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Happy Birthday Rock En Seine part. 2

Lorsque j’ai demandé une accréditation pour Rock en Seine au patron, je ne pensais pas une seule seconde que cet incompétent notoire se débrouillerait pour m’en dégoter une. Me voilà donc obligé d’aller traîner mes guêtres au milieu d’une fange boboïsante qui pullule d’habitude du côté de Saint-Germain des Près. Je les connais bien, j’en fais partie.

Samedi 25 août.

de notre envoyé spécial encore ivre de la veille.

Paris, samedi matin, 15 heures. J’ai la pâteuse et un début de gueule de bois plutôt féroce. Dans la semi-conscience, je me prépare un café tiédasse en tirant ma première blonde de la journée. Je m’allume une clope aussi. Coup de bigo du patron.

_ « Salut mon lapin, alors t’en est où ? »

Je lui raccroche au nez. Je suis pas vraiment du matin comme mec.

 Howtodowheretogowhattodowithoutyou.

Je retrouve mes semblables, mes frères, au carré VIP. Ambiance posée, le bar Carlsberg est libre d’accès. Ca tombe bien, j’ai soif. Je surprends Pauline au bras d’une sorte de caricature grossière de ce que la masculinité a accouché de pire au XXIème siècle. Le contraste est saisissant. Une métaphore facile me vient machinalement à l’esprit mais mon orgueil de journaliste m’interdit de sombrer dans la facilité. Du coup je m’arrache direction Caravan Palace.

Colotis Zoé est incroyable. Perchée sur ses cannes, elle headbang sous les hurlements de la foule tombée follement amoureuse d’elle. Faut dire aussi qu’elle sait lui parler la bougresse. Morceaux choisis :

_ « On est venus ici pour se faire mal, alors on va se faire mal mais bien, tous ensemble, prêts? » Et la voilà qui smurf en talons en balançant son flow au charme si désuet. On se croirait presque aux J.O.

_ « Un jour, on s’achètera un festival et on fera la fête avec vous pendant trois jours. » Elle pourrait se lancer en politique si jamais, Ô grand jamais, elle se cassait le coccyx à force de se trémousser le valseur sur les scènes de France et de Navarre.

Pas le temps de s’apitoyer sur son sort, Deap Vally m’attend un peu plus loin.

À poil !

Une apparition, un corps presque nu, frêle, une petite blonde aux plis fessiers forts distingués. Un cri dans le crépuscule, des riffs acerbes, foutraques et deux putains de nanas qui se prennent pour les Black Keys. Lindsey Troy, la belle blonde, Julie Edwards, la rousse incandescente, produisent un rock aux relents bluesy qui n’a de viril que les stéréotypes à la con que nous avons tous en tête. Ici, un crétin demande à « Courtney Love » de montrer ses seins. Un autre là-bas tente de zoomer sur le popotin de la gratteuse sans arriver à faire le point, la féline est rapide.

Entre deux chansons, les filles nous racontent leurs vies, preuve de leur amateurisme à ce niveau. C’est mignon. J’espère qu’elles resteront fraîches si jamais elles percent comme leurs ainés barbus en chemise à carreaux. Ah, Lindsey vient de péter une corde. Vite, parler pour ne pas avoir l’air sotte sur scène. Elle souhaiterait apprendre le français et pour cela, qui mieux qu’une foule daubant la testostérone, je vous le demande ?

_ « Come on guys, teach us some french ! »

_ « À poil ! »

C’est un échec. Un échec prévisible, certes, mais les deux amazones ont de la répartie. Aussi au mec qui demandait à voir ses seins (boooooooobs), la blondinette lui demande la pareille et se permet au passage de dévoiler son amour des tétons français.

Elles concluent leur set en promettant de revenir en France bientôt. Laissons les mijoter dans leur garage de la San Fernando Valley un petit moment et peut-être qu’un jour, ce seront deux minettes qu’une horde de fans viendra écouter sur la Grande Scène, si vous voyez ce que je veux dire. À suivre donc.

La basse batterie de la mort qui tue.

Y’a un truc que je ne comprends pas vraiment. Avant, les Black Keys n’étaient que deux, Green Day n’étaient que trois et Ed Sheeran n’existait pas. Pourquoi donc Bass Drum of Death sont-ils maintenant trois à leur tour ? Le plus cocasse dans tout cela étant qu’il n’y a aucune basse sur scène. Deux guitaristes à la toison capillaire ma foi fort travaillée pour des mecs qui remettent le grunge au goût du jour, et un batteur donc.

 Ici pas de fioritures, les chansons s’enchaînent les unes après les autres sans que les musiciens s’épanchent en . Nous ne sommes plus que saturation. On commence à pogoter gentiment, ça se chauffe pour les Black Keys. La foule n’a pas l’air conquis par la performance. Moi j’aime bien. Ces types là n’ont aucune prétention, ils sont juste à l’arrache, comme votre serviteur. Il y a donc une espèce de lien affectif qui s’est tissé entre eux et moi. J’aime   ce genre de branleurs. Leur colère m’a revigoré. Je quitte la scène le coeur léger.

