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Crise des migrants : au coeur de l’esclavage en haute mer

Une enquête du quotidien anglais The Guardian, publiée lundi, révèle l’existence d’un trafic gigantesque d’une ampleur sans précédent : des armateurs irlandais ont mis en place un système de trafic d’êtres humains à l’échelle mondiale. Des migrants économiques sont exploités à bord de chalutiers irlandais. Les cadences infernales de 48 heures, ou encore les séquestrations et privations sont monnaie courante.  

Un esclavage 2.0

L’enquête révèle notamment les conditions déplorables de travail des migrants, devant faire face à des employeurs peu scrupuleux, qui les privent de leurs droits fondamentaux. Ainsi, les journalistes du Guardian ont recueilli les témoignages de migrants employés sur les bateaux (sous couvert de l’anonymat, craignant d’êtres renvoyés ou dénoncés aux autorités). Ceux-ci ont dans de nombreux cas révélé travailler sans dormir pendant plusieurs jours, ou bien avec des nuits de quelques heures voir quelques dizaines de minutes.

De plus, afin de ne pas alerter  les autorités, les armateurs ordonnent souvent aux migrants de ne pas quitter le bateau ; les travailleurs clandestins se retrouvent ainsi séquestrés sur leur lieu de travail. Ils deviennent alors une main d’oeuvre pouvant être exploitée 24/24 heures et 7 /7 jours.  Afin d’atteindre une rentabilité maximum, les armateurs ne vont pas hésiter à diminuer de manière conséquente le salaire de leur main d’oeuvre illégale. Effectivement, les migrants toucheraient en moyenne deux fois moins que leurs collègues irlandais effectuant pourtant le même travail, le tout dans des conditions bien plus pénibles.  Les travailleurs clandestins seraient en effet employés pour 700 euros par mois pour les mieux rémunérés (largement en-dessous du salaire minimum légal).

Les pratiques abusives de leurs employeurs ne s’arrêtent pas là : les travailleurs clandestins sont également sous-nourris (à raison de 1 repas par jour), leurs passeports confisqués, et les conditions de sécurité en mer ainsi que les conditions sanitaires ne sont pas respectées.

un des navires de pêches irlandais suspecté d'employer illégalement des travailleurs philippins

Un des navires de pêche irlandais suspecté d’employer illégalement des travailleurs philippins

Une organisation à grande échelle

Les travailleurs sont issus de plusieurs pays ; ils sont en grande majorité Philippins,  Égyptiens et Ghanéens. Ils ont tous été recrutés dans leur pays par les armateurs irlandais, de manière directe ou indirecte, en passant par des intermédiaires locaux dans certains cas.
Un réseau gigantesque est mis en place pour faire venir les travailleurs. Le trajet le plus classique passe par l’Angleterre ; ils arrivent ainsi légalement par l’aéroport d’Heathrow,  rejoignent par la suite l’Irlande du Nord en bus et ferry, et enfin entrent en République d’Irlande. Cependant, on ne leur laisse pas le temps de s’installer ; les migrants sont rapidement embarqués à bord du chalutier sur lequel ils sont destinés à travailler.

Les journalistes du Guardian estiment cependant qu’un tel trafic ne peut avoir perduré aussi longtemps (le système serait en place depuis au moins 2008) en toute impunité. Les autorités irlandaises ont préféré ne pas intervenir, elles auraient  préféré fermer les yeux, ce trafic d’êtres humains améliorant grandement la compétitivité de la pêche irlandaise.

Ce procédé s’appuie notamment sur la législation britannique ; en effet, il n’est pas nécessaire de déclarer un marin-pécheur étranger présent dans un port pour une durée de moins de 48 heures.  Le travailleur migrant arrive donc sur son lieu de travail en toute légalité, c’est seulement ensuite que le migrant découvre que son contrat (s’il a la chance d’en avoir un) est totalement illégal.

Cette pratique est loin d’être nouvelle ; l’International Transport Federation avait déjà interpellé le gouvernement irlandais en 2008, aucunes mesures n’avaient alors étés prises.

Vous pouvez retrouvez l’ensemble de l’enquête du Guardian en cliquant ici.

Maxime Kaplan

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