La maison Carven renait de ses cendres parisiennes alors que son directeur artistique Guillaume Henry présente sa sixième collection. Voici l’histoire d’une renaissance stylistique.
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Maison de couture française fondée en 1945 par Carmen de Tommaso, Carven constitue dès lors une parcelle de culture française et, plus encore, une leçon de style au lendemain d’une Seconde Guerre mondiale qui met en pause l’art dans la capitale. A raison d’un goût pour les couleurs et de collaborations tout aussi intéressantes qu’originales (Carven habillera les hôtesses d’Air France en 1979), la griffe se fraye un chemin dans la mode d’un pays bien trop cantonné aux monstres tels que Chanel, Dior, mais non sans difficultés, et qui viendront entériner l’essor de la marque de couture.
Les créations de trois directeurs artistiques feront office d’introduction au travail de Guillaume Henry, dont l’arrivée à la tête de la création en 2009 peut véritablement être qualifiée de renaissance, compte-tenu de la perte de clients comme d’ambition pour cette maison parisienne qui, à l’aube du 21e siècle, ne trouvait plus sa voix.
Etudiant parisien, G. Henry fait ses armes chez Givenchy d’où il tirera l’ingénieuse élégance des coupes strictes ainsi que cette note parisienne qui se retrouvent si bien chez Carven. Mais G. Henry doit faire face au déclin latent de la maison de couture, dont la relève constitue un réel challenge. Il incombe de fait au créateur de relancer la marque, en faire une maison de prêt-à-porter de luxe tout en conservant cette touche couture. Le « pap » de luxe Carven est né avec la première présentation/collection printemps-été 2010.
On remarquera ainsi les multiples efforts de style apportés à Carven, à l’image d’un goût prononcé pour l’imprimé – le créateur s’inspirera de l’œuvre, datée de la Renaissance en somme, de Hieronymus Bosch « Le jardin des délices » afin d’ornementer robes et jupes de la collection automne-hiver 2012 – de couleurs fortes en parfaite adéquation avec la saison (ton automnaux pour la collection automne-hiver, pastels en été), d’une rigueur des coupes qui n’est pas sans rappeler la mode à la française, et vient faire écho aux faits d’armes du créateur chez Givenchy où il officiait avec, ou sans, Ricardo Tisci.
Carven est l’incarnation d’une mode accessible, couture, mais simple. Et G. Henry de relater : « Hier, on était en essayage, j’ai demandé au mannequin-cabine si elle aurait pu aller aux toilettes avec la robe. Elle m’a dit que non; il fallait donc qu’on la change. » Le designer a réussi le pari de redresser la marque, et vient donc se mettre dans le rang des Elbaz, Theyskens, Decarnin/Rousteing, porteurs d’espoirs pour de grandes maisons françaises (Lanvin, Rochas, Cacharel, Balmain) qui, au lendemain d’un succès éclatant et d’un certain essoufflement, feront l’expérience d’un renouveau…