Françaises, Français
La date fatidique approche, nous devrions être dans un état de fébrilité maximum, sous tension et l’enthousiasme des grands moments se transformant en flots d’adrénaline devrait nous submerger. La France engourdie, se réveillerait dans un sursaut patriotique, les Français héroïques porteraient au bout de leurs bras leur sauveur, qui fort du soutien populaire ferait bouger les montagnes.
Alors après ce 6 Mai, la France impérieuse retrouverait sa splendeur, sa beauté, sa puissance. Son gouvernement rénové la mènerait aux portes de la réussite si ce n’est du paradis. Le chômage résorbé, la démocratie et l’égalité retrouvées, l’homme serait de nouveau habité d’un espoir ancien : celui du changement.
Non pas celui d’une France bien faible qui hurle à la mort sa prétendue force, ni celui de celle qui hurle au changement immédiat.
Non celui bien plus profond, un véritable processus, une lame de fond qui s’apprête à dévaster délicieusement un microcosme imbécile. Ce changement ne viendra pas des urnes mais de tous ceux qui n’iront pas voter.
Voter c’est faire un choix, mais choisir entre la peste et le choléra c’est soumettre sa volonté à la fatalité. Une fatalité qui n’existe pas, une fatalité qu’on cherche à nous imposer. La démocratie est gangrenée par l’incapacité, le clientélisme, et le manque de courage de ceux qui prétendent l’exercer et qui cherchent à nous en déposséder. Même les votes les plus contestataires sont aujourd’hui sans valeur.
Voter est un devoir, et un droit. J’en appelle à la lutte pour obtenir le droit de ne pas choisir, de ne pas se soumettre à un appareil lissé. Quel citoyen aujourd’hui en France a le pouvoir de s’exprimer, de défendre ses idées, de toucher le plus grand nombre, où sont les débats constructifs, les assemblées participatives, où sont nos représentants ?
Je refuse de voter car je refuse ce que l’on veut nous imposer, je refuse ce manque évident de démocratie.
Je refuse de donner un blanc-seing à un homme ou une femme qui serait imbu du pouvoir qu’il souhaite exercer en mon nom.
Je refuse de salir le blanc du papier avec une encre noire qui me lie pour un quinquennat entier, et puisque ce bulletin ne vaudra rien, je souhaite être le premier des vauriens :
J’en appelle à tous les vauriens indignés de France, n’allez pas voter massivement. N’exprimez pas un avis auquel on accorde de l’importance uniquement tous les 5 ans. Non résistez.
Seul l’affaiblissement brutal d’une légitimité contestable permettra de faire pression et d’appeler à un vrai changement citoyen. Une conception du citoyen nouvelle, un citoyen qui ne sera définitivement plus un « veau » mais un véritable acteur de sa destinée.
Il y a des endroits encore dans le monde, où les citoyens perdus entre les montagnes se retrouvent chaque mois et votent à mains levées sur la place du village les articles qui régissent leur quotidien.
Jean-Noël Galve de Rochemonteix