Michel Rocard, l’homme de la deuxième gauche, est décédé le samedi 2 juillet des suites d’un cancer, à l’âge de 85 ans.
Il se voulait Président de la République. Projet avorté, mais qui n’empêcha pas Michel Rocard de devenir une figure incontournable de la vie politique française. Hérault d’un socialisme rénové, celui qui s’est toujours opposé à François Mitterrand laisse derrière lui un héritage considérable.
Engagement politique
Michel Rocard est né le 23 aout 1930 à Courbevoie. Toute sa vie, l’homme a couru après la reconnaissance d’un père, scientifique de renom, qui lui rêvait un destin éloigné de la politique et de ses turpitudes. L’homme politique, lui, a tout simplement remodelé l’offre politique à gauche, lui imprimant la marque d’un socialisme humaniste et moderniste qu’il a toujours appelé de ses vœux. Il a porté haut toute sa vie l’idée d’une politique éthique et morale.
Militant socialiste dès son plus jeune âge, il intègre la SFIO en 1949. Mais le jeune Rocard, empreint d’aspirations anticolonialistes, quitte le parti alors que Guy Mollet et son gouvernement s’empêtrent en Algérie. Il rejoint alors le Parti Socialiste autonome qui devient, en 1960, le Parti socialiste Unifié, agrégat de diverses formations. Il prend alors la tête de ce « laboratoire d’idée » en 1967.
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Un socialisme nouveau
Rocard porte un projet ambitieux qui vise à rénover la gauche: un socialisme humaniste, décentralisé, régionaliste et désireux de laisser une plus grande place à la société civile. Un socialisme capable de s’adapter aux contraintes de l’économie mondialisée, aussi. Bref, un socialisme « de dialogue », souple, européen et éloigné des dogmes marxistes. Décidant de porter ses idées lors des présidentielles anticipées de 1969, il recueille 3,66% des voix. Le score est faible, mais Michel Rocard est désormais connu du grand public.
En 1974, il rejoint finalement le PS, dont l’ancien énarque, passé par l’Inspection des finances incarne l’aile droite. Le parti, sous son impulsion, se teinte alors de diverses tonalités : c’est Michel Rocard qui en 1977, évoque les « deux cultures » qui traversent la gauche française. Un discours qui, aujourd’hui, trouve un écho certain.
Minoritaire au sein du parti, ses idées commencent à germer au sein de la société française, et fort de cet élan, l’ambitieux Rocard annonce sa candidature au sein du PS avec en ligne de mire la présidentielle de 1981. Il se voit finalement évincé par Mitterrand, candidat naturel de la gauche. De cette bataille, naitra entre les deux frères ennemis une inimitié réciproque et que la cohabitation au sommet du pouvoir ne servira pas à apaiser.
Premier ministre
Devenu ministre au plan puis à l’Agriculture, Michel Rocard est finalement nommé à Matignon en 1988 : il devient le Premier ministre de l’ouverture. La France lui doit alors de précieuses réformes : l’instauration du Revenu Minimum d’insertion (RMI), les accords de paix, dits de Matignon, avec la Nouvelles Calédonie, la Contribution Sociale Généralisée (CGS). Il est « viré », selon ses mots, trois ans plus tard, par un François Mitterrand qui supporte mal sa popularité grandissante.
A la suite de résultats désastreux aux européennes, l’homme est à nouveau contraint de renoncer à la présidentielle de 1995. Malgré ces espoirs déçus, le militant acharné, qui a toujours défendu la morale en politique, n’a jamais cessé de voyager, de travailler, d’écrire.
Aujourd’hui, c’est la gauche tout entière qui porte le deuil, saluant, selon les mots de François Hollande « une grande figure de la République et de la gauche ». Une figure revendiquant un socialisme qui concilie « utopie et modernité ».
Il ne sera jamais Président. A défaut, il est devenu l’inspirateur de toute une génération de socialistes « réalistes », au premier rang du quel on trouve un certain Manuel Valls. L’ancien premier ministre, est décédé. Mais son ombre tutélaire qui désormais plane sur les membres du personnel politique n’est pas prête de disparaître.