Le lancement du reboot de Magnum en septembre prochain est l’occasion de survoler la version originale, classique ultra-populaire des années 1980.
C’est quoi, Magnum ? Thomas Magnum (Tom Selleck) est un vétéran de la guerre du Vietnam, qui s’est installé à Hawaï en tant que détective privé. Il habite dans la dépendance d’un manoir appartenant à un personnage qu’on ne voit jamais, le riche écrivain Robin Masters (dont la voix n’est autre que celle du mythique Orson Welles) dont il assure la protection. Grâce aux immenses ressources de cet homme mystérieux, Magnum conduit des investigations qui l’emmènent dans l’univers luxueux des habitants fortunés de l’île d’Oahu. Il peut compter sur le concours du majordome britannique Jonathan Higgins (Jonathan Hillermann) et sur l’aide de CJ (Roger R. Mosley) et Rick (Larry Manetti), deux anciens compagnons d’armes.
Magnum est sans doute l’une des séries les plus représentatives de la télévision populaire dans les années 80. Un détective sympathique et séduisant, dragueur impénitent, résout des affaires sur l’archipel idyllique d’Hawaï : ciel bleu céruléen, plages paradisiaques, bolides de luxe, humour, chemises à fleurs et moustache iconique sont les marques de fabrique de Magnum, qui a fait souffler un vent de fraîcheur sur les séries policières – à mille lieues d’un Kojak, d’un Columbo ou d’un Cannon. Notre détective a exercé une influence importante sur bon nombre de fictions postérieures, qui ont tenté de copier son style léger et décontracté ; le personnage a fait de Tom Selleck une star mondiale, dans un rôle qui lui colle encore à la peau.
Une fois n’est pas coutume : remercions le fisc. A la fin des années 1970, alors que Hawai : Police d’état touche à sa fin, la chaîne CBS cherche une nouvelle série qui serait tournée à Hawaï, notamment pour continuer à profiter des exemptions fiscales accordées par l’état. Le producteur Glenn A. Larson (dont la filmographie époustouflante compte notamment Opération Danger, K2000, Battlestar Galactica...) propose l’histoire d’un détective privé installé sur l’île d’Oahu. Un de ses collaborateurs, un jeune homme du nom de Donald P. Bellisario (futur créateur de Supercopter, Code Quantum, JAG, NCIS) écrit le scénario et se voit confier le contrôle créatif de la série. C’est lui qui choisit Tom Selleck pour interpréter le héros, celui-ci renonçant alors à incarner le rôle-titre du nouveau film d’un certain Steven Spielberg : Indiana Jones (tant mieux pour Harrison Ford). Malgré un retard dû à une grève des scénaristes, la série est lancée en 1980 ; c’est immédiatement un succès.
En terme de construction, Magnum ne s’éloigne guère des autres séries policières de l’époque : chaque épisode suit une enquête jusqu’à son terme, sans vraiment d’intrigue feuilletonnante ni de continuité d’une semaine sur l’autre. Sa principale originalité réside dans le ton, à la fois léger et dramatique, mélange réussi de comique et de sérieux.
Ainsi, Magnum et ses deux meilleurs amis ont servi ensemble durant la terrible guerre du Vietnam ; s’ils en gardent des séquelles, ils ne souffrent pas pour autant de traumatismes irrémédiables. Leur passé ne les empêche pas de mener une vie équilibrée : CJ, pilote d’hélicoptère pour touristes, aide régulièrement Magnum dans ses enquêtes tandis que Rick est devenu propriétaire d’un bar sur la plage. Le sujet du difficile retour des vétérans n’est toutefois pas évité ni édulcoré : les séquences les plus dramatiques de la série évoquent bel et bien le passé de Magnum au Vietnam. Des événements du présent le renvoient à sa douloureuse expérience sur le front, ses souvenirs de guerre resurgissant lorsqu’il retrouve de vieux camarades ou d’autres anciens combattants. Dans la vidéo suivante par exemple, Magnum est en proie à un dilemme, face à l’un de ses anciens ennemis.
En général, les investigations pour meurtres sont abordées avec sérieux, mais toutes les affaires traitées par notre détective ne sont pas aussi tragiques : il enquête également sur des cas plus légers d’infidélité, de vol ou même sur la disparition d’animaux de compagnie. Des histoires moins pesantes et moins dramatiques, qui concourent à alléger le ton et l’ambiance. La gravité occasionnelle est aussi contrecarrée par certaines séquences bourrées d’humour et des situations comiques, la série parvenant ainsi à maintenir l’équilibre délicat entre action, humour et gravité, entre drama et comédie.
