Lundi 9 décembre se tenait dans l’auditorium du journal Le Monde, les débats 2013 du développement durable avec cette question centrale « Où est passée l’écologie ? ». Une occasion de faire l’état des lieux de nos conduites environnementales mais aussi de s’interroger quant à l’avenir de l’écologie notamment par le biais de l’alimentation.
La journée dédiée aux problématiques écologiques présentes et à venir accueillait deux débats. Le premier de 9h à 13h avait pour sujet « L’alimentation du XXIème siècle sera-t-elle verte ? », le second de 14h à 17h30 « La transition écologique peut-elle être démocratique ? ». Il convient de rappeler que cette journée de débat avait été critiquée par de nombreux médias dont Le Canard Enchainé, car sponsorisée par Mc Donald’s. Il est vrai que ce genre d’évènement permet à certaines entreprises de faire du « greenwashing » comme Mc Donald’s et Bayer pour l’occasion. Pourtant la multiplicité des intervenants dont certains grands spécialistes permet à cette journée de conserver une certaine intégrité intellectuelle, de ne pas se transformer en simple opération de com’ pour le géant de la malbouffe et son confrère pharmaceutique Bayer. J’ai suivi le premier débat pour RadioVL, alors qu’y aura-t-il dans notre assiette demain ? Du bio ? Des insectes ? Ou au contraire de plus en plus de malbouffe ?
Agriculture et développement durable : l’état des lieux
L’ouverture du débat a été assurée par le ministre de l’agriculture, Stéphane le Foll en personne. Le ministre a rappelé à cette occasion qu’une agriculture plus respectueuse de l’environnement ne peut se développer qu’en prenant en considération les spécificités locales et climatiques. Le défi des siècles à venir pour aller vers une agriculture plus verte sera donc que l’Inde n’ait pas le même mode de production agricole que la France par exemple.
Mais pour aller vers une alimentation plus verte dès aujourd’hui, Stéphane le Foll a insisté sur le besoin de diminuer le gaspillage alimentaire alors que les pays développés jettent 25 à 30% de leur production agricole. Afin de défendre la politique environnementale du gouvernement, critiquée par les écologistes notamment pour son immobilité, le ministre a déclaré « Il faut comprendre l’inertie de la démocratie dans les débats, ce qui explique des avancées plus lentes surtout sur les questions énergétiques où rien n’est simple ». Il s’est également prononcé en faveur de la constitution d’un projet continu, au sujet du biogaz par exemple, sur lequel le ministre a reconnu le retard de la France. Il faut donc laisser « du temps au temps » pour reprendre la rhétorique du Président de la République même dans le domaine écologique.
Quels défis pour l’agriculture de demain ?
Le premier groupe d’intervenants, constitué de Catherine Esnouf, ingénieure auprès de l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA), Marion Guillou, présidente d’Agreenium, Marc Dufumier, enseignant chercheur à AgroParisTech et Christiane Lambert, vice-présidente de la Fédération Nationale de Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) s’est attaché à expliciter les défis agricoles de demain.
Ces défis de taille sont au nombre de trois. Tout d’abord, il y a la nécessité d’ici 2050 de répondre à la demande alimentaire de 8 à 10 milliards d’êtres humains selon les estimations. Directement liée à cette problématique, la question de la production se pose immédiatement. Comment produire suffisamment tout en respectant l’environnement ? Si certaines initiatives sont d’ores et déjà développées aujourd’hui, trouver une réponse à cette problématique reste au centre des préoccupations des experts agronomes. Le dernier des défis agricoles et alimentaires réside dans le lien entre santé et alimentation, comment nourrir tout le monde de la meilleure façon ?
Trois perspectives différentes pour envisager l’agriculture de demain
S’il existe trois grands défis à relever en termes d’agriculture, il existe à l’heure actuelle trois façons d’envisager l’avenir de la production agricole. La première d’entre-elle renvoie à l’agriculture « intensive » qui opte pour une productivité accrue afin de répondre aux besoins de demain. Ce type d’agriculture semble notamment défendu par Christiane Lambert de la FNSEA qui rappelle que ce type de production s’appuie sur des progrès techniques permettant de diminuer l’impact environnemental. Pour elle, l’agriculture « intensive » est également capable d’apprendre de ses erreurs passées et de modifier certaines pratiques afin de fournir au plus grand nombre une alimentation bon marché de qualité sans impacter trop fortement sur l’environnement.
La seconde voie agricole envisagée est celle du « durable/biologique » défendue notamment par Catherine Esnouf de l’INRA et Marc Dufumier d’AgroParisTech. Pour Catherine Esnouf, il est impossible de continuer à produire dans une optique productiviste face à la limitation des ressources. Pour elle, il convient tout d’abord de diviser par deux l’offre de produits dans les pays développés afin de limiter le gaspillage. Au cours d’une réflexion originale, madame Esnouf indique qu’il faut aussi éviter les écueils biologiques : « Certains régimes basés sur les végétaux ont un impact important sur les gaz à effet de serre tandis que des alimentations basées sur des protéines animales néfastes pour la santé ont un impact réduit sur l’effet de serre. ». Loin d’être une invitation à concentrer son alimentation sur la viande afin de préserver l’environnement au détriment de sa santé, l’agriculture durable et biologique ne peut se réaliser qu’à travers une prise de conscience citoyenne et une modification des habitudes de consommation.
La « Troisième voie » correspond-elle à l’agriculture « raisonnée » plébiscité par Marion Guillou d’Agreenium et Hubert Garaud président de Terrena, coopérative engagée dans les pratiques « agroécologiques ». Ces deux intervenants vantent les mérites d’une agriculture qui concilie des pratiques respectueuses de l’environnement) et les préoccupations économiques. De la fertilisation des sols aux vaccinations animales cette « troisième voie » appelle à pratiquer au plus juste avec par exemple l’utilisation de satellites et de techniques de pointes pour comprendre les besoins du sol et des plantations.
En conclusion de ce débat, pas de révélation choc sur le contenu de notre assiette en 2050. Catherine Esnouf déclarant même « Je ne pense pas que l’avenir réside dans les insectes, sauf pour ceux qui désirent absolument prendre l’apéritif en mangeant des grillons. ». Tout ce dont nous pouvons être sûr c’est que la production alimentaire est un véritable défi humain dans les années à venir. Si le nombre de réponses envisagées afin de nourrir le plus grand nombre, au mieux et sans détruire la planète est multiple c’est certainement car à cette problématique alimentaire s’ajoute celle de son économie et de la grande diversité des acteurs prenant part à la production agricole mondiale. Difficile en effet de contenter tout le monde en faisant passer la planète en priorité…