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Interview | Joanne Froggatt : « Liar a une manière très intéressante et très stimulante de raconter l’histoire »

A l’occasion de la diffusion prochaine de la série Liar sur TF1, nous avons pu rencontrer son héroïne Joanne Froggatt lors de son passage à Paris.

C’est quoi, Liar ? Professeur de lycée, Laura Nielson (Joanne Froggatt) est tout juste séparée. Sa sœur, infirmière dans un hôpital,  lui présente Andrew Earlham (Ioan Gruffudd), un séduisant chirurgien, veuf et père d’un adolescent.  Laura accepte de dîner avec lui… Le lendemain matin, la jeune femme, confuse, se souvient à peine de la soirée de la veille ; elle est toutefois convaincue d’avoir été violée. Bouleversée, elle porte plainte contre le chirurgien, mais celui-ci oppose une version radicalement différente et assure que leur relation était totalement consentie. Devant les deux récits contradictoires, la police est démunie. Tandis qu’Andrew campe sur ses positions, Laura reste persuadée d’avoir été violée et cherche par tous les moyens à faire éclater ce qu’elle pense être la vérité.

Comment vous a-t-on présenté Liar, la première fois ?

Joanne Froggatt : On m’a envoyé le script par l’intermédiaire de mon agent, comme d’habitude ; on m’a dit de le lire, de voir si ça m’intéressait, ce que j’en pensais. Je l’ai lu et j’ai adoré le premier épisode. Non seulement c’était un thriller psychologique brillant, mais je ne savais absolument pas qui disait la vérité, après avoir lu le premier épisode. Et je ne savais pas non plus ce que je ressentais par rapport à ça, j’étais mal à l’aise de ne pas savoir qui disait la vérité, et j’ai trouvé que ça posait des question très intéressantes. J’ai donc rencontré James Strong, le réalisateur, avec qui j’avais déjà travaillé deux fois. Je savais que c’était un homme très talentueux et que j’étais entre de bonnes mains avec lui. La première chose que je lui ai dite, c’est : « Alors, qui dit la vérité ? ! » C’est un de ces projets où l’on se dit : quelle raison pourrais-je bien avoir de refuser ce travail ? C’est une histoire fascinante, et une histoire importante. Et un thriller psychologique génial. Jack et Harry Williams, qui ont écrit le scénario, sont très intelligents et écrivent très bien dans ce registre. Et comme je l’ai dit, j’avais déjà travaillé avec James, le réalisateur, je savais combien il était talentueux ; il y avait donc une équipe formidable derrière, ça soulevait beaucoup de questions dans mon esprit, le sujet me paraissait fascinant et j’espérais – et ce fut le cas –  que ça deviendrait un sujet de débat au Royaume-Uni lors de la diffusion.

Le début du premier épisode est très intéressant parce qu’on a envie de l’aimer elle, et on a envie de l’aimer lui. Et on ne sait rien d’eux. C’est très étrange, pour le public.

Joanne Froggatt : Oui, exactement. On découvre, à la fin du troisième épisode, qui dit la vérité. Et c’est un rebondissement intéressant. Nos auteurs, Jack et Harry, n’ont pas gardé le secret et évidemment la série s’intitulant Liar (Menteur), la question c’est : qui ment et qui dit la vérité ? A partir de ce moment-là, quand on découvre quelle version des événements est la vraie, la série bascule dans un vrai thriller, une histoire de justice, un des personnages cherchant à obtenir  ce qu’il croit être la justice, après ce qui lui est arrivé.

La manière dont la série est construite rappelle The Affair, la série américaine. Êtes-vous d’accord ?

Joanne Froggatt : Oui, oui ! Il y a assurément certains éléments, et j’adore cette série qui montre deux points de vue, ce qui est une manière vraiment  intéressante de raconter l’histoire. Et dans Liar, on a un flash-back – on commence dans le présent et ensuite, on saute après les événements, après le rendez-vous de Laura et Andrew, quand Laura accuse Andrew de viol. Et alors on revient en arrière, avec les souvenirs et les flash-backs dans la tête de Laura, sur ce qui est arrivé cette nuit-là. Encore une fois, c’est une manière très intéressante et très stimulante de raconter l’histoire. C’est plutôt original. Et les flash-backs disent la vérité ; parfois ils viennent d’Andrew et parfois ils viennent d’elle, mais ce n’est pas le point de vue d’un personnage. Les flash-backs, c’est la vérité.

Liar est arrivée sur ITV à la fin du mois de Septembre, juste avant l’affaire Weinstein ; en France, elle arrive après. Pensez-vous que cela change la manière dont on regarde la série ?

