Longtemps attendu, Promare est une production du studio Trigger (Kill La Kill, Little Witch Academia, SSSS Gridman) qui propose un divertissement radical, aussi bariolé et fou qu’il est bruyant et énergique : un film évènement présenté par Eurozoom qui aura, tour à tour, secouée le 43ème Festival d’Annecy et les 20 ans de Japan Expo.
Dans un monde en proie à la panique suite à la découverte d’êtres humains capables de prendre feu comme des torches humaines, les Burnish, nous suivons Galo Thymos, jeune pompier de la ville-état de Promepolis. Intégrant la brigade des Burning Rescue, dont le rôle est d’éteindre les incendies provoqués par cette nouvelle population, il est confronté à un groupe terroriste qui souhaite embraser le monde : les Mad Burnish. Prenant son courage à deux mains, Galo se jette au coeur de la mêlée. Ce qu’il va y découvrir va changer tout ce qu’il croyait acquis.
Tout feu tout flamme
Promare (prononcez Promère) est une pièce unique. Portée par l’inimitable réalisateur Hiroyuki Imaishi, le film est scénarisé par son camarade Kazuki Nakashima (Gurren Lagann, Kill La Kill). Au mecha et chara-design un petit nouveau, Shigeto Koyama. Repéré sur Diebuster, mis en avant sur Star Driver et Darling in the Franxx, ses créations au trait rappelant Mamoru Nagano par son style aussi arrondi qu’anguleux ne passent pas inaperçues. À la musique on retrouve le très prolifique Hiroyuki Sawano (L’Attaque des Titans, Kill La Kill, Xenoblade X, Gundam Unicorn).
Trublions de la japanim, Imaishi et le studio Trigger ont longuement fait parler d’eux sur cette dernière décennie. D’abords annoncés comme les sauveurs d’une japanimation moribonde avec Kill La Kill, ils ont fini par décevoir leur coeur de cible avec des productions en demi-teintes, parmi lesquelles le sympathique Little Witch Academia et le conspué Darling in the Franxx. Autant dire qu’avec Promare Trigger jouait sa réputation et son avenir : il s’agissait de rassurer les fans, mais aussi de les convaincre que le studio en avait encore sous le coude.
Dès lors, quoi de mieux que de proposer une oeuvre réalisée par le fondateur himself ? Connu pour ses productions au style marqué, à l’esprit nekketsu plus brûlant que le soleil, Imaishi avait de quoi remettre en confiance le nombre croissant de déçus. Promare est donc à l’image du reste de sa carrière, un film que personne d’autre n’aurait pu faire. Allié à leurs camarades de Sanzigen pour s’occuper de la 3D (les deux studios étant chez la holding Ultra Super Pictures) Trigger est cette fois allé chercher les sous auprès de XFLAG, une société de production affiliée à Mixi.
Peu connu en Occident, Mixi est à l’origine un réseau social japonais qui s’est depuis peu ouvert à de nouveaux horizons. Le carton crossmedia Monster Strike compte parmi leurs tentatives de pénétrer le marché du jeu mobile via Yoshiki Okamoto, le producteur de Street Fighter II. Branche animation du groupe, XFLAG en avait assuré l’adaptation en série animée. Leur mot d’ordre : proposer des oeuvres qui rassembleront autant qu’un barbecue entre amis (voir illustration). Jusqu’ici cantonné au web, XFLAG ne cache pas ses ambitions cinématographiques. Une maison à surveiller donc.
Brûle mon cosmos
Pépite survoltée qui envoie balader absolument toute les conventions visuelles, Promare est techniquement ce qui se rapproche le plus actuellement de Spider-Man : New Generation. Toutefois il a une énergie décuplée propre aux séries de la même veine. Car Promare, s’il est une proposition technique et visuelle ahurissante qui scotche la rétine et perds volontier son spectateur dans un déluge de couleurs, de flash et d’explosions, reste avant tout une perle de fanservice égale sinon supérieure à Dragon Ball Super : Broly.
Tout ce qui est dans ce film fait référence à des titres passés. Chaque personnage est l’écho d’un autre sorti de Gurren Lagann ou de Kill La Kill afin de flatter le fan moyen : caméos vocaux, “gainax pose” (les bras croisés, le regard perçant), duels de regards et attaques beuglées à la force des tripes… le film multiplie les petites touches d’attentions. Généreux en action, le film assume totalement ses hommages rendus à Getter Robo, Mazinger Z et autre mechas des années 70. Car oui, Promare c’est des explosions, des robots et de la baston démesurée comme rarement vus en salle.
Burnish de la niche
Si vous n’adhérez pas au délire, vous y resterez hermétique. Promare va à fond la caisse, vous assomme à grand renfort d’explosions et de thèmes épiques, mais laissera le néophyte de côté. Ce dernier y trouvera un spectacle ostensiblement désinvolte porté par une technique décomplexée, mais aura bien du mal à comprendre la foultitude de clin d’oeils adressés au connaisseur. Car ce film est fait pour ce public-là, celui qui demande Trigger et Imaishi. Il s’adresse à une niche par toute une gamme d’artifice un peu gratuits mais fondamentalement réjouissants. C’est sa grande force, mais aussi sa grande faiblesse.
Promare est à l’image de son héros : bienveillant mais sans concession, il se fiche de ce qu’on pense de lui. C’est un monument d’animation dont le but est d’en mettre plein les yeux sans jamais regarder en arrière. C’est une fuite en avant où on gueule à plein poumon, un titre qui transpire la passion avec une fougue juvénile rarement vue ces dernières années. Et pourtant Promare est une proposition qui porte 15 ans d’héritage d’animation débridée conçue par et pour des fans.
Dans le paysage calibré de la japanimation actuelle, Promare est un film pionnier qu’on inscrira aux côtés de Spider-Man : New Generation ou Les Enfants de la mer dans cette nouvelle garde de l’animation qui n’hésite pas à opérer des choix esthétiques radicaux, tout en se donnant la peine de livrer un sous-texte audacieux dont on ne vous gâchera pas la surprise.
L’animation mondiale est en pleine évolution. Après s’être normalisé jusqu’à devenir passe-partout (notamment dans les séries d’animation japonaise) des créateurs un peu partout dans le monde se mettent à sortir du moule propret proposé par l’industrie pour arracher une échappée salvatrice qui on l’espère guidera le medium sur un chemin devant encore être pavé.
copyright : Trigger, XFLAG, Eurozoom