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La dette publique, poids sans fin ou fausse inquiétude ?

La rembourser ou l’annuler ? Conséquence de la crise sanitaire de la pandémie de Coronavirus, la dette publique a explosé. Le gouvernement a augmenté ses dépenses devant cette situation d’urgence alors que les recettes ont considérablement baissé. Ainsi, le taux d’endettement de la France prévu pour cette année atteint 121% du PIB selon le dernier budget rectificatif de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Résultat : la facture semble alarmante. Mais la réalité est tout autre. Et si la dette publique n’existait pas ? Explication.

Au troisième trimestre de 2019, la France atteint le seuil symbolique d’un endettement s’élevant à 100% du PIB. Oui, la dette compte. Mais aujourd’hui, elle est devenue un choix du gouvernement. « Pour soutenir l’économie dans cette crise qui sera temporaire, on a privilégié la dette » affirme le ministère de l’économie. Divisons alors cette dette en deux : la « dette Covid » et la dette pré-Covid. La facture donne une dette équivalent à 121% du PIB de l’État ; le double de l’un des critères de convergence de Maastricht interdisant aux états membres d’avoir une dette publique supérieure à 60% du PIB. La somme peut sembler impressionnante mais l’addition est à nuancer.

En effet, le creusement de la dette est largement plus favorable qu’après 2008 et la crise des subprimes. Cette fois, la France a le soutien de la Banque Centrale Européenne dans cette « dette Covid ». Conséquence : l’État emprunte à un taux proche de 0. De plus, l’européanisation de la dette envisagée – consistant en une mutualisation des dettes des pays européens – pourrait alléger le poids des dettes nationales en plus de donner un souffle en finançant les plans de relance de chacun des pays. Après le calcul, quelle résolution ?

La dette, solution de recours.

L’endettement est-il sans limite ? Dans les faits, un État ne rembourse jamais sa dette. Parce qu’il n’est pas « mortel » à la différence d’un particulier, il peut, par conséquent, la « laisser courir » (traduction : les États ne remboursent généralement que les intérêts de la dette et non sa partie principale). Aujourd’hui, un consensus politique s’installe va même jusqu’à défendre l’obligation de « faire de la dette » (pour grossièrement simplifier, en instaurant notamment un chômage partiel avantageux pour les entreprises et relancer la consommation). Le constat est clair : la dette publique est devenue un faux sujet. Certains économistes dénonceront le discours catastrophiste sur la nécessité du remboursement de la dette quand d’autres souligneront l’irresponsabilité de l’acceptation d’une dette perpétuelle.

Le paradigme est ainsi renversé. Alors, la question de la soutenabilité de cette dette vient naturellement sur la table. Ce point est une inconnue dans l’équation de la dette car difficile à l’évaluer avec précision. Les facteurs sont multiples selon les pays : capacité économique, enjeux géopolitiques… L’exemple japonais est le plus révélateur : sa dette dépasse le seuil de 240% par rapport à son PIB. Néanmoins, il est aisé d’assurer que ce pays se trouve en bonne santé économique.

Le plan de relance européen porte en lui un enjeu indirect. Celui de favoriser cette soutenabilité pour l’ensemble des pays européens. Une tâche qui s’annonce difficile lorsque l’on observe la multiplicité des situations économiques des pays : l’Italie semble avoir atteint un « plafond » de soutenabilité alors que l’Allemagne comme la France paraissent encore éloignées. De plus, la plupart des sommes astronomiques annoncées ne seront disponibles en réalité qu’après 2022. De ce fait, l’action étatique demeure aujourd’hui le seul rempart effectif. A échelle nationale, la soutenabilité voulue dépendra alors d’une reprise économique considérable – et, dans ce sens, le plan de relance de Bercy est largement attendu -, et de la digestion d’une recette importante – un virage politique quant à la fiscalité semble alors nécessaire, certains préconisant le rétablissement de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune).

Annuler la dette.

2200 milliards d’euros. C’est la partie de la dette détenue depuis 2015 par la Banque centrale européenne. Serait-il irréaliste de céder cette part ? La Banque centrale européenne peut n’avoir aucune réserve. Des économiques de la BCE affirment que les banques centrales peuvent fonctionner avec des fonds propres négatifs car « elles sont protégées de l’insolvabilité en raison de leur capacité à créer de l’argent ». La petite chanson de l’annulation de la dette traîne dans l’air.

Les banques centrales sont protégées de l’insolvabilité en raison de leur capacité à créer de l’argent et peuvent donc fonctionner avec des fonds propres négatifs.

Propos tenus par des économistes de la Banque centrale européenne, 2016.

Mais il existerait un risque si l’annulation de la dette viendrait à arriver. L’inflation. Un risque qui pèse trop fort dans la balance selon certains. De plus, les intérêts de la BCE sont très faibles. La dette s’allégerait, de fait, mais il ne s’agirait pas d’une création de richesses pures. Annuler ne vaut donc pas le coup. Cependant, 2008 figure comme un indicateur révélateur.

2008.

Après la crise des subprimes et les conséquences mondiales que l’on connaît, les États ont choisi la voie d’une relance économique forte. Des plans de grande ampleur étalés sur deux années qui ont été très vite remplacés par des politiques d’austérité au nom du respect du Pacte Budgétaire Européen (la limite de 60% de dette par rapport au PIB). Après la crise de 2020, la dette de la zone euro est largement atteinte, se projetant à la fin de l’année autour de 103% du PIB de la zone euro. Le discours du remboursement se fait donc entendre beaucoup plus rapidement que prévu.

En cas d’annulation de la dette, les états n’auraient plus à rembourser le « principal » […], ils pourraient alors se réendetter pour un même montant afin d’investir dans des activités socialement et écologiquement utiles.

Nicolas Dufrêne, Alain Grandjean, Laurence Scialom, Baptiste Bridonneau, Jézabel Couppey-Soubeyran, Aurore Lalucq dans une tribune publiée dans Le Monde le 26 mai 2020.

L’annulation de la dette permettrait de donner un nouveau souffle aux agents économiques du système économique, ceux qui ont souffert en premier de cette crise : les consommateurs, les entrepreneurs et, enfin, l’État. Une annulation de près de 420 milliards d’euros dans le cas de la France. Et l’annulation de cette partie de la dette permettrait un nouvel endettement. Une chose qui peut sembler étonnante mais qui assurerait le financement de nouvelles politiques nécessaires. Celle de la transition écologique dans un premier temps. De ce fait, cette manœuvre figure plutôt comme une nouvelle gestion de la dette publique plus qu’une véritable annulation de cette dette. En bref, une façon directe de relancer et orienter l’économie. Un réinvestissement possible en même temps que nécessaire.

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Journaliste culture, politique et société
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