C’est une bonne question. Peut-être, oui. Je crois que le dernier épisode de Liar a été diffusée au Royaume-Uni environ deux semaines avant que l’affaire éclate dans le monde entier. Quand je faisais la promotion de la série au Royaume-uni, je disais espérer que la série permettrait de susciter la discussion sur un sujet qui est toujours tabou dans la société, alors qu’il ne devrait pas l’être. Ça fait partie du problème : on n’en parle pas, les gens ne se sentent pas capables de se manifester ou d’être crus, ou même de parler ouvertement de ce qui leur est arrivé. La seule manière de changer ça dans la société, c’est d’éduquer nous-mêmes les jeunes sur la notion de consentement, sur le fait de respecter les autres et de se respecter soi-même, et sur la manière de traiter les autres. Nous n’avions évidemment aucune idée de la tempête qui était sur le point  de déferler sur le monde, avec des gens en position de pouvoir abusant de cette position de pouvoir. Naturellement, tout le monde occidental en parle maintenant, parce que quelques personnes courageuses se sont manifestées pour parler de leur vécu. Et au final, ça ne peut être qu’une bonne chose parce que ça transmet le message qu’en tant que société, nous ne tolérerons pas que des gens en position de pouvoir, dans n’importe quelle industrie, abusent de cette position. Ils seront démasqués, les gens parleront. C’est encore plus d’actualité maintenant, donc je suppose que ça aura un effet sur la manière dont Liar est perçue.

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Quand on regarde le premier épisode, pensez-vous qu’il y ait un regard féminin et un regard masculin sur la série par le public ?

J’aurais pensé que oui, mais lors de la diffusion au Royaume-Uni, j’étais fascinée – ce qui n’est pas toujours le cas quand j’ai une série  à l’antenne, je dois dire ! Mais là, je suivais les réseaux sociaux pendant la diffusion parce que c’était passionnant de voir l’opinion des gens. Et ça m’a surpris de voir le nombre de femmes qui pensaient différemment de ce à quoi je m’attendais et vice-versa, le nombre d’hommes qui pensaient différemment de ce que à quoi je m’attendais . C’était vraiment fascinant. J’espère que les spectateurs français auront les mêmes discussions, parce que c’était très intéressant de voir tout ça surgir en pleine lumière sur les réseaux sociaux. Et au fur et à mesure que la série avançait, les gens changeaient d’avis et émettaient des théories. Une écrasante majorité le croyait, lui, au début, et j’ai pensé que c’était très intéressant. Était-ce seulement parce qu’objectivement, Laura n’est pas un personnage sympathique ? Ou parce qu’elle ne se comporte pas comme on pense qu’elle devrait le faire, si elle a vraiment subi ça ? Il y a beaucoup de rebondissements dans l’histoire, et comme je l’ai dit, dans les trois premiers épisodes, le spectateur ne sait absolument pas qui dit la vérité. Vous vous dites : « Ça c’est forcément passé comme ça. » , et puis quelque chose  vous pousse à tout remettre ne question. J’ai aussi trouvé que c’était une façon de montrer combien la situation est difficile pour la police, quand il n’y a pas beaucoup de preuves et que c’est en quelque sorte la parole de l’un contre celle de l’autre, avec seulement deux personnes présentes. Comment prouver qui dit la vérité ? Et j’ai trouvé ça fascinant, de voir comment les gens en débattaient.   

La question centrale de la série, c’est celle du mensonge et de la vérité – une victime présumée dit-elle toujours la vérité, un homme accusé est-il toujours un menteur… C’est fascinant et dérangeant.

Oui, c’est dérangeant mais c’est aussi une question importante. Le mensonge est le grand thème de la série, parce qu’évidemment, comme on le voit dans le premier épisode, beaucoup de personnages sont embourbés dans leurs propres mensonges, ou dans les mensonges des autres, dont ils ne sont même pas conscients. L’un des sujets c’est aussi la manière dont nous mentons, quand on ment dans son propre intérêt, de manière égoïste et malveillante, quelles que soient les conséquences dévastatrices.

