Sous un nom d’emprunt, la sœur d’Hasna Aït Boulahcen a témoigné dans les pages du Parisien, décrivant celle qui a été désignée à tort « première femme kamikaze de France« , comme une « petite fille » qui ne « comprenait pas tout« .
Hasna Aïtboulahcen est morte à 26 ans, le 18 novembre dernier, lors de l’assaut du Raid dans l’appartement de Saint-Denis où son cousin, le jihadiste belge Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh, s’étaient réfugiés. La jeune femme, qui s’était radicalisée en quelques mois, les avait aidés à trouver ce logement. Sa sœur raconte son enfance et son processus de radicalisation.
Une radicalisation commencée en 2014
Celle que le Parisien a renommé Djamila pour préserver son anonymat revient sur leur passé difficile : élevées par une mère violente, les deux sœurs ont été séparées pour être placées dans des familles d’accueil différentes quand Hasna a atteint l’âge de 8 ans. « Cette décision a été prise parce que notre mère nous maltraitait. Nous étions très proches, Hasna et moi. C’était ma grande sœur, elle me protégeait. Elle était très sportive, faisait de l’équitation, du vélo et adorait aller à la piscine. C’était une fille joyeuse, très gentille et tournée vers les autres. Elle faisait rire tout le monde.«
La jeune femme sombre ensuite dans la radicalisation : « À l’automne 2014, elle a commencé à porter le voile. Ensuite, elle m’a dit qu’elle allait se marier. (…) Puis son compagnon est parti dans son pays d’origine pour le ramadan. Elle s’est sentie délaissée, abandonnée. À son retour, il lui a annoncé qu’il allait se marier avec une autre. Elle était triste. Elle lui a répondu qu’elle allait elle-même se marier avec un marocain. Elle a fini par me dire que c’était un radicalisé, qu’il allait la battre et l’emmener en Syrie. Elle ne voulait pas de ça. » Les deux sœurs finissent par s’éloigner : « J’ai commencé à prendre mes distances. Je ne voulais plus trop la voir. Je lui ai demandé de retirer son niqab, tout en lui expliquant que je n’aimais pas ce qu’elle était devenue. Notre mère ne lui aurait jamais dit de porter le niqab, à la limite un foulard. Je me dis qu’à travers la religion, Hasna avait trouvé une façon d’exister. Elle voulait se donner une identité, une image.«
Une jeune femme trop « influençable« , « victime » de son cousin
Sa sœur accuse leur cousin Abdelhamid Abaaooud d’être responsable de la mort d’Hasna Aït Boulahcen. Cette dernière se trouvait dans l’appartement de Saint-Denis le 18 novembre 2015 par sa faute : « Quand Hasna a vu notre cousin à la télé, elle voulait savoir comment il avait pu rejoindre l’État islamique. Je lui ai tout de suite dit de ne pas essayer de le contacter. (…) Pour moi, Hasna a été victime de notre cousin. Elle a été contrainte de lui trouver cet appartement à Saint-Denis. Il l’avait menacée de tuer d’autres personnes si elle ne faisait pas ce qu’il voulait. Aujourd’hui, les gens ne savent pas qui elle était réellement. Hasna était trop gentille, trop naïve, trop influençable. Elle avait surtout envie d’avoir une famille unie. Elle avait besoin d’amour, d’affection. Ça m’a fait mal d’entendre que ma sœur était la première femme kamikaze en France… Je n’y ai jamais cru. Elle aurait été incapable de faire une chose aussi horrible. Parfois, elle était comme une petite fille, elle ne comprenait pas tout. Il fallait la consoler aussi. Elle avait besoin qu’on l’écoute. Elle était différente. »
Elle raconte également qu’elle a vu un reportage dans lequel sa sœur suppliait les policiers de la laisser sortir de l’appartement. « Elle ne voulait pas mourir et elle n’aurait jamais fait de mal à quelqu’un. Elle était juste un peu perdue, mais ce n’était pas une terroriste« , ajoute Djamila. On apprenait aujourd’hui même qu’Hasna Aït Boulahcen sera inhumée dans le carré musulman du cimetière de Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis.
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Crédits photo : DH.be