Le gouvernement fédéral allemand discute aujourd’hui d’un projet de loi proposé par le ministre de la Justice Heiko Maas. Il s’agit de condamner ceux qui partent dans les pays en crise, tels que l’Irak ou la Syrie, et ceux qui financent le terrorisme. Ce projet de loi pose question sur les limites de la justice.
Dans ce contexte où la plus grande vigilance s’impose face à la menace terroriste, le gouvernement allemand cherche des solutions pour garantir la sécurité de ses citoyens. Le ministre de la Justice, social-démocrate, Heiko Maas, propose un projet de loi antiterroriste dont le gouvernement doit discuter aujourd’hui: condamner ceux qui partent dans les pays à risques, tels que l’Irak et la Syrie, où ils sont susceptibles d’apprendre des djihads comment faire la guerre. Dans un second temps, le gouvernement souhaite incriminer ceux qui financent le terrorisme.
Ce projet de loi est très controversé. Le Spiegel-Online voit surtout dans cela une façon de pallier un manque de moyens et de compétences de la police pour combattre le terrorisme. D’après ce média, cela prend des mois avant que soit évaluées les données sur l’ordinateur d’un terroriste, car les policiers spécialisés en informatique sont surchargés de travail. Le Spiegel-Online résume le point de vue du ministre de la Justice Heiko Maas en ces termes: « Les lois ne coûtent rien, le personnel [de la sécurité] coûte cher. » Il va plus loin dans sa critique: le projet de loi du ministre ne sert qu’à « faire croire à l’opinion publique que le gouvernement, en vue des attaques actuelles, prend des dispositions contre les menaces terroristes« , et il décrit ce projet de loi comme « indigne« .
Plus virulent, encore, le quotidien supra-régional Süddeutsche Zeitung, compare le projet de loi antiterroriste à… l’achat d’un marteau dans un hypermarché de bricolage. L’article s’intitule: « Comme si l’achat d’un outil était répréhensible« . L’auteur s’indigne: « C’est comme si quelqu’un était condamné comme un meurtrier pour avoir acheté un marteau dans un hypermarché de bricolage. » En effet, explique-t-il, le projet de loi ne vise pas à condamner l’acte de terrorisme en lui-même, mais celui-ci bien avant qu’il ne soit commis. Ainsi, ce projet de loi condamne le potentiel coupable bien avant qu’il ne passe à l’acte. Il s’agit d’incriminer quelqu’un pour le simple fait qu’il voyage, ce qui est, au départ, un fait neutre. La Süddeutsche Zeitung conclut sur une note pessimiste: la nouvelle loi ne pourra pas garantir la protection des citoyens, et en plus, elle décrédibilesera le droit pénal.
Ce débat sur les mesures antiterroristes en Allemagne révèlent ainsi les limites du droit face au terrorisme. La justice peut-elle, doit-elle instaurer une prévention répressive? Le Bundestag, le parlement allemand, devra voter ou rejeter cette loi l’été prochain.