Cette joyeuse pile de papiers colorés est-elle le vestige d’un 14 juillet festif ? Les confettis ont-ils été balayés ? Non. Ce ne sont pas des restes mais bien une œuvre d’art, celle de Jen Stark, jeune artiste américaine née en 1983. Artiste dans divers domaines comme l’illustration ou encore l’animation, elle excelle dans celui de la sculpture en papier.
Le joli tas de couleur s’intitule ‘’How to become a Millionaire in 100 days’’. A travers cette œuvre, Jen Stark nous révèle sa vision sur la notion de richesse. Aujourd’hui, devenir millionnaire en trois mois, qu’est ce que c’est ? Devenir riche rapidement revient à accumuler de la monnaie. Et la monnaie se résume à de simples bouts de papiers dont on a garanti la valeur marchande. L’artiste a donc coupé un million de bouts de papier et les a rassemblés dans une pile insolente de confettis sur mesure. Un calcul rapide dévoile que la jeune femme a découpé pas moins de 10 000 bouts de papier par jour, preuve d’un mental d’acier et d’une endurance physique.
Son savoir faire se base sur une méthode surprenante : ses doigts sont ses seuls outils. En effet, toutes les découpes de papier sont faites à la main bien qu’il existe le laser, plus rapide et moins fatigant.
Le travail de Jen Stark incarne patience et précision ; entre algorithmes, couleur et géométrie. Jen Stark développe une précision microscopique pour une perspective macroscopique. Après avoir défié ses propres limites (celles de ses mains du moins), elle défie celles des spectateurs en leur imposant un spectacle déroutant de vortex chromatique où l’abstraction devient expression. La magie se dissout dans ces oasis colorés où le spectateur vient se recueillir pour divertir ses sens. Ces sculptures de papier évoquent plus qu’elles ne représentent : dès le premier regard, une impression de vertige visuel se dégage.
Les sculptures reconstruisent des phénomènes naturels à une échelle exponentielle, comme les trous de ver, les fourmilières ou la composition du bois par exemple. Elles s’inspirent aussi d’images de cartes topographiques, de répétitions géométriques et de prismes tridimensionnels. Le modèle est simple mais l’œuvre est complexe. Les sculptures de Stark donnent à voir l’anatomie tranchée de ces mondes invisibles.
Le projet artistique de Stark n’est pas sans évoquer le mouvement Op Art des années 1960 qui exploitait la faillibilité de l’œil à travers des illusions ou des jeux optiques. L’œuvre de Stark devient un monstre de superposition où la géométrie joue avec la couleur faisant naître une incroyable illusion de profondeur.
Cyclone psychédélique ou tunnel arc-en-ciel ?
Cette œuvre souligne la capacité de l’artiste à transformer l’espace. L’entassement de papiers colorés prête à l’œuvre une topographie dynamique. Comme si l’alchimie chromatique pouvait percer la galerie faite de pierre et de ciment. La délicatesse des mouvements que ces sculptures semblent imiter fait oublier la rigidité du papier.
Les œuvres de Stark enchantent et envoûtent. Son habileté à manier le couteau transforme le matériel le plus ordinaire en quelque chose d’unique. Le regard et l’esprit sont captivés, la vision du monde est métamorphosée puisque Stark nous incite à porter une lentille étrange pour contempler ses œuvres. L’œil accepte d’être dupé, et les spectateurs sont alors pris dans une expérience sensorielle complète.