Et voilà. Twin Peaks saison 3 est là. On a vu le début, ces quelques nouveaux épisodes et on ressent un sentiment partagé. « Il manque quelque chose » dit la femme à la bûche.
C’est quoi Twin Peaks saison 3 ? La série démarre 25 ans après les événements étranges de la fin de la saison 2 : Dale Cooper coincé dans les loges, son double « Bob » sillonne les Etats-Unis à la recherche … de quelque chose et tous les éléments semblent réunis pour que Cooper et Bob se fassent face… Normalement… !
Un curieux retour
Objet sériel étrange, Twin Peaks était à son lancement un véritable phénomène qui repoussait loin les codes de la télévision. Hybridation du soap et du polar, maculé de surnaturel, la série était à la fois familière et étrange dans les codes utlisés.
Forte d’une première saison remarquable, elle s’était perdue en route une fois le mystère de la mort de Laura Palmer résolu et s’était embarquée dans un univers fantastique vraiment tordu et mystique qui avait culminé dans le final d’anthologie et la course folle dans les loges. Le film Fire walk with me, tout en nous présentant les 7 derniers jours de Laura Palmer, emmenait la mythologie de Twin Peaks hors des murs de la ville et y apportait de nouveaux éléments (comme la « rose bleue » dont on parle dans la saison 3). 25 ans plus tard, la série repart sur les bases de la mythologie finale de la série mais oublie en chemin un bon nombre d’éléments propres à la série.
« Il manque quelque chose » dit la femme à la bûche à Hawk… On ne saurait mieux dire.
Une série qui s’appelle Twin Peaks mais où la ville comme ses habitants iconiques sont relégués au rang de guests, c’est problématique ; un enchaînement de scènes démonstratives sans liant sans histoire c’est problématique ; un David Lynch en roue libre plus proche du Lynch d’aujourd’hui que de celui des années 80 c’est problématique. Et au milieu de tout ça, un objet sériel ou plutôt cinématographique tant la patte de l’auteur de télé Mark Frost semble faire cruellement défaut à ce retour… Et pourtant à mesure que les épisodes avancent, quelque chose se met en route, quelque chose qui accroche le grand amateur de la série qu’est l’auteur de ces lignes. Comme si David Lynch avait délibérément choisi de perdre le spectateur et l’amateur de la série en ne lui donnant tout de suite ce qu’il attend et en le faisant dire à son personnage emblématique de la femme à la bûche…
« Je ne comprends rien à cette situation »
Le vrai problème c’est qu’on ne peut pas faire revenir à la vie une série en faisant comme si elle ne s’était jamais arrêtée. Or, c’est précisément le sentiment que l’on a en regardant les premiers épisodes.
En saison 1, Twin Peaks accrochait son auditoire avec des éléments soapesques et policiers familiers pour mieux l’emmener ensuite vers un univers plus original. En début de saison 3, Twin Peaks fait un choix très expérimental qui déboussole non seulement le nouveau spectateur qui n’a pas vu la série (et qui du coup aura du mal à s’y mettre), mais également l’amateur qui ne reconnait pas la série qu’il chérit depuis 25 ans. Certains haïront, d’autres adoreront, mais clairement l’univers des loges comme point d’entrée vers la série 2017, c’est un mauvais choix. Il aurait fallu revenir à Twin Peaks, nous plonger de nouveau dans la ville et ses habitants pour ensuite repartir dans les loges afin de conclure l’intrigue commencée il y a 25 ans (même si, derrière l’expérimentation, on sent poindre les éléments de la mythologie). Mais selon la logique d’un long film de 18 heures, cette exposition de 3 heures est justifiée. Illogique mais justifiée.
Mais à l’épisode 4, quelque chose s’enclenche : on vient davantage à Twin Peaks, on voit plus les héros que l’on aime (même si objectivement Lucy et Andy sont assez insupportables), l’intrigue se perd moins dans des démonstrations de mise en scène et revient à une narration plus cohérente, amorçant des éléments évoqués aussi dans le livre de Mark Frost.
En fin d’épisode 4, Gordon Cole, joué par Lynch lui même, dit « Je ne comprend rien à cette situation« , s’appropriant ainsi le sentiment des spectateurs qui auront vu les 4 premières épisodes. Et si cette phrase était comme un mot clé lançant le retour à l’univers que l’on connaît ? Car ce n’est sans doute pas un hasard si ces 4 épisodes ont été visibles aux Etats-Unis quasiment en même temps (les épisodes 3 et 4 ont été mis à disposition en streaming avant leur diffusion ndlr), comme formant un tout en forme de transition entre les deux séries … La télévision passant son temps à jouer avec un slogan du type « tu vas voir ça devient bien à tel épisode« , peut-être que Lynch a voulu jouer avec ça aussi et que ça redevient comme on aime à l’épisode 5. Ce qui, on ne va pas se mentir, serait la pire idée possible avec une oeuvre aussi culte que Twin Peaks. C’est jouer avec le feu et pas certains que ce feu marche avec lui.
Comme à son lancement, Twin Peaks désarçonne une nouvelle fois avec ce retour. On pouvait craindre que Lynch 2017 prenne le pas sur Lynch qui lança Twin Peaks avec Mark Frost, c’est fondamentalement le cas et ça ne plaira pas à tout le monde. Défait des contraintes d’un network (paradoxalement ce qui a aussi fait de Twin Peaks une oeuvre à part c’était sa capacité à jouer sans arrêt avec la ligne de ce que l’on avait l’habitude de voir sur un network américain), Lynch est en roue libre sur ces premiers épisodes, au moins jusqu’à l’épisode 4 qui renoue avec une écriture sérielle.
Les doutes des débuts se dissipent petit à petit mais il est temps à présent que l’on revienne à ce que l’on aimait tant pour ne pas perdre celles et ceux (dont l’auteur de ces lignes) qui croient encore à ce retour de Twin Peaks.