A l’origine, « Nuit Debout » était conçue comme une mobilisation spontanée et auto-organisée dans une perspective de contestation du système et de réflexion à une alternative viable. Comme problématique clé : la souveraineté populaire, qui semble aujourd’hui avoir perdu de l’influence dans la prise de décisions politiques. Très médiatisée, « Nuit Debout » a finalement démontré que les acteurs de la démocratie sont avant tout les citoyens.
Après s’être rapidement diffusé dans tout le pays, essentiellement dans les métropoles, le mouvement a pris une autre dimension : c’est en Seine Saint Denis, dans la cité Paul Eluard, que des habitants se sont réunis et ont fait une veillée nocturne dans la rue. Sur le modèle du rassemblement convivial de la place de la République, ils ont d’abord été une vingtaine de personnes à se retrouver au pied des tours. Le but de cette action collective ? Faire front aux jeunes dealers qui se réunissent régulièrement en bas des immeubles et troublent l’ordre public. Une situation désormais inacceptable pour ceux qui subissent chaque nuit un vacarme insupportable provenant des squats de trafiquants. L’impact est visible : le nombre de voitures qui viennent se procurer de la drogue a nettement diminué depuis le début du mouvement.
Une nuit debout utile cette fois 😁 https://t.co/gV8xjC4a32
— Eléonore ن (@EleonoreSixou) 22 avril 2016
Pourtant, après six nuits passées debout, l’enthousiasme commence à diminuer. De fait, nombreux sont ceux qui confient la difficulté d’enchainer une journée de travail et une nuit à tenter d’effrayer les perturbateurs. « On n’est pas là pour faire la police, on paie des impôts pour ça. Quand il y a du bruit dehors, j’aurais un fusil… J’ai des envies de meurtre parfois », a déclaré un des participants pour RTL. Serions-nous à l’heure du retour de l’autodéfense ? Face à l’apparente incapacité de la police à maintenir l’ordre dans ce quartier dit « sensible », les riverains ont été contraints de trouver une solution pour garantir leur propre sécurité. « Dans un Etat de droit normal, les habitants n’ont pas à jouer ce rôle-là » a estimé l’adjoint au maire chargé de la tranquillité publique.
Une réalité anormale, dérangeante même, qui témoigne une fois de plus d’une contradiction majeure : à Montataire, en Oise, le maire Jean-Pierre Bosino (PC) a publiquement refusé d’avoir une police municipale dans sa commune – une attitude visiblement approuvée par son parti, qui, pour des raisons idéologiques, tend à considérer la police comme un moyen de répression et une source de violence. Mais quand l’affaire en vient à la protection des civils et à l’impuissance de la municipalité face à des comportements dangereux, l’adjoint au maire de Saint-Denis, Stephane Peu (PC), a déploré le manque de forces de l’ordre dans les cités.
« Nuit Debout » a littéralement envahi le débat public. De nombreux experts s’acharnent à lui donner une vague signification et à l’analyser comme un symbole de la modernité politique. Mais paradoxalement, rares sont les médias qui se sont aventurés à éclairer cette action de résistance dans la banlieue parisienne. Où est donc la « convergence des luttes » vantée par les militants de la « Nuit Debout » ? Ces parents, actifs, retraités, ou simplement ces individus courageux, excédés par l’insécurité quotidienne, ont besoin de soutien. Eux aussi rêvent de changer le système, sans pour autant se perdre dans des idéaux inachevables : ils prennent l’ordre local en mains, et espèrent seulement vaincre l’hypocrisie de leurs élus qui ne font rien pour sauver ces « territoires perdus de la République ».
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