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Interview- Poldark : Karen Thrussell, productrice exécutive

Suite de notre dossier consacré à la série Poldark… à retrouver début septembre sur BBC One (Netflix en France), en compagnie de la productrice exécutive Karen Thrussell ; rencontrée à l’occasion du 56ème Festival de Télévision de Monte-Carlo.

En dehors de Poldark, Karen Thrussell a œuvré sur bon nombre d’adaptations des romans d’Agatha Christie… De Hercule Poirot (entre 2003 et 2013) à Miss Marple (de 2004 à 2013 également). On lui doit également la fabuleuse nouvelle version des « Dix petits nègres » : And Then There Were None en 2015. Elle également travaillé en qualité d’assistante réalisatrice sur le téléfilm The Safe House en 2002.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à l’univers de Poldark ?

Karen Thrussell : Comme il y a déjà eu la version des années 70, on me demande régulièrement pourquoi j’ai eu envie de m’atteler à ce « remake »… Mais ce terme n’est absolument pas approprié. Je parle plutôt de « nouvelle adaptation ». J’ai lu les romans lorsque j’étais encore adolescente et je les ai absolument adorés. Depuis, j’ai même développé une affinité toute particulière avec la Cornouaille… Nous cherchions un nouveau projet de grande saga familiale et quelqu’un à fait référence à la Cornouaille. Immédiatement, j’ai pensé à Poldark. De plus, je n’avais jamais vu la première série. J’étais trop jeune à l’époque et le marché de la vidéo n’était pas encore développé. La BBC s’est vite montrée enthousiaste à cette perspective et les droits étaient toujours disponibles. La question était alors de savoir en quoi cette histoire serait judicieuse à raconter aujourd’hui… 40 années nous séparaient de la précédente série. Au-delà du fait que les personnages, situations et géolocalisations soient passionnants, il nous semblait que politiquement et socialement parlant, c’était le bon moment de le faire. A l’époque, l’Angleterre rentrait dans une période de dépression… Ce qui est toujours le cas… Il y avait beaucoup d’histoires autour de banquiers sans scrupules… Et on retrouve tout cela dans Poldark.

Poldark - Karen (2)

Avez-vous immédiatement pensé à une exploitation internationale ?

Bien sûr, la BBC nous a donné une certaine somme d’argent. Mais WGBH, aux USA, également… Et quelques autres encore… Construire un tel « Period Drama » est extrêmement couteux. Il faut bien plus de fonds que sur une série « classique ». On ne peut pas simplement se dire qu’on va aller retourner une scène à la va vite car elle ne fonctionne pas au montage. Impossible de sortir simplement dans la rue et d’y aller. Il faudra toujours au moins deux heures de maquillage, porter le bon costume, trouver un extérieur qui semble ne pas avoir bougé depuis 300 ans… C’est justement ce qu’il y a de si formidable avec la Cornouaille, c’est que les falaises sont les mêmes depuis 500 ou 700 ans, donc (rires)… Ça aide. Mais, à part ça, le moindre élément demande beaucoup de travail pour que tout paraisse réel.

De combien de temps avez-vous bénéficié pour la pré-production ?

Je dirais environ trois mois. Debbie Horsfield est incroyable. Elle travaille tellement vite, c’est un véritable démon ! Elle avait finalisé tous les scripts, ce qui fut naturellement d’une grande aide. Cela vous aide à utiliser le budget avec précision et intelligence. Le tournage en lui-même a été assez long… Cinq mois et demie, presque six. Nous avons commencé à Bristol, puis nous sommes allés en Cornouaille pour l’ensemble des extérieurs où nous avons d’ailleurs eu la chance d’avoir les meilleurs conditions météorologiques possibles. Puis, nous sommes retournés à Bristol pour les intérieurs en studios.

Selon vous, qu’est-ce qui a été le plus compliqué à mettre en œuvre ?

