Il y a cent ans fut commis le premier génocide du XXème siècle. 1915-2015, un centenaire commémoré le 24 avril par l’Arménie, la France et bien d’autres Nations mais dont le caractère génocidaire n’est reconnu que par vingt-quatre pays dont Israël ne fait pas partie.
« Il est grand temps pour les autorités d’Israël de reconnaître dont ont été victimes les Arméniens de l’Empire Ottoman ». C’est ce qu’ont déclaré Serge Klarsfeld, le président de Fils et filles des déportés juifs de France, et son fils Arno, ancien avocat des membres de cette association, dans l’édition des dimanche 19 et lundi 20 avril 2015 du journal Le Monde.
Alors qu’Israël a commémoré, le 15 avril, Yom Hashoah, pour les victimes de l’Holocauste, Yom Hazikharon, le 22 avril, pour les victimes des guerres israéliennes, et surtout Yom Haatsmaout, le 23 avril, le jour de l’indépendance d’Israël, il paraît impensable que l’Etat hébreu ne reconnaisse pas le massacre d’1,5 millions d’Arméniens par son voisin truc.
Une reconnaissance unanime comme finalité absolue.
La raison de ce silence est compréhensible, certes, mais il est aujourd’hui impensable que Reuven Rivlin, Benyamin Netanyahu et la Knesset se refusent à qualifier de génocide les évènements qui se sont produits d’avril 1915 à juillet 1916. Dans moins de vingt-cinq ans sera célébré, dans le monde entier, le centenaire du génocide des juifs. Et tout juif rêve qu’il le soit aussi dans le monde musulman. Dès lors, il doit en être ainsi pour celui des Arméniens et ne pas vouloir indisposer la puissance turque ne peut être une raison valable pour le refuser.
Dans l’article du Monde, les Klarsfeld posent une question fondamentale qui doit faire réfléchir M. Netanyahu et consort. « Comment cultiver cette espérance d’unanimité si l’Etat des juifs se refuse encore à cette reconnaissance formelle ? ». Ce génocide chez les Ottomans a été reconnu par des pays tels que l’Uruguay, les Etats-Unis, la Russie, le Liban, l’Argentine, le Canada, l’Italie, la Pologne, la Suède et depuis une semaine par le Pape François. Alors que le président de la République française, François Hollande s’est engagé à ce qu’une loi sanctionne la négation du génocide arménien (à la manière de la loi Gayssot qui sanctionne celle du génocide des juifs d’Europe) et que le Pape François a déploré l’absence d’unanimité au sein de la communauté internationale, Israël tient entre ses mains la clé de cette unanimité.
Israël doit pousser la Turquie comme l’a fait la communauté internationale avec l’Allemagne libérée du nazisme.
Serge Klarsfeld impose l’idée de suivre « l’exemple allemand« . La reconnaissance, par l’Allemagne Fédérale dès sa création et par la RDA peut avant la chute du mur de Berlin, du génocide des juifs par l’Allemagne d’Hitler ne constituait pas une condamnation pour les crimes commis. Bien au contraire, une telle décision a permis aux allemands de se libérer « d’une partie de son fardeau moral« . Et c’est dans cette optique qu’il faut inciter la Turquie de Recep Erdogan à reconnaitre le caractère génocidaire. Le but n’est pas de punir le peuple turc pour les massacres ordonnés par le parti des Jeunes Turcs en 1915. L’objectif est tout autre. Il est d’affirmer que de tels actes ne resteront plus jamais impunis.
Or, l’Etat hébreu sait que si les nazis ont pu appliquer leur idéologie du Judenfrei (« free of jews »), c’est parce que le massacre des Arméniens n’avait pas été dénoncé et condamné d’après Klarsfeld père et fils. Ainsi, les autorités représentatives du peuple d’Israël ont le devoir de reconnaître, à l’instar du Grand Rabbinat d’Israël et d’une partie des citoyens, le génocide arménien afin que les dirigeants et une partie du peuple turc ne puissent plus nier cette vérité historique et y opposer la prétendue trahison des arméniens lors de la première guerre mondiale, et avancer leur irresponsabilité dans ces massacres.
En changeant de politique et en reconnaissant ce génocide, Israël en sortirait honorée et jouerait pleinement son rôle de grande puissance du Moyen-Orient capable de faire évoluer les pensées et avancer la paix.