A l’occasion de la diffusion de la saison 4 de Poldark dès le 2 janvier sur Cherie 25, rencontre avec le héros de la série en personne… Aidan Turner, c’était lors du 56ème Festival de Télévision de Monte-Carlo.
Après des débuts au théâtre à compter de 2005, Aidan Turner se fait remarquer dans un épisode des Tudor avant de rencontrer le succès grâce aux séries The Clinic, Desperate Romantics et, surtout, les trois premières saisons de la version originale de Being Human (2009-2011). Puis, il devient Kili dans la trilogie du Hobbit réalisée par Peter Jackson et incarne, ensuite, Philip Lombard dans l’excellente And Then There Were None, d’après l’œuvre d’Agatha Christie.
Impossible de commencer cet entretien sans évoquer Le Hobbit et votre expérience en Nouvelle Zélande, qui doit certainement marquer un tournant dans votre carrière…
Aidan Turner : Je ne sais pas. Je ne suis pas très doué lorsqu’il s’agit d’évaluer comment certains de mes rôles affectent réellement ma carrière… Je n’essaie pas d’éluder la question, c’est juste que chaque nouveau projet semble suivre une évolution, une étape naturelle qui me mène où je suis aujourd’hui. Un rôle vous mène à un autre. J’ai joué un vampire dans Being Human et Peter Jackson l’a vu. C’est grâce à cela qu’il m’a appelé pour Le Hobbit. Depuis le tout début, tout s’enchaîne comme ça. Sans oublier quelques six années de théâtre également. Mais, bien sûr, travailler avec lui en Nouvelle Zélande était absolument immense… Cela a duré deux ans et demi. C’est tout simplement différent à tous les niveaux. L’échelle est incroyable. Le budget flambe sans arrêt. Sur Poldark, il y a des jours où… Je me souviens d’un décor intérieur où il y a deux cheminées… Et l’une des deux n’était pas allumée. J’ai demandé pourquoi et on m’a répondu que la personne qui s’occupe de ce type d’effets ne pouvait pas travailler plus de deux jours par semaine car c’était tout ce que la production pouvait s’offrir. C’est hilarant ! Et j’adore ça. C’est la nature même de la télévision, parfois. Tandis qu’avec Peter, vous aviez un hélicoptère pour emmener chaque comédien dans différentes parties du pays pour tourner simultanément à cinq ou six équipes… Le réalisateur de la seconde équipe n’était autre qu’Andy Serkis… Je veux dire par là que ça ne s’arrête jamais. Ce qui peut s’avérer exténuant.
Saviez-vous que Debbie Horsfield a écrit le rôle de Ross en pensant spécifiquement à vous ?
Je n’en crois pas un mot ! Je pense plutôt que j’étais le choix numéro 10 (rires) ! Non, je sais qu’en effet, elle l’a souvent dit… Et, naturellement, j’en suis tout ce qu’il y a de plus flatté. Surpris, même, par-dessus tout. Je n’ai pas le sentiment d’avoir fait quoi que ce soit de particulier en ce sens. Debbie a juste dû me voir dans les bonnes séries. Je sais qu’elle est une amatrice de Tolkien… Elle m’a surement vu dans Le Hobbit. Au moins dans le premier (rires)… J’étais aussi dans Desperate Romantics, un autre « Period Drama »…
Quel regard portez-vous sur l’univers de Poldark ?
C’est une saga vraiment difficile à classifier. Elle brasse beaucoup de genres différents et je ne la vois définitivement pas comme étant, exclusivement, romantique. Pas plus qu’elle n’est que politique. Ou que historique. Ou encore qu’elle ne repose que sur les relations entre les personnages. Elle est tout à la fois… Parfois, la série a des airs de « buddy movie » où les gars sont à la mine et parlent constamment de leur boulot. Puis, on passe à une séquence où les filles vont à un bal. On peut parfois avoir cette impression qu’on est face à un compilation des genres et je pense que c’est exactement pour ça que le public britannique embarque volontiers avec nous. Les audiences sont vraiment très bonnes… Il semblerait que notre Poldark possède ce petit quelque chose de spécial qui les touche à un niveau particulier.
Qu’est-ce qui vous fait ressentir cela ?
Les réactions ont été extrêmement positives. Le public semble apprécier ce personnage et je suis comme eux. Je l’aime aussi. C’est génial d’être dans une série qui plait… Mais il était impossible de le prévoir lorsque nous avons commencé à travailler. Notre préoccupation première était tout simplement que les gens puissent la voir. Si nous parvenons à achever que nous espérons achever, telle que nous l’avons imaginé, et que les gens ne regardent pas ou n’aiment pas ce que nous leur proposons, je peux vivre avec… Mais là, et dès la diffusion du premier épisode, les retours étaient énormes. J’ai reçu un nombre incroyable d’emails… Mon téléphone n’en finissait plus de sonner. On n’en revenait pas. Les taux d’audience ont explosé. C’est fantastique. C’est exactement ce qu’on veut… Et la série continue de se développer. Elle devient encore plus solide. Je pense que l’on propose quelque chose qu’on ne trouvait pas encore à la télévision britannique. Nous avons vraiment notre show. Il ne ressemble pas à un autre. Nous ne ressemblons pas à Outlander… Il n’y a pas de Fantasy. Pas de dragons. Et ce n’est pas Downton Abbey non plus. Nous sommes bien plus éloignés dans le temps. De plus, même si l’on traite aussi des différentes classes sociales, on reste très loin du schémas « upstairs/downstairs ». C’est juste radicalement différent. Même s’il y a des moments romantiques, on n’en fait pas trop. On prend soin de ne pas franchir la ligne.
