Après 18 mois de conflit, le Mali entre dans une nouvelle phase de son histoire, celle de la reconstruction. A commencer par les élections présidentielles, figure de proue d’un pays en pleine transition. Bien que le climat se soit apaisé, les tensions restent vives entre les autorités d’une part, et les islamistes et sécessionnistes de l’autre. La transition sera longue et semée d’embûches, mais le pays se redresse, progressivement.
Stabilisation politique
Sept mois après l’intervention de l’armée française et de la CEDEAO, l’attention se porte cette fois sur l’élection présidentielle du 28 juillet.
27 candidats se sont présentés à l’élection présidentielle. Parmi ceux-ci, deux sortent vraiment du lot. Ibrahim Boubacar Keita est le favori de l’élection. Connu dans le pays par ses initiales IBK, il a détenu plusieurs portefeuilles au sein de précédents gouvernements et occupé le poste de Premier ministre de 1994 à 2000. Chef du Rassemblement pour le Mali (RPM), il a également été président de l’Assemblée nationale avant de se présenter deux fois à la présidentielle, sans succès, en 2002 et 2007.
L’autre ténor de l’élection est Soumaila Cissé. Ingénieur en informatique de formation, il a été secrétaire général de la présidence sous Alpha Oumar Konaré en 1992 puis ministre des Finances. Représentant l’Adema (Alliance pour la démocratie au Mali), le parti de Konaré, à la présidentielle de 2002, il échoue face à Amadou Toumani Touré et créé son propre parti, l’URD (Union pour la République et la Démocratie), avant de partir présider la commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine de 2004 à 2011 au Burkina Faso voisin. Bien qu’ayant gagné sa réputation d’économiste, il n’a pas été épargné par des accusations de mauvaise gestion, ayant été accusé de corruption par la junte militaire qui s’est emparée du pouvoir en mars 2012.
Largement favori, IBK devrait confirmer sa popularité avec ce premier tour. Et à moins d’une élection à la majorité absolue, ce qui serait très étonnant, le second tour aura lieu le 11 août. En attendant, les résultats provisoires de ce premier tour sont attendus mardi.
Les populations locales, ayant connu de profonds tumultes, semblent eux aussi se tourner vers l’avenir. A Gao, ville qui a subi l’occupation du MNLA puis du MUJAO, l’économie repart. Les magasins rouvrent, les gens semblent retrouver le sourire. La mobilisation électorale y est même plus forte que dans la capitale (80% des électeurs ont retirés leur carte biométrique).
Mais pour le maire de la ville, monsieur Diallo, « Ça va trop vite. Tout ça pour toucher les subventions et les dons de la communauté internationale ». Plus de 3 milliards d’euros de promesse de dons ont été faits par la communauté internationale au Mali. Mais le gouvernement de transition ne peut y accéder.
Des élections précipitées
Bien que le rétablissement d’une stabilité politique avec l’organisation d’une élection libre fût une urgence, la rapidité du processus fait débat.
« Il est vrai qu’un certain nombre d’acteurs maliens voulaient eux aussi des élections le plus vite possible, pour mettre fin à la transition et ne pas voir les autorités transitoires s’installer au pouvoir », indique l’organisation internationale Crisis Group. « Mais un report de quelques semaines aurait permis d’améliorer les choses sur le plan technique », souligne-t-il.
Les problèmes logistiques sont en effet nombreux. A la veille du scrutin, les interrogations techniques n’étaient toujours pas entièrement levées. La guerre a entrainé plus de 500 000 réfugiés. Près de 70 % des cartes d’électeur ont été distribuées, mais sans que les conditions de participation des déplacés et des réfugiés soient éclaircies, résolues. De nombreux ressortissant malien de l’étranger ont aussi eu du mal à aller voter, d’autres n’ont tout simplement pas pu, en France notamment, en raison de la précipitation de ce scrutin.
Dans la région de Kidal, fief des Touaregs, les préoccupations sont plus grandes encore. Les autorités craignent des risques d’attentats, le MUJAO ayant déclaré une prochaine attaque en raison des élections, et s’interrogent sur la participation des Touaregs au scrutin. De récentes violences ont fait 4 morts, de nombreux blessé et des dégâts matériaux dans la région, ce n’est pas pour apaiser les tensions.
Réhabiliter le nord du pays
L’intervention militaire internationale initiée par la France en janvier pour stopper une avancée vers le Sud de groupes djihadistes qui occupaient depuis neuf mois le nord du Mali pour ensuite les chasser de cette région, a en grande partie été atteint. Mais ce pays n’est pas encore « complètement stabilisé » a reconnu dimanche le général Grégoire de Saint-Quentin, qui a commandé l’opération française Serval au Mali.
Face aux risques d’attentats, la France a gardé sur le sol malien 3 200 hommes de l’opération Serval, présents à Gao, Kidal, Tessalit et Bamako principalement. Mais le jour du vote, les soldats français ne seront pas en première ligne.
Au-delà du scrutin, la présence internationale sera indispensable ces prochaines années. Avec 12 600 casques bleus, la mission onusienne au Mali est la deuxième plus importante sur le continent, après celle en République démocratique du Congo (18 000 casques bleus).
Côté économique, le Mali s’est vu promettre une aide économique de plus de 3 milliards d’euros en mai dernier. Une aide à déduire compte tenu qu’une partie de celle-ci correspond à ce qui a été suspendu depuis le coup d’Etat militaire de mars 2012.
En définitive, la région de Kidal reste la zone la plus sous tension, compte tenu de tous les risques liés à l’élection, et c’est bien la preuve que le nord du pays n’est pas encore tiré d’affaires. La transition sera âpre, c’est la raison pour laquelle les forces armées doivent rester présente encore quelques temps, de sorte à donner un souffle aux autorités et aux populations, pris par la politique électorale. Ainsi, il faut pouvoir espérer que le Mali retrouvera une certaine stabilité, mais ce n’est bien sûr pas pour tout de suite.