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La grande aventure musicale de Maurice Jarre | Sériefonia

Pour le retour de Seriefonia, nous consacrons cette émission à un géant de la musique de film : Maurice Jarre.

C’est la sixième saison déjà… Et c’est toujours SérieFonia…

[« Dragon Ball – BGM M1623 » – Shunsuke Kikuchi]

Le 1er mars dernier, un géant du manga s’en est allé. Né en avril 1955 à Nagoya, Akira Toriyama était principalement connu pour son œuvre – gigantesque – au succès planétaire et jamais démenti : Dragon Ball. D’année en année, de décennie en décennie, de saison en saison et de série en série… L’histoire de Son Goku a passionné plusieurs générations de lecteurs, puis de spectateurs, depuis sa création en novembre 1984 jusqu’à sa dernière incarnation, Dragon Ball Super, débuté en 2015. Aux compositions des versions animés, on retrouvait le tout aussi immense Shunsuke Kikuchi, lui aussi disparu en avril 2021. Impensable, donc, de ne pas ouvrir ce SérieFonia sur un double hommage… Mais comme, je dois bien l’avouer, je n’ai tout simplement jamais ni lu, ni suivi, aucune série Dragon Ball, j’ai demandé à mon pote Nemo, l’animateur des podcasts « Versus » et « La taverne de Binks », ce dernier étant totalement dévoué à l’univers de One Piece, de choisir les morceaux les plus appropriés. Et s’il y en a un qui semble avoir marqué les mémoires… autant la sienne que celles des millions de fans à travers la planète, c’est bien celui sublimant l’instant fatidique où Son Goku se transforme pour la toute première fois en Super Saiyan ! Souvenez-vous, ça se passait… comme ça :

[« Dragon Ball – BGM M816 » – Shunsuke Kikuchi]

[« SérieFonia : Season VI : Opening Credits » – Jerôme Marie]

[« EXTRAIT SONORE : Dead Poets Society »]

[« Dead Poets Society – Keating’s Triumph » – Maurice Jarre]

A travers ces inoubliables extraits du Cercle des poètes disparus, vous aurez compris que cette émission s’apprête à revenir sur la carrière, non moins mythique, de Maurice Jarre. Et si j’ai eu envie de me replonger dans ses partitions, c’est parce que ces dernières semaines ont été bercées par la diffusion, sur Disney +, du remake de la série Shogun ; dont la musique est assurée par les frangins Atticus et Leopold Ross. Le premier étant également un fidèle collaborateur de Trent Reznor, avec qui il a notamment signé la partition de The Social Network pour David Fincher en 2010, en plus d’être à ses cotés au sein du groupe Nine Inch Nails depuis 1988. Et donc, Shogun version 2024, ça sonne comme ça…

[« Shogun, 2024 – Main Title (Shogun) » – Atticus et Leopold Ross]

Mais il ne faudrait pas oublier qu’entre les 15 et 19 septembre 1980, sur NBC, la première adaptation du roman écrit par James Clavell cinq ans plus tôt, était accompagnée de l’œuvre de Maurice Jarre… qui comptait déjà plus de vingt ans de carrière dans la musique de film derrière lui…

[« Shogun, 1980 – Main Title » – Maurice Jarre]

Shogun, c’est principalement l’histoire du très anglais marin John Blackthorne (Richard Chamberlain en 1980 et Cosmo Jarvis en 2024), fait prisonnier en 1600 par le très japonais Seigneur Yoshi Toranaga (interprété par Toshiro Mifune dans la première mini-série et par Hiroyuki Sanada dans la nouvelle), à l’heure où les Jésuites portugais se sont imposés comme principaux – et seuls – partenaires commerciaux sur le territoire japonais. Mais la rencontre entre les deux hommes ne va pas tarder à changer la donne. À travers de nombreux échanges – autant que d’épreuves multiples – l’un comme l’autre découvre les mœurs et coutumes de leurs cultures radicalement opposée et tissent un lien rare… qui verra Blackthorne propulsé aux rangs de guerrier Samouraï, puis de garde officiel Hatamoto… proche de l’amitié… Mais néanmoins limité par les enjeux politiques et religieux internationaux…

