Elle est identifiée pour la première fois aux Etats-Unis dans les années 1970. La maladie de Lyme se transmet par piqûre de tique ou transfusion sanguine. En France, la méconnaissance de la population et des pouvoirs publics autour de cette co-infection est encore grande. Stéphanie Clerc et son amie Françoise Descroix, toutes deux « lymées », témoignent de leur quotidien.
La pièce est chaleureuse, l’éclairage apaisant. Les murs, isolés, protègent les personnes électro-sensibles des ondes. Je rencontre Stéphanie Clerc dans son cabinet de sophrologie du 3è arrondissement de Lyon. Son amie Françoise Descroix nous rejoint peu de temps après pour me raconter leur quotidien, rythmé par Lyme.
Elles commencent par m’expliquer comment elles pensent être tombées malades. L’origine de la maladie se retrouve chez la tique. A la suite d’un accident en 1983, Stéphanie Clerc a subit une transfusion sanguine complète. Les symptômes commencent à être intenses quelques années plus tard. Elle passe le test « Elisa », mais il se révèle négatif. Elle devra attendre 2014 qu’un ostéopathe lui conseille de passer le test allemand de dépistage de la maladie de Lyme, jugé plus efficace que le test français.
L’ « imitatrice » est l’autre nom donné à la maladie de Lyme, car elle a des symptômes et des effets similaires à d’autres pathologies comme la maladie de Crohn, la fibromyalgie, la sclérose en plaque voire même le VIH (elle affaiblit le système immunitaire). C’est pourquoi sa détection est si difficile. La méconnaissance autour de cette maladie est encore grande. En France, il n’est pas scientifiquement prouvé que la maladie de Lyme se transmette sexuellement ou de la mère à l’enfant lors d’une grossesse. Pourtant le mari de Stéphanie Clerc et son fils sont aussi « lymés » alors qu’ils ne sont a priori jamais fait piquer. Stéphanie Clerc dit également avoir rencontré d’autres personnes « lymées » dont les conjoints et les enfants ou les parents sont également atteints de la maladie de Lyme.
Stéphanie Clerc et Françoise Descroix évoquent des douleurs, une fatigue intense, des moments de dépression chroniques. Leur vie sociale en a été fortement affectée. D’après elles, il n’est pas possible d’imaginer ce que vit un « lymé ». Enzo, le fils de Stéphanie Clerc est au collège. Le matin, il doit partir avec trois caleçons pour être assuré de rester propre toute la journée sans subir les moqueries de ses camarades.
Stéphanie Clerc a dû changer de profession, ne supportant plus un rythme de travail soutenu. Elle s’est donc mise à son propre compte. Comme elle le dit, « c’est toute une organisation ». Lyme c’est « une autre manière de penser, de manger, d’être ». Elle préfère toutefois attribuer cette difficulté à une chance, une renaissance qui doit permettre de vivre plus sainement de corps et d’esprit. Elle voit la maladie de Lyme comme une désintoxication, à la fois physiologique et sociale. Il est « vital » selon elle d’exclure de son quotidien toute source d’énergie négative. Elle a décidé de mettre sa positivité au service d’autrui en prenant la tête de la section Rhône de France Lyme.
Chaque mois, l’association réunit de plus en plus de monde lors de « Kfé Lyme » à « La Gamelle » un bar du 3è arrondissement de Lyon que le patron met à contribution. Des personnes atteintes de Lyme, mais aussi des proches et des médecins peuvent venir écouter et partager leurs témoignages. Stéphanie Clerc met avant tout l’accent sur l’aspect positif de ses rencontres : « on perd pas d’énergie à être en colère ». Chacun peut expliquer ce qu’il ressent et vit, mais pour elle l’enjeu n’est pas de s’entraîner davantage vers le bas en s’apitoyant sur son sort.
La prévention est le premier enjeu de l’association. La méconnaissance de la population vis-à-vis de Lyme est la première cause de sa perpétuation. Lors de ces rencontres, Stéphanie Clerc et les personnes qui l’accompagnent sont aussi là pour orienter, donner les bonnes adresses à consulter, les types de médecines à marier ou à éviter. « On est là pour apaiser, pas pour alarmer. Trouver des solutions » rappelle Stéphanie Clerc devant toute la petite assemblée.
L’une des premières difficultés auxquelles doivent faire face les malades de Lyme dans la prise en charge de la maladie est l’accès aux soins. En France, la chronicité de Lyme n’est pas reconnue, et les médecins n’ont donc pas le droit de prescrire plus de quatre semaines d’affilée des antibiotiques. Or, Françoise Descroix et Stéphanie Clerc expliquent que parfois cela ne suffit pas. Des crises ou rechutes ont lieu plusieurs fois dans l’année et les cures d’antibiotiques doivent parfois durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Plusieurs médecins sont radiés, dénoncés par leurs pairs ou la Sécurité sociale à l’Ordre des médecins pour avoir prescrit plus de médicaments que de légal.
De nombreux malades avouent se sentir abandonnés et incompris de leur famille, mais aussi des spécialistes. En mars dernier, une mère dont la famille est touchée par Lyme, a témoigné son désarroi en envoyant un courrier à Madame Meynier-Millefert, la députée de la dixième circonscription de l’Isère. Ses deux fils sont atteints de la maladie de Lyme et l’un d’eux ne peut plus aller à l’école en raison de fatigue. Leurs vies familiale et professionnelle en sont largement impactées. Avec ce courrier, elle souhaite « sensibiliser à cette situation ». Elle déplore le manque de soins adaptés en France. Elle attend une « prise de conscience des pouvoirs publics » afin que les médecins de bonne volonté obtiennent le droit de soigner et que les personnes malades puissent être écoutées à qui de droit.
Sensibiliser la population et les pouvoirs publics est une autre des missions de l’association. En mars dernier, la tenue du troisième comité de pilotage du plan national de prévention et de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques au ministère des Solidarités et de la Santé. A terme, les médecins ne devraient plus être radiés. Une grande victoire selon Stéphanie Clerc.
Le 26 mai prochain aura lieu le « Lyme protest », un événement national. A cette occasion, la section Rhône organise place Carnot, mise à disposition par la Ville de Lyon, une chaîne humaine. Le basketteur international Hervé Touré se fera l’ambassadeur durant une journée de la mobilisation. De même, le 17 juin, la « course des héros » aura lieu au Parc de Gerland afin de récolter des dons.