Encore une fois, les drames historiques sont toujours les plus compliqués. Tout d’abord, ils exigent une équipe très vaste rien qu’en costumes et maquillages. Ce qui rend le tournage particulièrement lent… Il y a toujours une coiffure ou un détail à retoucher (rires). J’ai fait beaucoup d’autres séries historiques mais elles étaient généralement situées dans les années 30 ou 50… Mais en ce temps-là, les gens ne portaient pas de corsets ou de parures démesurées. Avec Poldark, vous devez littéralement construire du temps… Prévoir le temps qu’il faudra rien que pour enlever le corset devient partie intégrante du planning. Quoi qu’il arrive, nous devons tourner plusieurs pages du scénario par jour et ne rien gaspiller. Gérer le budget est vraiment quelque chose d’essentiel… Les « Period Drama » peuvent vous flanquer une sacrée migraine (rires)…

Poldark - Karen (3)

Quels types de changements s’imposaient par rapport à l’œuvre originale ?

Nous cherchons tout simplement à plaire au plus large public possible. Et Debbie est extrêmement douée pour cela parce qu’elle sait dépeindre des personnages tellement forts. Mais notre bible reste les romans… C’est là que nous puisons l’essentiel. Et pour la première saison, nous n’avons utilisé que les deux premiers livres. En un sens, on se laisse guider par eux. La seule petite différence est notre approche des personnages féminins… Nous les rendons un peu plus solides. Que vous soyez britannique, européen, ou quoi que ce soit d’autre, vous ne voulez pas voir Demelza seulement lorsqu’elle est heureuse. Elle peut faire autre chose que des tartes dans une cuisine… Elle est forte. On vibre pour et avec elle. En cela, nous en offrons une vision beaucoup plus moderne ; plus proche des femmes d’aujourd’hui.

Vous avez, par ailleurs, produit beaucoup d’autres adaptations. Je pense, par exemple, à l’excellente And Then There Were None diffusée récemment, également sur la BBC et avec Aidan Turner…

J’adore les drames historiques. Je pense que l’Histoire peut nous en apprendre beaucoup sur notre Monde contemporain. Ces récits ne font pas que nous ramener en arrière. Bien au contraire, ils nous donnent également des leçons de vie. J’aime faire les deux. La BBC est tout autant, et continuellement, en demande de séries contemporaines… Ils en font même une priorité. Lorsque nous sommes allés présenter Poldark, ils nous ont demandé si nous n’avions plutôt quelque chose de plus moderne (rires)… Ils tentent de varier les plaisirs autant que possible. Mais c’est vrai que j’ai travaillé sur énormément d’adaptations littéraires et que j’adore ça. D’ailleurs, c’est exactement pour cette raison que nous avons pensé à contacter Debbie Horsfield… Comme elle n’avait jamais fait d’adaptation auparavant, elle allait inévitablement nous apporter un regard neuf, une fraîcheur, sur le genre.

And then there were none (Les 10 petits nègres)

And then there were none (Les 10 petits nègres)

En France, Poldark est diffusée sur Netflix. Le fait qu’il s’agisse d’un service non linéaire vous affecte-t-il, d’une façon ou d’une autre, dans votre façon de concevoir, voire de monter les épisodes ?

Lorsque l’on développe une série, nous avons pleinement conscience du fait que de plus en plus de gens consomment les programmes de cette façon. Même sans parler des plateformes… Les coffrets DVD offrent exactement le même type de visionnage à la chaîne. Moi-même, il m’arrive de le faire. Et tout spécialement lorsque vous avez des enfants ! Vous pouvez donner le biberon tout en regardant votre série du moment à toute heure, c’est fantastique (rires) ! Donc, oui, on y pense. Ça ne change pas le fait qu’en Angleterre, il y aura toujours une semaine entre chaque épisode ; au moins à l’occasion de sa première diffusion. Mais, c’est un fait… Au montage, nous nous sommes effectivement dit qu’en fin de compte, les gens visionneraient les épisodes les uns à la suite des autres, comme s’ils n’étaient pas séparés.

Propos recueillis et traduits par Vivien Lejeune lors du 56è Festival de Télévision de Monte-Carlo

Crédits : BBC One

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Journaliste spécialiste des musiques de films et de séries sur VL
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