Notre série de rencontres avec les dirigeants de grandes écoles se poursuit aujourd’hui avec l’ESA, Ecole Supérieure d’Agricultures, et son directeur Réné Siret.
C’est quoi l’ESA ? « Implantée historiquement dans l’Ouest de la France, l’ESA est étroitement liée au contexte agricole, alimentaire et environnemental de cette région. Impliqué dans les principaux réseaux de l’enseignement supérieur, l’établissement a développé une dimension nationale et internationale. Ses administrateurs, issus du monde de l’entreprise, travaillent à ouvrir l’école à tous les publics d’étudiants, aux professionnels et plus généralement à la société. L’ESA développe ainsi une recherche finalisée et forme des professionnels réactifs aux problématiques contemporaines. »
Pouvez-vous nous présenter les valeurs de votre école et qui nous permettent de comprendre qui vous êtes ?
On s’appuie sur une charte, la charte de l’ESA, qu’on a réadapté. Il y a des principes fondateurs et des axes principaux du positionnement en termes de valeurs. C’est une charte qui reprend l’Histoire de l’école, créée en 1898 et qui a connue beaucoup d’évolution depuis plus de 120 ans.
Au niveau de cette charte, on réaffirme nos origines, nos évolutions et nos éléments en lien avec le contexte actuel sur toutes les grandes lignes — planétaire, climatique, énergétique, environnementale,…
Cette charte a des principes fondateurs :
- regarder le monde avec confiance
- mobiliser notre désir de construire de manière plus juste et plus équitable
- respecter les convictions personnelles de chacun, s’ouvrir à tous, exiger de chacun le respect des convictions des autres
- être convaincu que toute personne est unique
- allier la formation, l’éducation, la transmission du savoir,…
On ajoute à ces principes fondateurs des fondamentaux en lien avec notre mission :
- former des hommes et des femmes créateurs responsables, former des hommes et des femmes compétents tournés vers l’action : c’est en lien avec la spécificité de notre établissement et les domaines de l’agriculture et de l’alimentaire.
On est une école d’ingénieur mais on est également une école qui a un pôle BTS, un pôle licence professionnelle, un pôle master et qui développe la formation initiale bien sûr mais pas seulement, avec notamment l’alternance (700 apprentis) ; il y a aussi une modalité historique à l’ESA qui est l’enseignement à distance. Quand on parle de se tourner vers l’action, ça reprend cette proximité avec l’ensemble des acteurs socio-économiques et des filières agricoles et agro-alimentaires. - Mettre aussi en œuvre une pédagogie différenciée qui privilégie l’expérience et ça c’est tout à fait d’actualité (même si c’est un document qui a été rédigé au début des années 2000 et réfléchit bien avant). Par exemple, aujourd’hui, on travaille sur de nouvelles modalités pédagogiques. Le contexte Covid a été un catalyseur mais quand on parle de pédagogie différenciée qui privilégie l’expérience, aujourd’hui on travaille sur des modalités de ce qu’on appelle « pédagogie active », « learning by doing » et donc cela est toujours d’actualité. On n’a pas eu beaucoup à faire quand on a fait un travail de relooking et de réadaptation.
- C’est aussi le fait de réaffirmer notre mission en lien avec notre mission d’intérêt général, le fait que l’on soit en contrat avec le Ministère de l’Agriculture, notre mission de se mettre au service des filières agricoles, agro-alimentaires et des territoires ruraux : ça c’est une spécificité de l’école. On le voit par l’offre de formation et des différentes modalités de formation.
- Le dernier pilier de cette charte c’est aussi avoir une ouverture au monde avec la dimension internationale, planétaire et s’engager face aux grands défis climatiques, énergétiques, environnementaux et alimentaires. Les problématiques d’il y a 20 ans ne sont pas les mêmes aujourd’hui, il y a une accélération aujourd’hui. On veut être acteur et avoir un positionnement clair sur ces problématiques. Nos axes thématiques fédèrent l’ensemble de nos actions de formation et de recherche : transition agro-écologique, transition numérique, création de valeurs… Ce sont des choses qu’on a réaffirmé il y a trois ans et c’est toujours d’actualité.