Magnum est aussi extrêmement drôle lorsqu’elle se penche sur l’interaction du héros avec d’autres personnages, et surtout avec Higgings, le majordome. Les meilleurs moments de chaque épisode restent les échanges entre les deux hommes, qui font l’objet de scènes irrésistibles. Ancien sergent-major de l’armée britannique très scrupuleux des règles, il est en général furieux contre un Magnum beaucoup plus désinvolte et flamboyant, qui n’hésite pas à faire usage de tous les gadgets de l’invisible Robin Masters – et en particulier de ses voitures de luxe. Il faut surtout citer sa Ferrari 308 GTS, fantasme automobile ultime de bien des spectateurs de la série (tout comme le sera la Ferrari Testarossa des fans de Miami Vice).
Le duo Magnum / Higgins fonctionnait parfaitement, en grande partie grâce aux deux acteurs choisis pour les interpréter. Indéniablement, Tom Selleck était l’atout majeur de la série : charismatique et, sympathique, il s’est magnifiquement approprié son personnage et a démontré qu’il était aussi à l’aise dans les scènes dramatiques que dans la comédie. Le rôle lui a valu un Emmy Award et un Golden Globe et lui a permis de sortir des rôles secondaires auquel il était cantonné, notamment en lui ouvrant les portes du cinéma. C’est toutefois à la télévision qu’il a principalement poursuivi sa carrière : petit ami de Monica dans Friends, il a incarné l’enquêteur Jesse Stone et a rempilé dans les forces de l’ordre dans Blue Bloods où, depuis 2010, il est le chef de la police de New York, Frank Reagan.
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Face à lui, John Hillerman jouait Higgins. Texan pur souche, il a dû apprendre à parler avec l’accent anglais pour ce rôle de majordome un peu acariâtre à l’allure aristocratique so british. Lui aussi a décroché un Emmy et un Golden Globe, en tant que meilleur acteur dans un second rôle.
Il faut aussi citer deux personnages incontournables de la série : Apollon et Zeus. Soit deux dobermans, redoutables chiens de garde de Robin Masters obéissant à Higgins. S’ils sont d’abord hostiles envers Magnum et l’attaquent régulièrement, le détective et les deux molosses finiront par s’entendre. Pour l’anecdote, le duo était interprété par trois animaux (deux mâles, Whiskey et Brutus, et une femelle, Dominique). A un moment, il fut question de les supprimer de la série : ils ne durent leur salut qu’à Tom Selleck et John Hillerman, qui réussirent à convaincre la production de les garder.
Excellente série, divertissante et mélangeant parfaitement un côté humoristique avec des séquences plus sérieuses, Magnum a connu une immense popularité dans le monde entier. A titre de curiosité, signalons qu’il existe (encore aujourd’hui) un parcours touristique permettant de visiter les lieux de la séries, y compris le manoir de Masters et le bar de la plage. Cependant, la série a commencé à s’essouffler à partir de la saison 6 : la redondance des intrigues, le manque d’évolution des personnages ont fini par lasser le public, attiré par d’autres séries – comme Miami Vice, par exemple.
Le final de la saison 7 aurait dû conclure la série avec la mort du héros. Le dénouement a soulevé un tollé général, aussi bien parmi le public que parmi les acteurs, et Tom Selleck a accepté de signer pour une huitième saison afin de remédier à cette fin désastreuse ; Magnum n’était pas mort, il sort du coma. Cette dernière saison, qui renoue avec l’esprit de la série, sert surtout à poser les bases du double épisode final. C’est un événement aux États-Unis, où cinquante millions de téléspectateurs sont devant leur poste pour faire leurs adieux à Magnum. Cette fois, la conclusion satisfait tout le monde : tous les arcs narratifs sont conclus, la série s’achève sur une note émouvante mais positive, et on découvre même l’identité de l’énigmatique Robin Masters !
Magnum, c’est un peu une madeleine de Proust pour tout un public dont elle a bercé l’enfance ou la jeunesse. Alors, quand CBS a annoncé l’arrivée d’un reboot pour la rentrée 2018, beaucoup ont poussé les hauts cris. Échaudé par la nouvelle version médiocre (et on est indulgent) de MacGyver, on s’est indigné : comment osait-on toucher à Magnum ?!! D’autant que le majordome Higgings sera une femme, Juliet, interprétée par Perdita Weeks (Penny Dreadful). Ultime affront : Jay Hernandez (vu dans Scandal), choisi pour succéder à Tom Selleck, n’est même pas moustachu ! Ne nous arrêtons pas à ce détail. Carence pileuse mise à part, les premières images ont de quoi rassurer. Jouant habilement entre modernisation et références à la version originale, la bande-annonce du premier épisode semble prometteuse. Reste à voir si la série confirme et réussit le pari risqué de ressusciter l’un des héros les plus populaires des années 1980. Réponse à partir du 24 septembre prochain…
Avec son héros haut en couleurs et son mélange subtil de drama et de comédie, Magnum est une série incontournable, un classique des années 1980. Toujours aussi délicieuse et sympathique, elle vaut largement le coup de s’y replonger aujourd’hui. En attendant la nouvelle version. Sans moustache, mais avec curiosité et, a priori, un certain optimisme…
Magnum (CBS)
8 saisons – 162 épisodes.
Disponible en Blu-Ray et DVD