[« Shogun, 1980 – Christian Samurai » – Maurice Jarre]

Ah c’est sûr, on donne un peu plus dans le classicisme que ne le font les frères Ross en 2024…

[« Shogun, 2024 – Shinobi » – Atticus et Leopold Ross]

… Mais sans chercher à privilégier le moins du monde plutôt l’un que l’autre… il est tout de même extrêmement intéressant de voir… enfin d’entendre… ce que l’un des plus grands noms du cinéma est tout autant capable de faire pour la télévision. Et le moins que l’on puisse dire c’est que, sur Shogun, Maurice Jarre sort le grand jeu…

[« Shogun, 1980 – To the Galley! » – Maurice Jarre]

À noter que ce premier Shogun de 1980, réalisée par Jerry London, a été sacré meilleure série de l’année et aux Emmy Awards et aux Golden Globes ! Alors, aussi bonne soit-elle, cette nouvelle incarnation Disney + a un sacré challenge à relever… Idem côté musical : dans la mesure où le parcours de Maurice Jarre, vous allez le voir, le semblait prédestiné à illustrer musicalement le double destin de Blackthorne et Toranaga. Et ce, depuis ses premiers pas au Conservatoire de Paris dans les années 40, où il décidait – contre l’avis paternel – de se spécialiser dans l’apprentissage des percussions et de l’ethnomusicologie ; principalement en étudiant les courants Arabes, Russes, Indiens, Sud-Américains et… Japonais, justement.

[« Shogun, 1980 – Samurai » – Maurice Jarre]

Maurice-Alexis Jarre est né à Lyon le 13 septembre 1924. Son père, André Jarre, était le directeur technique de Radio Lyon et aurait aimé voir son fils devenir ingénieur après des études à La Sorbonne plutôt que musicien. Peine perdue ! Au sortir du Conservatoire de Paris, Maurice s’associe à Pierre Boulez, avec qui il forme un duo dans le cadre de la Compagnie Renaud-Barrault à compter de 1946. Il ne lui faudra que deux ans avant qu’il signe sa première partition pour les planches… avec Le gardien du tombeau de Franz Kafka. Cette nouvelle vocation de compositeur lui vaut tout aussi rapidement de devenir le directeur artistique du Théâtre National Populaire, sous la houlette de Jean Vilar entre 1951 et 1963. C’est d’ailleurs lui qui signe la Fanfare d’accueil dudit Théâtre National Populaire…

[« Fanfare d’accueil du Théâtre National Populaire » – Maurice Jarre]

L’expérience s’avère particulièrement enrichissante, notamment dans la mesure où la compagnie pouvait se permettre de s’offrir, chaque soir, les services d’un orchestre d’une trentaine de musiciens. Mais bien qu’il ait travaillé sur quelques 70 partitions dans ce cadre, c’est à l’issue d’une représentation bien particulière que son destin va soudainement changer du tout au tout. En 1951, le rideau tombe à peine sur une représentation du Prince de Hombourg lorsque Georges Franju se présente à lui dans les coulisses et lui annonce qu’il cherche ardemment quelqu’un afin de composer la musique de son court-métrage : Hôtel des Invalides. Au cœur de cette première œuvre : un piano désaccordé et trafiqué, agrémenté en son ventre d’un vieux carillon aux résonnances atypiques…

[« Hôtel des Invalides – Opening Credits » – Maurice Jarre]

Cette rencontre providentielle scelle à la fois le début d’une belle amitié cinématographique et la première d’une inoubliable série de collaborations qui n’aura de cesse de s’orienter vers une volonté toujours plus accentuée de recherches et d’expérimentations. Après quelques autres courts pour les encore tout aussi débutants Jacques Demy ou Alain Resnais, leur premier long-métrage commun survient en 1959, avec l’adaptation du roman d’Hervé Bazin : LA tête contre les murs. Un film dont Jean-Luc Godard écrira dans les pages des Cahiers du Cinéma qu’il s’agit « d’un film de fou sur les fous » et que « c’est donc un film d’une beauté folle ».

