Lors du dernier Festival de télévision de Monte-Carlo, nous avons pu échanger avec Lisa Edelstein sur sa nouvelle série Girlfriends’ guide to divorce mais également sur la question de la représentation d’une femme divorcée dans une fiction américaine.
C’est quoi Girlfriends’Guide to divorce, la nouvelle série de Lisa Edelstein ? Lorsque son divorce est prononcé, une quadragénaire prend conseil auprès de ses amies célibataires, et non celles qui sont mariées, pour démarrer sa nouvelle vie.
Avant d’être une série télé, Girlfriends’ guide to divorce était un livre. Quelle est la chose la plus difficile lorsqu’on porte un livre à l’écran ?
Lisa Edelstein : Ce n’est pas basé sur le livre. Girldfriends’ guide est une série de livres, comme par exemple Girlfriends’ guide to pregnancy (En Français : Grossesse, le livre des copines), Girlfriends’ guide to raising a toddler (Elever un tout-petit)… La femme qui les a écrits s’appelle Vicky Iovine. Vicky Iovine était mariée à Jimmy Iovine, un célèbre producteur de musique. Jimmy Iovine a eu une liaison notoire avec un des membres d’un groupe qu’il représentait. Juste au moment où Vicky Iovine débarquait avec un livre sur comment garder un mari sexy. L’échec public de son mariage au moment où elle arrivait avec ce livre, qui était en totale opposition avec sa marque, c’est ce qui a inspiré la série. L’histoire de Vicky et le cerveau de Marti ont créé Girlfriends’ guide to divorce.
Toute la série tourne autour de l’idée de la femme moderne.
Je suppose, oui. Mais ça ne parle pas seulement des femmes. La relation d’Abby avec son ex-mari est très belle, compliquée. Ce ne sont pas seulement deux personnes qui tentent de s’entretuer. De temps en temps, ils tentent de s’entretuer mais ils essayent surtout d’être une famille d’un autre genre, et au cours du processus de séparation, de découvrir ce qui les a conduit à être ensemble en premier lieu. C’est donc une histoire très nuancée. Et il y a aussi l’amitié, entre Abby et ses amies qui sont aussi divorcées ou sont en train de divorcer ou ont été divorcées et se sont remariées – peu importe – il y a toutes ces histoires variées. C’est la recherche de l’amour, ce qui est une expérience très humaine. Abby est une femme qui a réussi, qui est puissante dans son domaine, mais qui est complètement idiote quand il s’agit de rendez-vous, des hommes, de l’amour parce qu’elle a été mariée pendant toute sa vie d’adulte. Elle est un peu comme une fille de vingt ans, même si elle a plutôt l’expérience d’une quadragénaire.
Dans un pays comme les Etats-Unis, où la religion est si importante, est-ce difficile de montrer dans une série télé une femme qui divorce ?
C’est une question intéressante. Je vis en Californie, je vis à Los Angeles. Avant, je vivais à New York. L’expérience que j’ai de mon pays est donc assez différente de ce qui se passe entre les deux. C’est difficile de répondre à cette question. Je dirais que notre affiche pour la première saison me montrait avec l’annulaire dressé, avec une marque de bronzage là ou aurait dû se trouver mon alliance, et le texte disait «Go find yourself». Je ne sais pas si je peux jurer, mais c’est une variation de « Go f*** yourself ». Mais au lieu de son majeur, elle lève l’annulaire. L’affiche a été interdite. Pas partout, mais elle a été interdite – dans le métro de New York, et par un homme très conservateur qui possède une chaîne de centre commerciaux. A Los Angeles. Parce qu’ils ont jugé que c’était trop risqué, et trop choquant. Même si la femme montrait son annulaire. C’était la première fois que je prenais conscience de la puissance du mot « divorce », et de l’idée d’une femme émancipée qui ne fait que vivre sa vie. On en sourit, mais c’est très menaçant dans certaines cultures. Et la controverse elle-même était très bonne pour la série, parce que ça l’a mise en lumière avant même qu’elle soit diffusée. Et ça a engendré une discussion qui était importante – qu’est-ce qui vous dérange autant ? Quand on a une affiche avec un ver pénétrant dans un globe oculaire, en quoi est-ce moins choquant ? Sur le plan international, avoir le mot divorce dans le titre représentait un défi. Et je pense que ça a beaucoup surpris les studios. Beaucoup de pays ont été effrayés, et il y avait le préjugé que la série était opposée au mariage. Ce qu’elle n’est pas. Elle est pro-relation, quoi que ça puisse vouloir dire, et la perte de ce mariage, à la fois pour mon personnage et pour son mari, c’est une lutte, ils se battent contre ça, autant qu’ils le peuvent. C’est quelque chose de très réfléchi. L’humour vient des mauvaises décisions que l’on prend lorsqu’on n’a aucune expérience de la vie.
En France, nous avons une auteure qui a écrit un livre sur la sexualité des femmes à la télévision américaine (« Sex and the series », Soap Editions). Avez-vous l’impression que, depuis Sex & The City, la manière dont nous percevons la sexualité féminine a changé ?
Sex & The City, pour moi, ressemblait plus à l’idée que les homosexuels se faisaient de l’idée de la sexualité féminine. Je pense que quand vous regardez Girls, qui est beaucoup plus sombre… Je me souviens de moments comme ça. Il y a aussi Broad City, créée par des jeunes femmes et qui se passe à Brooklyn. Il y a beaucoup d’histoires à propos de jeunes femmes. Avec cette série et How To Get Away With Murder, on en arrive à de vraies femmes, pas des jeunes femmes. Avec nos vies, nos choix, nos libertés et nos blocages. Ce que ça signifie d’être une femme dans ce monde, et d’avoir un pouvoir sexuel. On raconte plus d’histoires mais on a encore du chemin à faire. Ne serait-ce que le fait que les femmes sont payées moitié moins que les hommes, pas seulement dans mon domaine mais dans n’importe lequel, ça montre qu’on n’y est pas encore. On continue à faire des efforts, mais c’est à ça que sert l’art. A revendiquer le droit d’exister.
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(Traduction de Fanny Lombard Allegra)