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Resnais et sa troupe revisitent le mythe d’Orphée au cinéma

Rideau. A l’affiche, Vous n’avez encore rien. Avec ce titre clin-d’oeil, Alain Resnais, s’amuse à jouer les chefs de troupe au sommet d’une carrière de metteur en scène qui n’est plus à faire. Un huis-clos théâtral qui réunit les habitués du cinéma resnaisien : Sabine Azéma, Pierre Arditi, Mathieu Almaric et les plus récents Lambert Wilson, Anne Consigny et Michel Piccoli. La crème de la scène française. Un casting d’enfer pour un film testament.
L’histoire est simple, incarnant leurs propres rôles, les acteurs quittent le cocon parisien pour s’installer un à un dans un théâtre improvisé dans la résidence de province de leur défunt ami metteur en scène Antoine d’Anthac. L’homme a enregistré, avant de mourir, une déclaration dans laquelle il leur demande de visionner une captation des répétitions de la pièce Eurydice: une jeune troupe lui a en effet demandé l’autorisation de la monter et il a besoin de l’avis de ses amis.

Un huis-clos hors de l’espace et du temps

Alors que les bases de la tragédie sont posées, les acteurs professionnels s’installent au gré des affinités dans les canapés molletonnés de la salle de projection. Tantôt disponibles et bienveillants, tantôt méfiants, les comédiens aguerris jaugent d’un œil critique l’adaptation d’Eurydice proposée par une jeune troupe de comédiens. Sur fond noir, seule la lumière du film encadre les visages des acteurs dont les traits, marqués par l’âge et l’expérience, reflètent leurs émotions face à la vision d’une pièce qui les a réuni et qui a marqué leur carrière.
Sabine Azéma enfantine, fatale Anne Consigny, Mathieu Almaric résigné médiateur du couple Orphée-Euridyce. Tous se détachent de l’espace-temps imposé pour incarner les personnages de la pièce au fil du visionnage. Donnant la réplique aux jeunes comédiens de l’écran puis se donnant la réplique entre eux, les comédiens délient langues et visages pour incarner tour à tour les duos Orphée-Eurydice dans une tragédie dont le scénario ne cessera de se dérouler inexorablement jusqu’à l’issue fatale de la pièce.

 Allures contemporaines

 Les décors respectent les allures contemporaines imposées par l’œuvre d’Anouilh.  Buffet de gare, miteuse chambre d’hôtel. Le mobilier idéal pour le couple misérabiliste Orphée-Eurydice. L’un, musicien, suivant son père – incarné par le très touchant Michel Piccoli – d’escales en escales, l’autre, piteuse comédienne. Les jeunes gens, se promettent à la vie, à la mort malgré les obstacles auxquels ils se heurtent. Jalousie, mensonges. Lorsque la rêveuse Euridyce disparaît dans un accident d’autobus, c’est tout le monde d’Orphée, incarné tour à tour par Pierre Arditi et Lambert Wilson qui s’effondre. Plutôt mourir que de vivre sans elle. Et alors qu’Hadès – incarné par Mathieu Almaric – propose à Orphée de faire ressusciter Eurydice, la jalousie, inexorable, s’impose et détruit le pacte qui aurait pu faire revenir la jeune femme à la vie. L’on retiendra le splendide dialogue entre Anne Consigny et Lambert Wilson qui expriment la douleur qu’ils ressentent à l’idée de ne pouvoir effacer leur passé de manière à faire de leur rencontre la genèse d’une nouvelle vie. Pour eux, la sentence est irrévocable : tous ces mots prononcés sont encore sur nos lèvres, tous ces gestes nous collent encore à la peau, tous nos actes nous suivent et nous entourent.

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