Pour ce nouvel épisode de Seriefonia, place à l’événement ciné de la rentrée à savoir Dune de Denis Villeneuve. Et cette aventure musicale en a sous le pied !
[Extrait Sonore « Dune, 2021 »]
[« SérieFonia : Season IV : Opening Credits » – Jerôme Marie]
[« Dune, 1984 – Main Title » – Toto]
C’était sans aucun doute le grand évènement de la rentrée chez nous… Et, à compter de la semaine prochaine, les Américains pourront eux aussi enfin découvrir la nouvelle adaptation de Dune selon Denis Villeneuve sur grand écran. Et sur le petit aussi… Le film étant parallèlement propulsé chez eux sur HBO Max. Un beau gâchis… Mais bon, que voulez-vous ? Les temps changent… Faut bien s’y faire. Fidèle de La loi des Séries et de SérieFonia que vous êtes, vous vous souvenez très certainement que, la saison dernière, je vous avais déjà invités à effectuer un premier voyage musical vers Arrakis… Que je vous invite d’ailleurs à réécouter en complément de cette seconde partie… Depuis, film et musique ont donc enfin été dévoilés et il m’apparaissait intéressant de vous proposer un petit jeu des comparaisons entre les différentes versions s’étant succéder depuis pas moins de 37 ans. Et on commence tout de suite par l’évolution des Main Titles. Vous venez d’entendre l’emblématique ouverture du groupe Toto pour le générique du film de David Lynch en 1984… Voici à présent ce que donnait celle de Graeme Revell pour la mini-série de John Harrison en 2000…
[« Dune, 2000 – Main Theme » – Graeme Revell]
Ample, épique et un chouïa rock chez Toto, le thème se révèle un peu plus tribal, plus acoustique, chez Graeme Revell… bien que celui-ci adopte également cette même approche à la fois majestueuse et homérique : parfait miroir du récit initiatique préalablement imaginé par Frank Herbert… Deux fort belles signatures, qui permettent de prendre le temps de pénétrer adroitement dans l’histoire, tout en offrant aux spectateurs/auditeurs une parfaite « mise en condition », là encore comme on n’en fait plus aujourd’hui. La preuve, avec l’introduction d’Hans Zimmer. Attention, ça va aller très vite…
[« Dune, 2021 – Dream of Arrakis » – Hans Zimmer]
Non, ne me faites surtout pas dire ce que je n’ai pas dit ! Après tout, ce n’est absolument pas la faute d’Hans Zimmer si, dorénavant, quasiment aucun film ne propose encore un générique en bonne et due forme… Un simple carton de 5 secondes suffit. Avec, dans le cas présent, la petite subtilité de Villeneuve affichant clairement un prophétique « Partie 1 » en guise de sous-titre. Alors oui, clairement, cela reste un profond appauvrissement de la musique de film… dans le sens où les compositeurs ont de moins en moins d’espaces et, donc, de véritables opportunités de créer et d’imposer un thème-signature au film qu’ils s’apprêtent à accompagner. D’ailleurs, si vous me connaissez un peu, vous savez que je n’ai pas toujours été particulièrement tendre avec le Zimmer « post Gladiator »… Et bien, ça va surement vous surprendre, mais là… sur Dune… Il a su m’embarquer. Du coup, j’embraye directement avec une séquence culte et inévitablement commune aux trois adaptations : celle du Gom Jabbar. Dont la version de 2021 s’avère absolument parfaite…
[« Dune, 2021 – Gom Jabbar » – Hans Zimmer]
Le Gom Jabbar est l’épreuve que fait subir à Paul la Révérende Mère Bene Gesserit en début de roman afin de voir s’il a hérité des pouvoirs de sa mère et peut, ou non, devenir l’élu… le Kwisatz Haderach. Menacé d’une éguille empoisonnée, Paul doit placer sa main dans une mystérieuse boite noire et ne l’en retirer sous aucun prétexte… peu importe la douleur qu’il peut ressentir. Chez Zimmer, la douleur est double, puisque Villeneuve prend soin de s’attarder également sur celle de la mère de Paul, Lady Jessica, ici si formidablement incarnée par Rebecca Ferguson. L’instant est émotionnellement extrêmement fort et puissant… et la façon dont Thimothé Chalamet, dans le rôle de Paul, évolue de la douleur à la rage laisse sans voix. Un comble lorsque l’on parle des Bene Gesserit… Ecoutez à présent ce qu’a composé Graeme Revell il y a 20 ans pour la mini-série…
[« Dune, 2000 – Pain Box » – Graeme Revell]
On est encore plus dans la notion de sound-design que chez Hans Zimmer. C’est dire ! Néanmoins, les sons stridents et le travail des voix vont totalement dans le sens de l’expérience vécue par Paul. D’autant que, dans la mini-série, on reste exclusivement concentré sur lui. Tout comme dans le film de Lynch… pour lequel Toto joue plus la carte du mystique, du suspense même plutôt que de la souffrance, et reprenant même un peu du Main Title au passage…
[« Dune, 1984 – The Box » – Toto]
Autre image culte : la première attaque d’un ver des sables sur Arrakis. Toujours pour le film de 1984, Toto continue de réemployer le thème-générique, accompagné d’une patine toute Wagnérienne, pour mieux symboliser le gigantisme de l’animal…
[« Dune, 1984 – Sandworm Attack » – Toto]
En 2000, Graeme Revell, quant à lui, se situe plus du côté des humains et préfère accentuer l’impression de danger auquel sont alors explosés les personnages. Alors, Ok les p’tits jeunes, moquez-vous tant que vous voulez des effets spéciaux soi-disant tout moches de l’époque… N’empêche que, sur le coup, c’était juste du jamais vu en matière de télévision…
[« Dune, 2000 – Escape the Worm » – Graeme Revell]
Pour mieux répondre aux images de Denis Villeneuve, Hans Zimmer oscille des deux côtés de la barrière. Il faut dire que Paul expérimente des visions au cœur même de l’attaque. Bien qu’agressive, l’approche du musicien se veut étonnamment mélodique… Thématique, même… Clouant un peu plus les spectateurs sur leur sièges et provoquant, au passage, autant d’emphase que de démesure…
[« Dune, 2021 – Ripples in the Sand » – Hans Zimmer]
Tout aussi incontournable : la mort du Duke Leto Atréides face au Baron Harkonnen… Graphiquement, les trois adaptations offrent des propositions radicalement différentes. Ne serait-ce qu’à travers les traitement successifs réservés au Baron… Un peu outrancier chez Lynch, assez fidèle au livre chez Harrison et… pour le moins singulier chez Villeneuve… même si, même si, bien policé quand même… Et, sans surprise, en 1984, Toto optait pour quelque chose de frontalement dramatique.
