. Soudain les forme se mettent en mouvement. Elles fusionnent, se séparent générant à leur tour de nouvelles entités visuelles. Une danse protéiforme s’amorce alors où l’on s’amuse à rechercher des objets connus comme on le faisait enfant avec les nuages. Regarde Papa, y’a un mouton dans le ciel! La fête continue et les salauds jouent les prolongations. Cette date clos à merveille un été bien rempli pour les C2C. Déjà les lumières se rallument, le public titube, hagard, encore abasourdi par le choc de ses 4 fantastiques. Les carrés et les cercles se séparent au milieu d’un nuage moite.

Nous nous rendons alors compte qu’en l’espace de quelques beats nous avons formé un seul et même corps. Les cellules se dispersent, retournant à leur solitude moléculaire mais prêtes à reprendre la mitose le lendemain. Une dernière bière et retour au bercail. Je laisse momentanément la musique derrière moi. Sur mon balcon, je me parle à moi même en grillant mes dernières American Spirits. La nuit est chaude, rassurante, le week-end prometteur. Scène de fin, remise des médailles aux héros de la résistance. Luc et Solo ont libéré Leïla. Fermeture à l’iris sur « Le » générique. Début de la guerre des étoiles. Demain l’Empire contre attaque.

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