On a aussi une spécificité de, par nos formations et les formateurs qu’on a, c’est tout ce qui concerne le maréchage, l’horticulture, l’aménagement paysager… Donc on a aussi un positionnement sur l’agriculture urbaine et péri-urbaine. Dans la dimension socio-économique, on recherche à renouer le lien entre les agriculteurs, les agricultures et les villes. Le contexte d’aujourd’hui avec le confinement nous donne parfaitement raison.
Vous avez un avantage de part votre longue Histoire : votre école, des crises, elle en a connu et pas les plus petites dont des pandémies (comme la grippe espagnole de 1918). Du coup, ça l’a structuré et quand on arrive à cette situation extrême de l’année dernière, cette expérience et ancienneté vous ont aidé ?
Difficile de le dire pour moi. Ce que je peux confirmer, c’est qu’on a eu un collectif qui a été très agile. L’enseignement à distance c’est dans l’ADN de l’ESA depuis quasiment sa création. C’est une école qui a été créée par les agriculteurs pour les agriculteurs et donc, à l’époque, l’objectif était de lutter contre la désertification rurale.
Les agriculteurs se sont regroupés et en arrivant à la conclusion que pour rester performant, il faut se former, le tout en faisant tourner les exploitations. C’est de là qu’est né l’enseignement à distance. Ils ont fait appel à des professeurs à Angers et c’est comme ça que l’école a été créée : les agriculteurs restaient dans leur exploitation et recevaient des cours à distance. Là où nous avions un petit coup d’avance sur d’autres établissements, c’est sur le réflexe et la logique de l’enseignement à distance. On avait déjà une plateforme numérique, on avait déjà pas mal d’outils qu’aujourd’hui on utilise en routine (comme Teams, Zoom) mais que nous avions déjà mis en place depuis un certain nombre d’années. Donc nous avons été très réactifs et c’est peut-être effectivement en lien.
Par contre j’imagine que vous n’aviez pas anticipé une chose : comment aller chercher de nouveaux étudiants dans la situation actuelle ?
Alors, figurez-vous, que l’on a un service com’ très efficace et qui a senti les choses dès le début de l’année. On avait l’habitude de ces outils là (comme les lives) aussi et de ces réflexes puisqu’on organise chaque année un gros événement (sur l’agriculture et le numérique par exemple) et on fait régulièrement des retransmissions sur la chaîne YouTube de l’ESA, donc la réflexion de l’outil et de la captation, on l’avait déjà. Les collègues de mon service com’ ont anticipé ça déjà avant l’été, ce qui fait qu’on n’est pas en retard et j’en suis très fier. On a mis en place une stratégie et une approche de journées portes ouvertes digitales, de lives, d’insta-lives,… Cela ne veut pas dire que c’est inné, il faut réfléchir, étudier le comportement car on voit qu’il y a un changement de comportement des prospects et des parents. On a fait un salon en digital et on s’est aperçu qu’on était plutôt sur une approche d’observation, ce qu’on a moins sur les salons où le contact est plus direct. Via les outils numériques, vous cliquez et vous avez toutes les informations et ça change un peu le comportement. Sur novembre-décembre, on est plutôt sur une lecture du champ des possibles des prospects. On s’attend à avoir des vraies questions d’ici janvier, un vrai échange.
Est-ce que, maintenant qu’on a une perspective pour que ça reprenne au 20 janvier, ça veut dire que vous envisagez la présence sur des salons qui pourraient se tenir comme My Future ?
En fait, on est un peu dans la demi-mesure. Ce qu’on est en train de préparer c’est du distanciel sur janvier et puis commencer à réfléchir sur la présence physique sur les salons. Dès qu’on en saura beaucoup plus de la part des organisateurs, on aura l’avantage d’être présent à la fois via le numérique et sur le présentiel. Dès que l’on pourra avoir un contact direct, c’est certain qu’on le fera car c’est le plus important et c’est ce qui fonctionne le mieux.