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« Loin des hommes » : imagerie de western et guerre d’Algérie

1954 : Daru (impeccable Viggo Mortensen),  enseigne la géographie et l’histoire de la France aux petits Algériens. dans une école perdue au milieu des montagnes et du désert. Alors que les prémisses de la guerre d’indépendance se dessinent déjà, l’instituteur, reclus volontaire, est forcé de se plonger dans la violence du conflit. On lui confie un assassin condamné à mort (Reda Kateb, impérial) qu’il doit mener jusqu’à Tinguit. Le début d’une relation aussi profonde que pudique. Critique.

Avec son deuxième film (après Nos retrouvailles, 2007), David Oelhoffen éblouit le spectateur par l’esthétique de sa photographie. Au coeur d’un Atlas Algérien magistral, les jeux de lumière nourrissent une caméra qui n’a pas son pareil pour exacerber la somptuosité silencieuse de la nature désertique. Et si le minimalisme contemplatif et le silence se font parfois déchirer par l’éclatement des coups de feu, faisant basculer le film en direction d’une comparaison avec les plus classiques des westerns, ce n’est pas l’intérêt premier du film. Certes, les armes s’échangent de mains en mains, les valeurs se défendent dans l’immensité et la brutalité d’un territoire dangereux. Mais Loin des hommes impose un au-delà de réflexion et de mise en scène.

Viggo Reda

Sublime duo d’acteurs

C’est la relation entre Daru et Mohammed qui envoûte en premier lieu cette adaptation de la nouvelle L’Hôte, fidèle non à la lettre mais à l’esprit Albert Camus. Viggo Mortensen, plaisamment étonnant de facilité dans un rôle de langue française, délivre un jeu tout en sobriété et intensité. Visage émacié et attitude pleine d’ambiguïtés, il ne peut préserver sa situation d’ente-deux pacifiste et doit participer, même dans une position parallèle, au conflit qui émerge.

Reda Kateb confirme quant à lui qu’il est l’un des acteurs français les plus intéressants du moment. Dans un rôle qui peut paraître ingrat au départ, son personnage-prétexte (dans la genèse du récit, il n’est que l’élément déclencheur du départ de Daru), se mue peu à peu en compagnon véritable et tourmenté. Embourbé dans une guerre de clans familiaux qui l’oblige à se rendre aux autorités françaises pour éviter la vengeance sur sa famille, son corps vouté et son regard inexpressif sont ceux d’un condamné martyr.

Réflexions sur l’engagement et la guerre

C’est sur un fond de guerre d’indépendance algérienne que se déroule le récit d’Oelhoffen. Les rumeurs peinent à parvenir aux oreilles de l’instituteur ascète reclus volontaire des montagnes isolées du désert. Une banale affaire de querelles l’oblige à plonger dans la violence et l’horreur qui l’entourent malgré lui. L’oblige aussi à choisir un camp.

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Et c’est ici que Loin des hommes prend une dimension universelle. Car davantage qu’un film sur la guerre d’Algérie, le film dissèque les caractères et les comportements individuels. Au fil du récit, Daru prend conscience d’un échec inévitable. Le sien, qui ne peut rester dans sa petite situation confortable de pacifiste. Celui de la France, qui subit une insurrection inévitable. Comme le dit un ancien compagnon d’armes de l’instituteur pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale et désormais du côté des rebelles, l’heure est venue où apprendre à lire aux enfants ne suffit plus. Discrète mais dévoreuse mélancolie.

 

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