Deux versions de la même histoire : une femme accuse de viol un homme qui nie catégoriquement les faits. Thriller psychologique intelligemment construit, Liar entretient le doute : qui ment et qui dit la vérité ?
C’est quoi, Liar ? Professeur de lycée, Laura Nielson (Joanne Froggatt) est tout juste séparée. Sa sœur, infirmière dans un hôpital, lui présente Andrew Earlham (Ioan Gruffudd), un séduisant chirurgien, veuf et père d’un adolescent. Laura accepte de dîner avec lui… Le lendemain matin, la jeune femme, confuse, se souvient à peine de la soirée de la veille ; elle est toutefois convaincue d’avoir été violée. Bouleversée, elle porte plainte contre le chirurgien, mais celui-ci oppose une version radicalement différente et assure que leur relation était totalement consentie. Devant les deux récits contradictoires, la police est démunie. Tandis qu’Andrew campe sur ses positions, Laura reste persuadée d’avoir été violée et cherche par tous les moyens à faire éclater ce qu’elle pense être la vérité.
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Créée par les frères Williams, à qui l’on doit The Missing et la récente et excellente Rellik, Liar est sans conteste l’un des succès de l’année au Royaume-Uni, tant en terme d’audience que de répercussions sur les réseaux sociaux où elle a fait couler beaucoup d’encre virtuelle. Au départ, le scénario s’appuie sur un ressort classique : la confrontation de deux versions contradictoires d’un même événement, sans que le spectateur soit capable (dans un premier temps) de déterminer laquelle est la vraie. Un premier rendez-vous au restaurant : le dîner est romantique, ils s’entendent bien, il la raccompagne en fin de soirée et rentre chez elle pour attendre un taxi. Mais le lendemain matin, elle affirme qu’il l’a droguée et qu’il l’a violée ; il nie tout en bloc. Qui doit-on croire ? Laura, Andrew… ou les deux ? Qui ment, et qui dit la vérité ? Impossible à dire, la nuit en question faisant l’objet d’une ellipse et les deux récits apparaissant aussi cohérents et vraisemblables l’un que l’autre.
C’est parole contre parole, et la police est tout aussi perplexe. L’affaire devient de plus en plus complexe au fur et à mesure que l’enquête de l’inspectrice Vanessa Harmon (Sherry Coon) progresse, en particulier lorsqu’elle met au jour des éléments du passé des deux protagonistes et les multiples mensonges de tous les personnages – Andrew, Laura, mais aussi tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, sont impactés par les événements. L’énigme est toutefois résolue vers la mi-saison : à la moitié des 6 épisodes, nous savons ce qui s’est réellement passé, et lequel des deux personnages dit la vérité. Ce n’est pas vraiment une surprise : passés les premiers doutes, plusieurs détails subtilement amenés levaient progressivement le voile sur leurs personnalités respectives et confirmaient les soupçons.
Liar se divise donc en deux parties distinctes. Dans la première, elle juxtapose les deux versions de ses protagonistes en jouant sur leur perception des événements, leur ressenti, les répercussions des accusations proférées par Laura et la manière dont ils en subissent les conséquences, en particulier sur internet. Dans la seconde, lorsqu’on sait qui est le menteur ou la menteuse du titre, la série bascule dans autre chose : un thriller plus classique mais néanmoins réussi, où Laura et Andrew s’opposent frontalement pour faire éclater la vérité que nous connaissons désormais.
C’est indéniable : dans cette seconde partie, Liar en fait parfois un peu trop. Certains rebondissements sont peu crédibles (par exemple les plans successifs ourdis par Laura lorsqu’elle tente de piéger son agresseur présumé, ou toute une partie centrée sur l’inspectrice chargée de l’enquête) ; les histoires annexes sont beaucoup moins pertinentes (l’intrigue dont fait l’objet la sœur de Laura semble même totalement hors de propos) et les personnages secondaires inconsistants.
Pourtant, Liar tient le spectateur en haleine de bout en bout. D’abord grâce à la construction, très fine et intelligente, de ses personnages. Les deux interprètes sont remarquables : Joanne Foggartt (Downton Abbey) dans la peau de Laura, qui refuse de se voir comme une victime et met tout en œuvre – même les moyens les plus discutables – pour imposer sa version des faits ; Ioan Gruffudd (Forever) dans le rôle d’Andrew, chirurgien de renom qui voit son univers s’écrouler et semble dépassé par les accusation dont il fait l’objet. Leurs interactions, les dialogues pleins de tension sont sans aucun doute les meilleurs moments de la série, a fortiori dans la première partie.
Ensuite, il y a dans Liar une atmosphère particulièrement pesante, qui met même parfois mal à l’aise. Non seulement à cause du sujet, extrêmement délicat, des accusations de viol et de la remise en question de la parole des présumées victimes, mais aussi en raison de la mise en scène. La caméra filme souvent les deux héros à travers une fenêtre, dans des espaces clos ou dans le cadre feutré de leur chambre – comme si elle les observait à leur insu, pénétrant dans une intimité où elle n’a pas été conviée. Une ambiance qui accentue encore la tension, jusqu’à final légèrement décevant, mais qui pose clairement les bases pour la suite… Et pour cause : forte d’excellentes audiences et des réactions passionnées de son public sur les réseaux sociaux, la série a d’ores-et-déjà été renouvelée pour une saison 2.
Liar est un de ces thrillers perfectibles, de ces séries qui tombent parfois dans l’excès… mais pleine d’un suspense et d’une tension permanente, elle se révèle vite addictive. Entretenant d’abord le flou sur l’événement déclencheur, elle bascule ensuite dans un thriller psychologique aux multiples rebondissements – pas toujours crédibles mais néanmoins palpitants. Incontestable réussite malgré ses défauts, Liar a aussi le mérite de s’inscrire dans une actualité sensible : au moment où surgissent scandales sexuels et accusations de viol ou de harcèlement, Liar nous met aussi en porte-à-faux, face à nos jugements et nos réactions dans des affaires où, justement, il est particulièrement difficile de déterminer où se trouve la vérité…
Liar – ITV.
6 épisodes de 45′ environ.