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L’enfant du peuple tire sa révérence

Quatre jours après la mort de Pierre Mauroy, la classe politique s’est réunie hier matin aux Invalides pour rendre hommage à cet ancien premier ministre et maire de Lille. Retour sur la vie de ce « mammouth » du PS, grande figure de la gauche socialiste.

Le cortège déboule dans la cour des Invalides. La cérémonie se déroule très solennellement, on procède aux honneurs militaires avant que le président de la République fasse son éloge funèbre devant le cercueil du défunt. Tous sont présents, du Parti Socialiste – que Pierre Mauroy a dirigé en sa qualité de premier secrétaire, au gouvernement Ayrault, en passant par les ténors de la droite et du centre, tels  Jean-François Copé, François Bayrou et Jean-Louis Borloo.

Présidant la cérémonie, François Hollande salue la mémoire de Pierre Mauroy, éteint le 7 juin dernier des suites d’un cancer du poumon. Il a rendu hommage à cet « enfant du peuple » qui est « entré dans l’Histoire pour avoir été l’artisan de grandes conquêtes sociales et de libertés nouvelles». Et le président d’ajouter : «  Je vais citer les ultimes lignes de son dernier roman : « Les hommes passent avec le reste mais les justes causes, elles, ne meurent jamais. » »

Car Pierre Mauroy est bien plus qu’une figure du parti socialiste, c’est un monument. Si le mont Rushmore avait trouvé sa miniature rue Solférino, il est sans conteste que le premier Premier Ministre de François Mitterrand aurait trouvé sa place parmi les quatre sculptures.

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Bâtisseur inlassable

Comme Jean-Marc Ayrault, Pierre Mauroy n’a pas ciré les bancs de l’ENA. Professeur d’Histoire-Géographie, il entrera au Parti Socialiste « comme on entre en religion ». Issu d’une famille populaire,  aîné de sept enfants, il accèdera cependant au bastion du Nord qu’est Lille dès 1973, un poste qu’il occupera durant 28 ans. Fervent soutien de François Mitterrand, il devient le premier Premier Ministre socialiste de la Ve République, à la victoire du PS, en 1981.

Et c’est là que tout explose. Celui que Michel Rocard surnommait le « boy scout » va multiplier les réformes sociétales et considérablement améliorer le droit du travail. C’est lui qui abolit la peine de mort, c’est lui le remboursement de l’IVG, c’est lui la cinquième semaine de congés payés, c’est lui la semaine de travail à 39 heures. Avec les quelques ministres communistes, « l’enfant du peuple » s’ouvre aux classes populaires.

Loin de s’en arrêter là, Pierre Mauroy passe la retraite de 65 à 60 ans. Mesure qu’il défendra plus tard comme la « loi la plus importante de la Ve République ». En 1982, il nationalise deux compagnies financières, cinq groupes industriels et trente-neuf banques. La même année, il promulgue un ensemble de lois favorisant les rapports économiques et sociaux en entreprises. Les conditions de travail sont améliorées, le salarié est reconsidéré, protégé par un arsenal de mesures juridiques. Désormais, des négociations sur l’organisation du travail et sur les salaires sont possibles chaque année. Au total, l’ex-locataire de Matignon aura appliqué 96 des 110 promesses de campagne de François Mitterrand, rien que ça.

Le tournant de la rigueur

Mais la situation économique du pays rattrape le chef du gouvernement. Les Trente Glorieuses n’ont pas voulues souffler leurs quarante bougies. Avec la crise monétaire, l’inflation et le chômage – ces frères siamois, montent sans cesse, Pierre Mauroy convainc François Mitterrand de prendre le tournant de la rigueur. Puisque la politique économique socialiste est basée sur la croissance, le virage vers l’austérité financière va beaucoup décevoir. Mais c’est en 1984 que le Premier Ministre signe son arrêt de mort. Avec le projet de loi Savary, il tente de rapprocher les écoles privées et publiques. S’ensuit alors un large mouvement de contestation au sein de l’appareil politique ; Pierre Mauroy est contraint de donner sa démissionner.

Quatre ans plus tard, il brigue le poste de Premier Secrétaire du Parti Socialiste, anéantissant l’avenir présidentiel de Laurent Fabius, son successeur au poste de Premier Ministre et candidat à la direction  du PS. En 1992, il passera la main avant de diriger l’Internationale Socialiste.

PHO59cbae8c-cf5f-11e2-9da0-78744fbfc724-805x453 (1)Quant à son bastion, Lille, il a soigneusement préparé sa succession en la personne de Martine Aubry. Et il ne compte pas en rester là. «Après l’alternance, nous devons être ceux qui les premiers permettront à une femme de devenir présidente de la République.»  Mais son dauphin, la nouvelle Maire de Lille et Première Secrétaire du PS, perd les primaires de 2007 et 2012. Elle avait pourtant suivi à la lettre le parcours de son mentor.

Pierre Mauroy était respecté de toute la classe politique, aussi bien par ses alliés que par ses adversaires. Jean-François Copé parle de lui comme un « homme de conviction, un socialiste sincère, qui a su gagner l’estime de chacun au-delà même de son camp ».  Robert Badinter, ancien Président du  Conseil Constitutionnel, le décrit comme un homme « fidèle à ses idées et ses convictions » « Il était un homme fidèle et sincère […] c’est un mot très rare en politique. »

Des traits de caractère qui nous font rappeler notre actuel premier ministre. Comme lui, il était professeur, comme lui, il a assuré la gestion d’une grande municipalité, comme lui, il n’avait aucune expérience gouvernementale, comme lui il était très proche du président de la République et lui témoignait souvent de sa fidélité.

Mais en 2008, l’honnêteté de Mauroy prend un sacré coup. Mis en examen pour « détournement de fonds publics », il sera finalement condamné pour « abus de confiance » en 2011. Il ne se relèvera jamais de cet affront. Durablement affaibli, il ne se représentera pas en tant que sénateur la même année. Il perdra la vie deux ans après, à l’âge de 84 ans, suite à une mauvaise opération d’une tumeur cancéreuse au poumon.

Après lui avoir rendu hommage aux Invalides, la dépouille de ce ténor du Parti Socialiste rejoindra le beffroi de Lille pour y être inhumé. La classe politique gardera de lui son sens de l’honneur et son réformisme courageux. « Les hommes passent avec le reste. »  Pierre Mauroy a passé sa vie à se battre pour les valeurs qui lui semblaient légitimes. S’il a rejoint ses ancêtres, « les justes causes, elles, ne meurent pas. »

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