C’est un énième débat qui nous occupe en France et pas dans d’autres pays du monde : la place à accorder à la télévision par rapport aux autres arts. Comme s’il fallait choisir. Mais puisque certaines et certains se croient obliger de le faire, emboitons leur le pas.
La télévision, française comme de n’importe quel autre pays, produit de l’art. Des séries qui n’ont aucun complexe à avoir par rapport au cinéma, au théâtre. C’est un fait et on ne va pas passer encore 10 ans à le dire et le répéter. La télévision a permis à Spielberg de démontrer qu’il est un grand réalisateur, à Bradley Cooper de percer au grand jour grâce à Alias et de nous bouleverser dans de nombreuses œuvres, à des actrices comme Julianne Moore d’éclore dans des soaps avant d’incarner de très grands rôles.
Chez nous, de très grandes fictions ont de tout temps existé et l’année 2023 a montré que la France pouvait produire des fictions importantes et puissantes, qu’il s’agisse de Tout va bien, Sambre ou encore 7ème ciel. Est-ce que l’on peut donc tomber d’accord pour dire que la fiction télé n’est en aucun cas mineure et qu’elle a de grandes choses à dire ?
On vivrait dans un autre pays, nous n’aurions pas besoin de le rappeler. Chez nous, entre le sport national qui consiste à s’auto-flageller en permanence et des acteurs-rices, des réalisateurs-rices qui continuent de penser que le Graal est ailleurs, il y a encore un long chemin à parcourir. Ou pas ! Et si on se passait simplement d’eux ? Rien n’oblige à venir travailler en télévision, de faire de la série télé (ou de l’unitaire). Venez-y pour de bonnes raisons, pour donner et se donner entièrement, sans reprendre de l’autre main ce qu’on a que trop longtemps perçu. Et, pire, sans se pincer le nez en ayant la sensation de mériter mieux alors qu’on a encore absolument rien démontré de ce dont on est capable.
Et il ne faut pas croire que ces travers ne proviennent que d’une génération plus âgée moins habituée à ce médium et plus formée par le cinéma ou le théâtre. Une partie de la génération qui arrive pense que ce n’est qu’un passage – la télévision – en attendant d’avoir plus (mieux ?). Pire elle créé à l’intérieur de la télévision une hiérarchie entre les différents genres – du prime time unitaire façon cinéma au feuilleton quotidien, « lie de la fiction française » (tout en ayant directement goûté au fruit défendu, un comble).
Disons le clairement : la fiction française n’a pas besoin d’eux, n’a pas besoin de celles et ceux qui jettent un regard méprisant sur un secteur qui produit des œuvres sublimes ou tout simplement divertissantes (et c’est déjà beaucoup). Partez, ne revenez pas mais ne nous jetez pas votre aigreur au visage. Dépensez votre énergie autrement et épargnez nous, et surtout épargnez ce public qui vous suit mais que vous méprisez aussi.
Place à celles et ceux qui veulent, à celles et ceux qui peuvent, à celles et ceux qui sont les visages de demain. La télévision attend cette relève si tant qu’elle lui tende assez la main. Les feuilletons quotidiens représentent aujourd’hui une école formidable pour solidifier ses bases et pour découvrir de nouvelles choses sur soi, sur son métier. Ils sont aussi la possibilité pour un acteur ou une actrice d’exercer leur métier qui est souvent un métier passion au quotidien. Et dans un monde toujours plus incertains, c’est une véritable chance. Les séries en général offrent la possibilité de construire des personnages et des histoires dans le temps et c’est précieux pour un artiste. Il n’est pas question d’être « enfermé » dans un rôle mais de le construire dans le temps (en sachant que la porte est toujours ouverte pour aller faire autre chose). Et les unitaires permettent comme le cinéma d’aborder des sujets forts et profonds avec un impact énorme sur le public (souvent plus que dans une salle car il faut choisir d’y aller, là où la télévision vient à nous).
En somme construisons la meilleure télévision qui soit portée non seulement par les meilleurs mais aussi par celles et ceux, convaincus de sa noblesse et de son intérêt.