Les nouveaux médias permettent à chacun de « créer » et de diffuser de l’information. Sur le banc des accusés, le réseau social Twitter, qui joue un rôle majeur dans cette nouvelle démocratie de l’info. L’enjeu du procès ? L’avenir du métier de journaliste.
La dure loi de l’évolution n’épargne aucune profession. De la même manière que la mécanisation des modes de production a conduit à l’éradication quasi totale de la classe ouvrière, les journalistes, eux, doivent également faire face à une nouvelle menace, façonnée par l’innovation technologique. Une menace, qui tend à embrumer l’avenir du métier d’homme de presse. Une menace, qui pourrait bien destituer le journalisme de sa noblesse.
Elle réside en l’avènement des réseaux sociaux, également appelés « nouveaux médias ». Pourquoi ? Pourquoi devrait-on s’inquiéter de quelques pecnos qui racontent leur vie sur les réseaux sociaux, qui prennent en photo leur reflet dans la glace, ou qui font mine d’embrasser du vide avec leur bouche en « cul-de-poule » ? Effectivement, ceux qui laissent pourrir leur dignité sur les réseaux sociaux ne représentent en aucun cas un danger pour les journalistes professionnels. Néanmoins, ces nouveaux médias sont aussi – et surtout – le lieu d’un déferlement continuel d’informations. Un raz-de-marée informatif, pas nécessairement enclenché par des journalistes ou des spécialistes, mais par Roger, qui tient une boucherie à Quimper, et qui se précipite sur son smartphone pour « twitter » qu’un accident de jambon a eu lieu dans son commerce. La bête de trente kilos aurait assommé Gégé, le doyen du village, qui venait acheter son steak-haché du midi.
La course à l’exclusivité
Vous penserez certainement que cet incident tragique n’intéressera personne. Détrompez-vous, c’est typiquement le genre d’information dont se délectent les « faits-diversiers » (journalistiques s’occupant des faits divers) en presse régionale. Le souci, c’est que l’information a déjà été relayée par Roger, qui de fait, empiète sur le terrain des journalistes. A travers cet exemple incongru, on aura compris que les réseaux sociaux, qui permettent une diffusion instantanée de l’information, destituent parfois les journalistes de l’exclusivité d’une information.
Prenons maintenant un exemple concret : l’affaire DSK, qui a été diffusé en France par Jonathan Pinet, étudiant. Voilà un jeune homme qui a assurément été maudit par tous les journalistes de l’hexagone, les privant de dévoiler un scoop des plus retentissant. Comment a t-il trouvé l’info ? Un ami, qui aurait assisté à l’arrestation de l’ancien directeur du FMI, le prévient aussitôt. Comment l’a t-il diffusé ? Sur Twitter. Alors si la question est provocatrice, elle a le mérite d’être posée : a t-on besoin des journalistes ?
Les « nettoyeurs » de l’info
Sur Twitter, le million de posts est atteint en une semaine. Sur la toile, les blogs se comptent par dizaines de milliers. C’est une certitude, l’information – notamment par la pratique du live tweet – peut aujourd’hui être créée sans les journalistes. Mais pour autant, peut-on se passer d’eux ? « Absolument pas, déclare Eric Fottorino, ancien rédacteur en chef du Monde, à l’occasion d’une conférence sur le thème du journalisme à Aix-en-Provence. Le journaliste livre un combat constant contre le bruit, contre le déferlement d’informations ». On comprend donc que l’homme de presse doit relever un nouveau défi : nettoyer l’information. « Les journalistes sont les dépollueurs de l’info, affirme Eric Fottorino. Ils doivent trier, hiérarchiser ce gigantesque brouillard informatif ».
Qu’on se le dise, ce n’est pas aujourd’hui que la créature anéantira son créateur. Ce n’est pas aujourd’hui que l’information aura raison du journaliste. Mais le défi qui s’impose à celui-ci est de taille. Pour survivre, il sera forcé de composer avec cette nouvelle concurrence, et surtout, de se réinventer.
Tristan Molineri