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Une (nouvelle) polémique autour de Gomorra

A chaque saison, sa controverse : cette fois, ce sont des juges anti-mafia qui critiquent Gomorra, l’accusant de donner une image positive des criminels napolitains.

C’est quoi, Gomorra ? La famille mafieuse dirigée par Pietro Savastano (Fortunato Cerlino) exerce une domination sans partage sur Naples et sa région. Mais derrière la vieille garde, les jeunes criminels se livrent à une lutte sans merci pour prendre la succession du parrain. Tour à tour rivaux ou alliés, son fils Genny  (Salvatore Esposito) et son lieutenant Ciro (Marco d’Amore) sont déterminés à s’imposer, entre trafic de drogues et guerres des clans. Sans se soucier des dommages collatéraux, et au prix de cruels sacrifices…

C’est presque devenu une tradition : chaque saison de Gomorra suscite une nouvelle polémique. Ou plutôt la même, la diffusion des nouveaux épisodes relançant systématiquement le débat sur la représentation de la mafia dans la série. La question avait déjà fait l’objet de controverses lors des deux premières saisons ; elle resurgit aujourd’hui, alors que la saison 3 bat son plein en Italie. Ce sont encore et toujours les mêmes critiques : tirée du livre éponyme et unanimement acclamé de Roberto Saviano, Gomorra donnerait une image trop positive, trop brillante des criminels dont elle fait ses héros, influençant un jeune public impressionnable qui les prendrait pour modèles.

Le débat est d’autant plus prégnant en Italie qu’il survient quelques semaines seulement après la mort de Toto Riina, redoutable parrain de Cosa Nostra, dont la mémoire a été saluée sur les réseaux sociaux par de nombreux admirateurs – ces hommages soulevant une indignation que l’on devine aisément. Il prend en outre une autre dimension,  puisque ce sont trois magistrats anti-mafia qui s’en emparent, soit des hommes en première ligne dans la lutte contre le crime organisé. S’exprimant indépendamment, ils se rejoignent pour critiquer la série, qu’ils accusent d’humaniser de façon excessive les parrains et les petits malfrats.

Genny Savastano, héros – trop sympathique ? – de Gomorra

 

C’est d’abord le procureur Federico Cafiero De Raho qui s’est interrogé, alors qu’il était l’invité d’un talk-show : « Je ne regarde pas Gomorra, ni aucune autre de ces séries, mais je pense que mettre en exergue les relations humaines comme si la Camorra [la mafia napolitaine – NDLR] était une association comme les autres ne traduit pas ce qu’elle est réellement, en particulier dans sa violence. »

Chef de la DDA (direzione distrettuale antimafia) de Naples, Giuseppe Borrelli a été plus précis dans sa critique. Lors d’une conférence intitulée « Comment la mafia séduit les jeunes »,  il a expliqué que Gomorra donnait du crime organisé une image plus folklorique que réaliste, une caricature négligeant la transformation de l’organisation, désormais bien plus complexe et puissante qu’auparavant. « Gomorra suffit-elle à expliquer la mafia, ou la représentation rassurante qu’elle donne limite-t-elle notre perception du phénomène ? (…) Les actions représentées ici ne sont-elles pas celles d’une Camorra du passé, qui a évolué depuis et qui ne veut pas qu’on la montre ? » Pour le magistrat, « donner ce type de représentation comporte en soi un danger : celui d’occulter la nouvelle configuration de la Camorra, qui a fait un grand pas en avant au cours des 10 dernières années. »

Enfin Nicola Gratteri, le procureur de la République de Catanzaro, a joint sa voix à celle de ses collègues, déclarant que, même en tant que fiction télévisée, Gomorra représentait une nuisance pour les jeunes, en montrant des personnages trop sympathiques : « On prend pour vraie cette fausse réalité représentée à la télévision, mais la véritable férocité des parrains n’est jamais montrée. Il manque un message, qui dirait qu’ils ne sont pas forts et invincibles, et c’est un danger dans la lutte contre les gangs. » On remarquera au passage qu’aucun des magistrats n’a semblé faire cas de l’absence de la police ou des autorités judiciaires dans la série, qui n’y jouent absolument aucun rôle…

Marco d’Amore prend la défense de Gomorra

 

Les acteurs n’ont pas manqué de réagir, en particulier Marco D’Amore, le très populaire interprète de Ciro di Marzio dans la série. « En tant qu’artistes mais aussi en tant que citoyens, nous prenons part à l’une des représentations possibles ». , a-t-il expliqué au Corriere della Sera. « Évidemment, nous le faisons avec l’intention de construire une histoire cinématographique incroyable et merveilleuse, mais aussi pour participer à une dénonciation commencée avec le travail de Roberto Saviano ». Il a également ajouté : « C’est une fiction, pas un documentaire. On peut raconter la vie dans la savane du point de vue du lion ou de celui de la gazelle, et je pense qu’aucun des deux n’est erroné. Il faut faire attention à ne pas verser dans la censure « .

En attendant, la saison 3 de Gomorra est un véritable succès : diffusé le 17 Novembre dernier, le premier épisode a rassemblé plus d’un million de téléspectateurs, soit une audience record. Si la question est pertinente et mérite d’être posée, elle n’a donc pas détourné le public de la série ; sans doute lui a-t-elle même assuré un joli coup de pub à moindre frais…

Gomorra
Saison 3 en cours de diffusion sur Sky Italia

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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