Que l’Etat prenne ses responsabilités : c’est ce qu’exigent aujourd’hui le Secours Catholique-Caritas et Médecins du Monde, qui entendent mener en justice une action pour mettre un terme aux conditions de vie inhumaines des migrants vivant à Calais.
Le Secours Catholique-Caritas et Médecins du Monde ont déposé le 26 octobre 2015 un recours en référé au tribunal administratif de Lille. Avec cette procédure d’urgence, demandant une réponse rapide de la justice, les deux ONG tapent du poing sur la table et réclament une amélioration réelle des conditions de vie des milliers de personnes vivant dans le bidonville.
Dénoncer l’inadéquation des solutions en place à Calais
Les ONG dénoncent une action inadaptée du ministère de l’Intérieur, qui a annoncé le 22 octobre 2015 une série de mesures. Le ministère compte sur une meilleure sécurité du site : “300 gendarmes et 160 CRS viendront s’ajouter aux effectifs déjà présents, ce qui porte à 1125 le nombre de fonctionnaires engagés pour sécuriser les infrastructures et lutter contre les intrusions et l’immigration irrégulière”.
Le ministère entend également proposer de nouvelles prestations au centre de jour Jules Ferry, en particulier un centre d’hébergement sécurisé d’une capacité de 100 places environ. 1500 places supplémentaires seront aménagées et gérées par l’association “La Vie active” pour les migrants qui ne peuvent ou ne souhaitent pas quitter Calais à court terme. Le ministère de l’Intérieur a par ailleurs évoqué des “maraudes sociales” et un meilleur accompagnement des migrants dans leurs démarches administratives. Face à ces déclarations, le Secours Catholique et Médecins du Monde estiment que ces solutions “ne répondent toujours pas aux questions posées par la présence de milliers d’exilés à Calais”.
Des urgences sanitaires auxquelles il est nécessaire de répondre
Bernard Thibaud, secrétaire général du Secours Catholique, explique ainsi sur le site de l’organisation : « Il n’y a que trois points d’eau alors qu’il en faudrait au moins dix fois plus, l’état d’insalubrité dans lequel est laissé ce campement, propice aux épidémies et au développement de nombreuses pathologies – constatées par l’équipe de Médecins du Monde- le manque d’hygiène et d’accès aux soins (…) sont autant d’atteintes aux droits au respect de la vie et à la dignité humaine des personnes« .
Il faut également des solutions pour fournir des repas réguliers aux migrants, des moyens pour faire face à une épidémie de gale, et pour soigner les viols et violences diverses dont ces derniers sont victimes : « Laisser dans le bidonville des centaines de femmes et de mineurs, particulièrement vulnérables face aux risques d’agressions sexuelles et de violences, est une violation du droit de ne pas subir de traitements inhumains et dégradants. Bernard Cazeneuve a annoncé une augmentation des places d’hébergement pour les femmes et les enfants dans le centre Jules Ferry, mais c’est largement insuffisant. Et l’absence de solutions de mise à l’abri pour les milliers de personnes présentes est une violation du droit à l’hébergement inconditionnel ».
Il ajoute au sujet des places d’hébergement : « On finit par ne plus y croire. Même lorsqu’il y a des actes tangibles, cela ne va pas assez loin. Le gouvernement va prévoir une mise à l’abri pour 1500 personnes alors qu’il y en a 6000. Il va prévoir de mettre un plan en œuvre début 2016 quand il faudrait s’organiser pour le faire dans les trois semaines. Il faut frapper plus vite, plus fort, plus loin« .
Des détentions abusives observées à Calais, selon Médecins du Monde et le Secours Catholique
Les deux organisations dénoncent un autre phénomène inquiétant : “Nous assistons depuis quelques jours au placement contraint de dizaines de personnes dans les centres de rétention aux quatre coins de la France. Ces mesures absurdes rappellent les modalités de destruction de la jungle en 2009 et font peser un doute sur le rôle de ces centres de « mise à l’abri » censés créer un lien de confiance et permettre un accès aux droits fondamentaux des exilés”. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle des migrants en République Tchèque, soumis à des détentions abusives selon l’ONU.
En attendant, les morts s’accumulent sur la route de l’Angleterre
En attendant que les associations sur place, les ONG et l’Etat trouvent un terrain d’entente, avec ou sans l’intervention de la justice, le constat est accablant : selon La Voix du Nord, il y a eu entre le 1er juin et le 30 septembre 2015 autant de décès de personnes tentant de rejoindre l’Angleterre que sur l’année 2014. Le dernier en date est un migrant décédé ce mardi 27 octobre 2015 après avoir été percuté par une voiture sur la route de Saint-Omer (Pas-de-Calais). Au-delà de l’urgence sanitaire, la sécurité des migrants est donc au cœur des solutions qui devront vite s’imposer à Calais.
Photo de couverture : © Elodie Perriot /Secours Catholique-Caritas France