Comment vous êtes-vous préparé pour le rôle ?
A travers pas mal d’équitation. Ce genre de choses… J’ai eu la chance d’avoir trois mois pour la pré-production. J’avais la pression… Je me demandais ce que j’allais bien pouvoir faire de tout ce temps. Qu’attendaient-ils donc de moi (rires) ? Mais c’était génial. Nous avons travaillé autour des scripts de Debbie, qui étaient tous achevés. Autour des romans, également. Et même si la première saison ne repose que sur les deux premiers romans, j’ai poussé ma lecture jusqu’au cinquième. Et puis, il fallait aussi que je travaille à garder la forme… Ross est quelqu’un de très physique et je voulais être en accord avec l’image que l’on s’en faisait. Pour ce qui est de l’équitation, je n’étais pas si doué que ça… J’ai menti (rires). Quand j’étais en Nouvelle Zélande pour Le Hobbit, je disais à tout le monde que je montais parfaitement et, quand je suis rentré, j’ai continué de fanfaronner en disant : « Mais oui, donnez-moi des rôles où je monte à cheval… » Quand ils m’ont contacté pour Poldark, je me suis dit : « Oh, mon Dieu… » Car Ross est tellement doué. Que voulez-vous ? Les acteurs sont des menteurs… Les filles, ça allait. Mais les mecs… Pas si doués que ça (rires) ! Il a donc fallu que je devienne bon le plus vite possible. Ou plutôt que j’apprenne à faire semblant le plus naturellement du monde… Ma toute première scène, le tout premier jour, consistait justement à littéralement sauter sur le dos d’un cheval et partir au galop. Je m’étais mis une sacrée pression car il était hors de question que je rate mon coup, que je me blesse et que l’on soit obligé d’appeler une doublure ou un autre acteur pour l’occasion… J’y mettais un point d’honneur. Il y a des fois, comme ça, où vous êtes obligé d’apprendre et de progresser vite. Il n’y a juste pas le choix. Je devais aussi travailler mon accent… Il n’est pas toujours évident pour un Irlandais d’être très clair pour un public anglais. Au final, il y avait beaucoup à prévoir et travailler dur avant même le début du tournage.
A ce stade de votre carrière, qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager sur une série qui, potentiellement, peut durer pas mal d’années ?
L’argent, bien sûr (rires) ! Non, je plaisante… Dès que j’ai lu les scripts des deux premiers épisodes, j’ai bien vu que le projet avait quelque chose de différent. Cela n’avait rien d’un drame historique classique, où il suffit de porter fièrement un hauteforme, d’enfiler le costume et de prendre des airs de héros qui part se battre. Ce type était complexe. Je l’ai trouvé authentique. Je me suis senti en adéquation avec les émotions qu’il ressent. Il a des défauts et n’est pas si héroïque que ça. Ce personnage a quelque chose de vrai. Il commet des erreurs stupides et il laisse son ego, son orgueil prendre certaines décisions pour lui. Mais, essentiellement, c’est vraiment un type bien. Son premier réflexe est toujours d’aider les gens. Dès qu’il les voit souffrir, il veut intervenir… C’est ancré en lui. Les trois ans qu’il a passés au front l’ont radicalement changé. Sur le champ de bataille, peu importe l’importance de votre nom ou le montant de votre fortune, les hommes se soutiennent les uns les autres. Cela vous élève à un autre niveau. Voilà… Je me suis reconnu en lui. Il n’est pas à l’aise avec ses émotions… Et pour ce qui est des histoires de cœur, il s’y prend mal. Il ne sait pas s’il est vraiment amoureux ou s’il est en train de le devenir. Il n’a jamais connu cela auparavant. Ce qui s’est passé avec Elizabeth l’a choqué et il ne sait plus comment se comporter avec elle. Ross a vécu il y a quelques 200 ans de ça mais je perçois exactement où il en est dans sa tête. C’est confus et ça change tout le temps. Il est très difficile de réellement s’accrocher à quoi que ce soit. Et dès qu’on pense qu’on y arrive, ça se transforme en autre chose. Encore une fois, tout me semblait réel. L’écriture est très forte et fidèle à celle de Winston Graham. L’équipe de production est excellente, de même que le cast. Les gens d’ITV et de la BBC étaient avec nous et tout semblait vraiment fonctionner au mieux. Alors, comment refuser ?
Crédits : BBC One