Le 23 février, Jean-Marie Le Pen a adressé à sa fille, présidente du Front National, une lettre ouverte, dans laquelle il menace cette dernière de créer sa propre formation.
C’était le 20 août dernier : Jean-Marie Le Pen se voyait exclu du parti qu’il a lui même fondé il a plus de 40 ans. La responsable ? Sa fille, Marine, qui lui a succédé à la présidence du parti en 2011. Cette dernière, dans sa stratégie de conquête du pouvoir et donc d’élargissement de sa base électorale, n’avait en effet pas supporté une énième sortie antisémite de son père. Il faut dire que l’ex-Président, alors « Président d’honneur » était devenu gênant, entravant l’opération de dédiabolisation du parti.
Louis Aliot, vice président du FN, déclarait encore récemment qu’il existait une « incompréhension totale » entre le fondateur du FN et son électorat.
Critiques acerbes
Mais Jean-Marie Le Pen n’entend pas laisser le bureau exécutif lui barrer la route de son destin politique. Et par la lettre ouverte adressée à sa fille, Le Pen en administre une nouvelle fois la preuve. Il compte bien « les faire chier jusqu’à ses 100 ans » disait-il à un militant frontiste à propos de son propre camp.
Dans sa lettre Jean-Marie Le Pen critique à tout va l’entourage de Marine : ainsi, s’agissant du Congrès à huis clos qui s’est déroulé dans l’Essonne il y a peu, où les cadres FN ont discuté de la ligne du parti, le patriarche évoque « quelques rats » qui se sont essayés « au grignotage, l’un voulant supprimer le nom FN, l’autre le défilé du 1er mai... » Sa fille est aussi l’objet de ses railleries, se voyant reprocher sa décision prise après les régionales de se faire discrète dans l’espace médiatique.
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L’homme l’accuse de ne pas oeuvrer correctement à la victoire du parti : » Le sursaut de la France ne peut être espéré que de la victoire préalable du candidat national« , ce qui nécessite « une unité sans faille du Front national« . Ainsi, celui qui signe son texte en tant que « Président d’honneur » dit avoir « le sentiment d’avoir au long de cette année tout fait pour aider à l’unité », et que cette lettre constitue son « dernier effort« . Comprendre : dernier effort avant de passer à l’action, en créant son propre parti.
Ainsi, Le Pen exprime son intention d’organiser à l’intérieur ou « en parallèle« , un « rassemblement des forces patriotes« . Plus loin : « Si notre démarche n’aboutit pas, conscient des terribles dangers qui menacent notre patrie, nous ne baisserons pas les bras, et agirons alors et à regret, en dehors du Front National« .
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Le Pen contre Le Pen
Il n’y a plus à en douter, le père et sa fille sont désormais en guerre ouverte. Ce dernier est prêt à combattre celle qui l’a trahi, en créant une formation concurrente du parti qu’il a lui-même fondé.
Mais au-delà de la violence psychologique de cette bataille livrée au sein d’une même famille détruite par la politique, plusieurs questions se posent : en passant sur la stratégie de pure communication conduite par Jean-Marie Le Pen, existe-t-il une place viable en France pour un courant géré par celui qui fut cinq fois candidat à la présidentielle ? Marine Le Pen n’a-t-elle pas ratissé suffisamment large pour absorber les voix de son père ? Et en admettant l’existence des fidèles de la première heure, quel avenir politique pour cet homme de 87 ans ?
Reste que celui-ci semble être déterminé à exprimer sa colère et à le faire savoir. Pour combien de temps encore ?