[« Dune, 1984 – The Duke’s Death » – Toto]
Tout comme Graeme Revell, toujours pour la mini-série, qui frôlait pour sa part les limites du bon vieux slasher… façon Freddy vs Jason avant l’heure…
[« Dune, 2000 – Duke’s Death » – Graeme Revell]
Sur le nouveau film, Zimmer continue de mettre le potard à fond… et, à grand renfort de nappes, de voix et d’un peu de saturation électronique, cherche à atteindre une dimension presque sacrée. Ou ne serait-ce que religieuse en tout cas. On parle tout de même de la mort du père du héros après tout…
[« Dune, 2021 – Blood for Blood » – Hans Zimmer]
Impossible de consacrer ces quelques minutes à l’univers de Dune sans évoquer les visions de Paul… Qu’elles se focalisent plus spécifiquement sur sa future rencontre avec Chani, comme chez Hans Zimmer et Denis Villeneuve…
[« Dune, 2021 – Visions of Chani » – Hans Zimmer]
Ou qu’elles s’attardent plutôt sur leur valeur prophétique comme dans le film de Lynch. D’ailleurs, pour l’occasion, il est important d’insister sur le fait que le « Prophecy Theme », peut-être le plus apprécié de tous les thèmes présents dans le film de 1984, n’est pas composé par le groupe Toto, mais par Brian Eno ! Bon, ceci dit, ça sent quand même un peu le recyclage d’un ancien morceau, non utilisé, originellement écrit pour un documentaire sur la conquête spatiale. Mais bon, on s’en fout, parce que si c’est de l’ésotérisme qu’on veut… et bah, c’est bien là qu’on en trouve.
[« Dune, 1984 – Prophecy Theme » – Brian Eno]
D’ailleurs, si on prête bien l’oreille, on se rend compte que (tout comme Zimmer) Graeme Revell réemprunte un peu des sonorités de Brian Eno, juste en background de son thème principal, qu’il veut soudain hésitant, presque indécis ; à l’image du futur possible mais encore incertain qu’expérimente Paul. A la fois ethnique et romantique, son « Mystical Theme » résumerait presque tut l’esprit de Dune à lui seul : à la fois beau, tangible et grave. Une nouvelle preuve qu’il avait parfaitement compris et assimilé les mots d’Herbert… Pour mieux en trouver la musicalité…
[« Dune, 2000 – Mystical Theme » – Graeme Revell]
C’est toujours un exercice amusant de comparer le styles et visions d’artistes venus d’univers si différents lorsqu’ils sont soudain confrontés au même sujet. Et, plus particulièrement dans le cas de Dune, je ne dirais pas que l’un prévaut sur l’autre. Qu’il s’agisse de Toto, de Graeme Revell, d’Hans Zimmer et, dans une moindre mesure, de Brian Eno : tous ont apporté quelque chose de suffisamment différent pour se démarquer, sans jamais tomber dans le hors sujet, tout en imposant de réelles signatures impliquées… parfaitement réfléchies, produites et travaillées. Même moi, qui a tant de mal avec le recours appuyé au sound-design au détriment du mélodisme, je ne suis pas resté insensible à la proposition de Zimmer… Le dormeur m’a réveillé. Au point que c’est avec lui que je vais vous quitter. Non pas sur le morceau le plus percutant de la partition (si on peut toujours appeler ça comme ça…), mais tout simplement sur celui qui accompagne ma scène préférée du film entier. Elle intervient juste après celle du Gom Jabbar et soutient la discussion qui en découle entre Paul et sa mère, Jessica. Entre jeux d’ombres, de silhouettes et de brouillard, en parfaits champs/contre-champs tantôt nets tantôt voilés, Denis Villeneuve capte à la perfection les sentiments intérieurs de ses personnages pour mieux les exprimer à l’extérieur… L’essence même du grand, de vrai et du beau cinéma… Allez, à la semaine prochaine… Et, d’ici là, affrontez votre peur, permettez-lui de passer sur vous, au travers de vous… Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que vous…
[« Dune, 2021 – The One » – Hans Zimmer]
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