 J’ai envie de parler à des inconnus. Je croise le chemin d’une nana qui gribouille sur un carnet. Je l’aborde gauchement, mi-ivre mi-paresseux de tenir une vraie conversation. Ça fait longtemps aussi, il faut me comprendre. Elle est illustratrice et n’a jamais vraiment écouté de musique de sa vie. Elle s’y est mise doucement il y a peu car elle ne se sentait plus épanouie par le dessin. Elle avait besoin de quelque chose pour la stimuler à nouveau. Elle s’est donc achetée une guitare pour apprendre à jouer des chansons simples et donc retrouver son art. Manque de bol, elle a découvert la musique à travers le métal. Plus simple tu meurs. Le métal qui, pour elle, se résume à AC/DC. Je bondis. Je vais la gifler, l’étrangler, creuser un trou et l’y enterrer au nom de la musique. Mais non, je me contiens. Je fais des efforts. Pour elle la musique ne laisse aucune trace, contrairement au dessin. Tricoter sa guitare lui permet de s’évader sans avoir à gommer et à supporter la contemplation d’une épreuve souillée par une fuite de Pentel. Elle dit des choses vraiment intéressantes pour une néophyte. J’ai bien fait de ne pas lui dévisser la tête. Je lui conseille Eagles Of Death Metal qui viennent tout juste d’arriver sur la scène de la Cascade. Nous y allons ensemble mais je la perds sciemment dans la foule. Pas envie de passer un concert de EODM avec une nana qui écoute du métal.

 « Miss Alissa ! Ah non merde… Faut dire que leurs chansons elles se ressemblent toutes… »

 Cette magnifique phrase n’est même pas de moi. Pensez donc, j’aime beaucoup EODM. La bande de Jesse Hughes, stachemou de trucker et bretelles sur le t-shirt, est connue pour foutre le bordel partout où ils passent. Inutile de dire que je les attends au tournant. Amplis Orange à fond, volume à 11 comme Spinal Tape, les premiers riffs me foutent en vrac. Je découvre de nouveaux acouphènes qui m’accompagneront dorénavant partout. Merci Jesse. Revenons en à cette fameuse phrase. Je surprends une discussion à cœurs ouverts entre deux fans impatients. Ils n’attendent qu’une seule chanson : Miss Alissa, un classique de EODM. Chaque début de chanson est l’occasion pour eux de se sauter dans les bras en beuglant le nom de la dite chanson jusqu’à ce qu’ils réalisent qu’ils se sont trompés. Il faut voir leur mine déconfite, un bras levé tout de même, pour l’honneur, mais merde quoi, Miss Alissa ! Allez Jesse, un petit effort, fais leur plaisir à ces gaminots. Hé ben non, quand Jesse ne veut pas, c’est définitif. Pas de Miss Alissa pour les malheureux. Un scoth & soda cul-sec plus tard, Jesse dédicace la prochaine chanson aux Black Keys. La foule s’embrase. C’est vrai qu’il reste les Black Keys ! On a pourtant eu l’impression que les Eagles Of Death Metal clôturaient la journée.

 Hello Brothers

C’est l’exode massif. Le grand troupeau de festivaliers converge vers un seul point, le sommet le plus haut de ce week-end de trois jours. Cette année fut celle des Blacks Keys. Leur dernier album, El Camino, a enfin réconcilié les fans de la première heure avec le grand public toujours avide de nouvelles chansons pop à fredonner dans le métro. La foule est compacte et impatiente. Au culot, je tente de passer devant la scène par l’accès photographe. Ça ne s’est joué qu’à une petite seconde. À dix pas prêt, Dan et moi aurions pu comparer nos techniques de rasage et il aurait pu m’expliquer qu’on peut avoir des poils roux sans être un pariât. Une perle ce mec là. Un vigile me chope donc et me demande mon badge. Je lui montre et il découvre en même temps que moi que je n’ai rien à faire ici. Sa grosse main raccompagne ma nuque jusqu’à l’entrée. Un court dialogue s’installe.

_ « C’était quand même bien tenté non ? »

_ « Ouais, ça s’est joué à rien ! »

Retour à la case départ. En bon lonely boy, je me mets en plein milieu de la foule à la recherche de quelques mini-shorts à dragouiller. Pas le temps de chômer, les lumières se baissent et la fosse s’échoue contre les barrières de sécurité. Ils arrivent tous les quatre. C’est pour moi deux personnes de trop. Mais putain… Putain…

Les deux boys d’Akron enchaînent leurs titres les plus connus. À un moment tout de même, les inutiles bassiste et claviériste vont fumer une clope, le temps que Dan et Patrick se rappellent au bon souvenir de leur jeunesse.

_ « We gonna play a couple of songs just the two of us now. Some quite acoustic songs. »

La foule exulte. « Quite acoustic songs » hein ? Le groupe bascule dans son enfance, juste deux bluesman avec une énorme paire de cojones. Thickfreakness, enfin, et son intro absolument bandante. J’oublie toute intégrité journalistique et me mets à jumper dans la foule jusqu’à écraser le gros orteil d’une milf avec mes rangers de commando d’élite. Quelle conne aussi, venir dans la fosse en sandalettes. Thickfreakness, je peux mourir en paix maintenant.

Le problème avec ces deux garçons, c’est qu’ils sont populaires. J’ai l’impression d’avoir prêté mon jouet préféré à des cousins lointains et qu’ils vont me l’abîmer à force de jouer avec. Je suppose que chacun a du ressentir ce petit pincement au coeur lorsqu’il décide de laisser son groupe préféré vivre sa vie loin de l’underground, dans les terres lumineuses et accueillantes du star system. Je ne fais plus partie des initiés. Ca m’emmerde un peu mais au moins, le contrat est rempli pour nos deux bluesmen. Le show se termine sur I Got Mine alors qu’on me propose d’échanger mon whisky contre de la vodka. J’accepte et c’est ainsi que je me réveille dimanche matin, allongé sur le sol de mon entrée, baignant dans ce qui ressemble fortement à du vomi croupie. Qu’est-ce que je fous là ? Je regarde mon téléphone où une certaine Juliette me dit que j’embrasse très bien et qu’elle a hâte de me revoir demain. Merde… Et en plus, je n’ai toujours pas écrit une ligne.

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