La troisième invitée de notre dossier consacré à la série Poldark n’est nulle autre que la merveilleuse Eleanor Tomlinson (Demelza), rencontrée à l’occasion du 56ème Festival de Télévision de Monte-Carlo.
A seulement 24 ans, Eleanor Tomlinson a déjà tourné avec les plus grands (Tim Burton pour son Alice au pays des merveilles ou encore Bryan Singer pour son Jack, le chasseur de géants) et côtoyé les figures les plus illustres de l’Histoire ou de la littérature anglaise (Isabel Neville dans The White Queen, Georgiana Darcy la suite d’Orgueils et préjugés : Death Comes to Pemberley). On a également pu la voir dans le spin-off de Doctor Who, The Sarah Jane Adventures…
Est-il exact que vous ayez emprunté des vêtements à votre frère afin de passer l’audition pour le rôle de Demelza ?
Eleanor Tomlinson : Oui, c’est vrai ! C’était très amusant ! Et c’est bien la première fois que je faisais ça (rires)… Et ça a marché. Je me suis dit qu’il fallait que je ressemble à un garçon. J’en ai d’abord parlé à mon agent et puis on s’est mis d’accord. Je me suis simplement levée le matin… Je ne me suis pas brossé les cheveux… j’ai pioché dans l’armoire de mon frère… Les gens sont toujours surpris lorsque vous arrivez comme ça. C’est vraiment très drôle.
Pourtant, on vous pressentait à l’origine pour le rôle d’Elizabeth…
En effet… Mais, en réalité, je ne voulais pas l’interpréter car j’avais déjà joué dans bon nombre de drames historiques avant cela et j’étais plutôt en recherche de nouveauté. D’un défi à relever et d’un rôle qui me ferait progresser en tant que comédienne. Selon moi, il n’y a aucun doute… Le personnage féminin le plus intéressant de Poldark est sans conteste Demelza. Impossible pour moi de laisser passer cette chance. Ou, en tout cas, d’essayer. J’avais déjà été « Elizabeth » trop souvent par le passé.
Une fois le rôle de Demelza obtenu, comment vous y êtes-vous préparée ?
Et bien… Nous ne filmons pas en séquences entières mais, bien au contraire, de façon aléatoire. Ce qui implique, surtout pour un personnage comme Demelza, qui connait une telle évolution au fil de la saison, que je dois appréhender l’ensemble des huit épisodes en même temps. Je devais savoir exactement tout ce que je voulais faire avec elle à chaque étape de son développement. Par exemple, il arrivait qu’on passe d’une scène de l’épisode 2 à une de l’épisode 8… Ce qui est particulièrement difficile. Je dois constamment savoir où elle en est. En cela, les livres m’ont été très utiles. En revanche, je n’ai délibérément pas visionné la précédente série afin de ne pas me laisser influencer. J’ai beaucoup parlé des scripts avec Debbie Horsfield et c’était formidable car elle connaît tellement bien cet univers… Ses opinions et réflexions étaient absolument précieuses. Le plus formidable avec Demelza, c’est qu’elle ne se comporte jamais comme les autres, ou la Société, voudraient qu’elle le fasse. Ce qui me laissait pas mal de liberté par rapport aux autres personnages d’époque que j’avais pu incarner par le passé.
Quand avez-vu lu les livres de Winston Graham pour la première fois ?
J’ai commencé dès que j’ai su qu’ils allaient entreprendre le casting. Et je suis immédiatement tomber sous le charme du rôle. Tout était déjà dans le scénario mais les romans vous offrent un éclaircissement supplémentaire. Une vision encore plus approfondie. En revanche, je n’avais jamais vu la série des années 70. Mais ma famille la connaissait très bien ! C’est en parlant avec eux que j’ai pris conscience de l’impact que cette première adaptation avait pu avoir sur les gens à cette époque.
Et qu’en est-il du choix de vous teindre en rousse ?
Cela correspond bien à la vision que j’ai d’elle… Parce qu’elle me paraît si forte. De projet en projet, j’ai souvent changé de couleur mais je n’avais encore jamais essayé le roux. Et je voulais pouvoir proposer quelque chose de totalement nouveau pour le personnage. Cela illustre bien son caractère… Son tempérament de feu.
Voyez-vous son évolution, hors des normes de l’époque, comme un genre de conte de fées ?
Pas vraiment… Je vois plutôt cela comme une histoire d’outsiders. A mes yeux, non seulement Demelza, mais Ross également, sont deux outsiders. Alors, bien sûr qu’on la voit grandir et changer jusqu’à en devenir beaucoup plus féminine… Mais elle ne se transforme jamais en véritable Lady. Elle n’oublie pas d’où elle vient et reste fermement attachée à ses racines. Elle s’en sert dans sa nouvelle vie. A l’époque, le seul but d’une jeune fille était de se marier le plus rapidement possible… Demelza, elle, est avant tout consciente et heureuse de la chance qu’elle a d’être là.
Quelle étape de cette évolution avez-vous le plus appréciée, en tant que comédienne ?
Je vais avoir du mal à isoler un moment en particulier… J’aime son parcours en son entier. Passer de bonne à tout faire à maîtresse de maison, tout en gardant sa propre personnalité. Oui, elle aime Ross mais il est hors de question qu’elle soit contrôlée par lui. C’est le chemin qui est passionnant. Et la saison 2 continue dans cette même direction. Leur relation est à la fois de plus en plus forte et, parfois, moins évidente. C’est exactement ce que les gens aiment à propos de ces personnages : ils sont vrais. On peut s’identifier à eux.
Comment-est de travailler avec Aidan Turner ?
Il est formidable. Et c’est un acteur vraiment très généreux, qui rend les choses plus évidentes. Nous avons une bonne alchimie ; de celles qui aident à mieux construire quelque chose de naturel et de rendre le couple crédible.
Perceviez-vous le potentiel international de la série ?
Vous ne pouvez jamais savoir à l’avance si oui ou non un projet auquel vous participez rencontrera le succès… J’ai le sentiment d’avoir joué dans quelques très bons films mais, pourtant, ils sont loin d’être aussi populaires que semble le devenir Poldark. Et c’est vraiment très agréable de finalement faire partie d’un programme dans lequel les gens s’investissent et se connectent à ce point.
Vous venez d’une famille d’artistes… Et, vous faites dorénavant partie intégrante de la tradition des grandes adaptations de la BBC. Est-ce important à ce stade de votre carrière ?
J’ai effectivement grandi en étant entourée de personnes de théâtre. Je regardais souvent mon père jouer ou ma mère chanter sur scène, depuis les coulisses. C’était mon environnement et j’adorais ce mode de vie… J’étais fascinée par des films comme Autant en emporte le vent, avec des rôles féminins si forts et importants. Vivien Leigh était mon héroïne et je me suis dit que c’était ce que je voulais faire, moi aussi. C’était très inspirant. Même si, aujourd’hui, j’aimerais vraiment trouver un rôle contemporain… Pour ce qui est de la BBC, c’est un grand honneur. Même si, encore une fois, le succès n’est jamais acquis d’avance. J’adore travailler avec eux et ils ont toujours été incroyablement bons envers moi. Je m’estime fantastiquement chanceuse.
Propos recueillis et traduits par Vivien Lejeune lors du 56è Festival de Télévision de Monte-Carlo
Crédits : BBC One