[« La tête contre les murs – Surprise-partie » – Maurice Jarre]

Le style est la plupart du temps dissonant, pour ne pas dire anarchique, et très vite, la fascination du musicien pour les percussions et les valses transformées s’impose comme une authentique marque de fabrique. La tête contre les murs, avec ses sons de carillons et son banjo désaccordé lui ouvre un nouveau chemin parsemé de créativité. Avec Franju, suivront Les yeux sans visage, dès 1960…

[« Les yeux sans visage – Theme » – Maurice Jarre]

Pleins feux sur l’assassin en 1961…

[« Pleins feux sur l’assassin – Générique » – Maurice Jarre]

Et encore Thérèse Desqueyroux en 62… Soit un film chaque année…

[« Thérèse Desqueyroux – Theme » – Maurice Jarre]

De sa « période française », Maurice Jarre se souviendra surtout de ce grand sentiment de liberté qui accompagnait chacun de ses travaux. Sa réputation naissante et son sens de l’innovation lui permettent d’attirer l’attention des plus grands metteurs en scène internationaux, qui lui ouvrent tout naturellement les bras dès 1962 avec pas moins de deux grands classiques… Le jour le plus long, d’abord…

[« The Longest Day – March » – Maurice Jarre]

… Et Lawrence d’Arabie, pour David Lean, qui ne lui vaudra pas moins que son premier Oscar. Une ascension d’autant plus fulgurante qu’à l’origine, Maurice Jarre ne devait travailler sur le film qu’en qualité D’orchestrateur et d’arrangeur…

[« Lawrence of Arabia – Ouverture » – Maurice Jarre]

A écouter aussi : Masters of the Air : Spielberg et la Guerre | Seriefonia | VL Média (vl-media.fr)

Lorsque le producteur Sam Spiegel et les responsables de chez Columbia se tournent vers lui, il est déjà prévu que le film soit confié à deux autres compositeurs : Aram Khatchatourian et Benjamin Britten ; le premier étant en charge des parties arabisantes et le second des sections britanniques… Pas con… Comme je le disais, Jarre, lui, est alors engagé comme orchestrateur et arrangeur et part s’installer à Londres pour une durée indéterminée… Il commence par assister aux projections successives des rushes et découvre pas moins de 40 heures de métrage, qu’il trouve absolument fantastique. C’est alors que tombent deux informations successives… premièrement, Khatchatourian ne peut pas sortir de Russie. Et, deuxièmement, Britten exige le luxe de pouvoir bénéficier d’un an et demi pour écrire uniquement un tiers de la partition ! Ce qui, naturellement, est hors de question. Mais l’histoire étant encore longue, je vous rebalance un p’tit extrait au passage…

[« Lawrence of Arabia – Assembled Army/Lawrence and his Bodyguard/Arab Theme » – Maurice Jarre]

Pendant un temps persuadé que le film allait lui revenir dans sa totalité, Maurice Jarre s’entend de nouveau dire qu’il ne sera pas seul ! Richard Rogers (un vétéran à qui l’on doit les partitions de certains des plus grands Musical de l’Histoire, comme Oklahoma!, Le roi et moi ou encore La mélodie du bonheur) est recruté pour composer 90% de la musique et seuls 10% seront donc confiés au compositeur français. Mais à la réception des premiers thèmes écrits par Rogers, il devient vite évident que son approche n’est pas la bonne. De plus, en l’interprétant, le pianiste reconnait en sa proposition de marche militaire un air déjà très connu en Angleterre ! Ce n’est qu’à ce moment-là que Jarre est enfin invité à proposer à David Lean ce qu’il avait envisagé de son côté. Il lui joue alors son « Lawrence’s Theme » et est immédiatement retenu comme seul et unique compositeur. Ne lui restait plus qu’à écrire deux heures de musiques en… six semaines.

[« Lawrence of Arabia – Lawrence Rides Alone » – Maurice Jarre]

Son Oscar et un Golden Globe plus tard, sa spectaculaire ascension ne l’empêche pas d’offrir, la même année, à Georges Franju un Judex toujours aussi inspiré…

[« Judex – Générique » – Maurice Jarre]

En toute logique, son style évolue. Il se fait plus ample, grandiloquant et aventureux. Suivent alors, des deux côtés du globe, des projets d’une grande diversité : de Docteur Jivago en 1965…

[« Doctor Zhivago – Lara Leaves Yuri » – Maurice Jarre]

… à Soleil Rouge en 71…

[« Red Sun – Main Title » – Maurice Jarre]

En passant par Les Professionnels en 1966, Jesus de Nazareth en 1977 ou encore l’inoubliable Le Tambour en 79…

[« Die Blechtrommel – Oskar’s Drum » – Maurice Jarre]

Sans oublier Paris brule-t-il ? pour René Clément en 1966…

[« Paris brule-t-il ? – Aux barricades » – Maurice Jarre]

La route des Indes, toujours pour David Lean… et encore couronné d’un Oscar en 1985… et d’ailleurs, plutôt qu’un extrait, voici plutôt son discours – teinté d’humour et d’émotion – face à l’Académie…

[« EXTRAIT Academy Awards, Best Score]

Witness, avec Harrison Ford et Kelly McGillis en 1985… Réalisé par Peter Weir, avec qui il avait déjà collaboré sur L’année de tous les dangers en 1982…

[« Witness – The Amish are Coming » – Maurice Jarre]

Et qu’il retrouvera encore sur Mosquito Coast en 86, puis sur Le cercle des poètes disparus en 1989 ; LE film qui aura marqué toute une génération et avec lequel je n’ai pu résister à ouvrir ce SériFonia… Ensemble, ils travaillent encore sur Etat second, avec Jeff Bridges et Isabella Rossellini en 93… Mais s’il ya bien un genre qui offrira toujours plus de liberté à un musicien, c’est résolument le fantastique. Pour preuve : il y renoue tout à loisir avec ses envies expérimentales et s’amuse de l’étendue des possibilités électroniques qui feront par ailleurs la gloire de son fils, Jean-Michel Jarre… Je peux, par exemple, vous citer Résurrection, Firefox, Dreamscape

[« Dreamscape – Labyrinth » – Maurice Jarre]

Mais aussi Mad Max 3 : au-delà du dôme du tonnerre, pour George Miller en 1985… Dans lequel il ne manque pas de se tourner à nouveau vers ses influences ethniques…

[« Mad Max Beyond Thunderdome – Max’s Theme/The Desert » – Maurice Jarre]

Après quoi, il ouvre les années 90 avec L’échelle de Jacob pour Adrian Lyne et, surtout, avec Ghost, de Jerry Zucker… un intemporel…

[« Ghost – End Credits » – Maurice Jarre]

Autant de voyages aux sonorités osées qui, bien plus que de simplement accompagner ces long-métrages, ont su capter l’essence même du genre. Son approche du fantastique est encore plus contrastée que sa période française. L’ambiguïté, la bizarrerie devenant, alors, pour lui, une nouvelle marque de fabrique. Pourtant, la méthode reste la même que pour les films de Franju : se servir de la schizophrénie comme d’une matière instrumentale à part entière, à l’image de l’utilisation de la caisse claire de La tête contre les murs. Une originalité tout simplement hors du temps que l’on retrouve tout autant au sein de ses œuvres de concert, ballets et autres comédies musicales ou opéra, que dans son apport à la télévision… Comme entendu précédemment via Shogun. C’est d’ailleurs pour le petit écran qu’il compose une dernière fois pour l’image avec le téléfilm 1943, l’ultime révolution, réalisé par Jon Avnet en 2001. Maurice Jarre est décédé des suites d’un cancer, à l’âge de 84 ans, le 28 mars 2009…  Mais comme ici, à SérieFonia, on célèbre la vie… Cueillons plutôt le jour présent sans se soucier du lendemain… Et quittons-nous au son du « Carpe Diem » si cher au Professeur Keating… Ô Capitaine, mon Capitaine…

[« Dead Poets Society – Carpe Diem » – Maurice Jarre]

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