Comment avez-vous travaillé avec le réalisateur pour construire votre personnage ? Parce que vous deviez maintenir l’équilibre entre le mensonge et la vérité…

C’était très intéressant, parce que dans certaines scènes-clés des trois premiers épisodes, James, notre réalisateur, nous a dit : « O.K., jouez-le simplement à l’instinct, faites votre truc » Donc on a fait notre truc, dans les scènes individuelles et les scènes en commun avec Iain. Puis James nous disait : « Maintenant, faites une version où vous êtes en colère, ou une scène ou vous êtes comme ça. » Donc arrivé au montage, James avait le choix entre des versions émotionnellement très différentes de ces scènes. Il a dû trouver un équilibre subtil lors du montage, pour faire les choses bien sans montrer qui disait la vérité. Pendant le tournage, Iain et moi devions trouver le vrai état d’esprits des personnages, pas les jouer pour tenter de faire diversion en trompant le public. Sinon, on n’est pas bon dans ce qu’on fait – ça n’aurait aucun sens. On contrôlait souvent deux fois ce que nous faisions : on tournait une scène et puis j’en discutais avec James. Est-ce qu’on en disait trop ? C’était très intéressant parce qu’on a pris conscience qu’on peut avoir une réaction émotionnelle perçue de manière totalement différente.  Peut-être que vous vous comportez de telle manière parce que vous mentez, ou parce que vous dites la vérité. Et c’est le problème majeur, n’est-ce pas ? Ces quiproquos dans la vraie vie, à travers les e-mails, dans les relations, l’amitié… Ce que nous percevons n’est pas toujours la vérité.

Je pense que c’est un personnage très intéressant à jouer pour une actrice, parce que c’est fascinant de voir la manière dont votre visage, votre interprétation changent en quelques minutes dans le premier épisode. Ça devait être très intéressant pour vous.

Ça l’était, absolument. Elle parcourt tout un arc, le personnage accomplit tout un parcours émotionnel et dans le premier épisode particulièrement, on la voit changer, d’une femme heureuse, confiante et intelligente, pour devenir quelqu’un de quasiment obsédé par la justice ou par ce qu’elle ressent comme la justice. A la fin du premier épisode, elle devient très amère par rapport à ce qu’elle pense être la voie à suivre pour elle. C’était donc incroyablement stimulant et intéressant. Elle boucle en quelque sorte la boucle, au terme des six épisodes, et c’était un formidable parcours pour ce personnage.

Nous venons de parler de l’affaire Weinstein. Liar a-t-elle changée votre perception de cette affaire ?

Je ne pense pas.  Je crois que j’aurais porté le même regard sur ce qui sort dans la presse, avant d’avoir fait Liar ou si je ne l’avais jamais fait. Oui, je pense que je l’aurais perçu de la même manière,  et je pense que ces gens sont incroyablement courageux d’être monté au créneau et de s’être défendus. C’est important que les gens soient en confiance et c’est important que la société en parle.

La série raconte quelque chose de similaire à l’affaire Weinstein : on doit raconter les événements tragiques qu’on a vécu, on doit en parler.

Oui, absolument. Comme je l’ait dit, je crois que les agressions sexuelles sont restées jusqu’à très récemment un sujet tabou. On parle de toutes sortes de choses dans nos sociétés occidentales, mais pour une raison quelconque, ce sujet-là a toujours été tabou, et je crois que c’est une partie du problème. Et si on arrive à ouvrir la discussion sur ce sujet, on abat une barrière.

A quoi peut-on s’attendre – bien sûr sans spoiler – pour la saison 2 ? Je suppose que ce sera un whodunnit, vu le cliffhanger de la saison 1.

Pour être honnête, je ne sais pas parce que Jack et Harry ne l’ont pas encore écrite ! Je sais qu’on va en quelque sorte revenir en arrière, sur une période que l’on a éludée pendant cette première saison. Mais c’est à peu près tout ce que je sais. Il y a une conclusion dans le final de la saison 1, mais à cause de cette conclusion, il reste beaucoup de questions, et on va se tourner vers ces questions. Mais avec Jack et Harry, on ne sait jamais à quoi s’attendre – on sait que ce sera brillant, mais on ne sait pas quelles surprises ils vous réservent. Je connaissais le scénario des 6 épisodes avant de commencer,  on ne savait pas si on ferait ou non une seconde saison, donc il devait y avoir une conclusion possible ou une ouverture. Mais je pensais que je connaissais l’histoire, et quand j’ai reçu le script il y avait énormément de surprises et de rebondissements auxquels je ne m’attendais pas. Je suis aussi excitée que tout le monde à l’idée de voir ce qu’ils vont trouver.

Dernière question : on peut dire que vous êtes une enfant de ITV, vous avez joué dans de nombreuses séries de ITV. Votre premier rôle était pour ITV, si je ne me trompe pas. Bien sûr, il y a eu Downton Abbey et maintenant Liar. Quelles sont les spécificités des séries sur ITV ?

Je ne sais pas. Je crois juste qu’ils sont très généreux envers moi et qu’ils me donnent du boulot !!Finalement, on veut juste de bons scénarii, que ce soit au théâtre, dans les films ou n’importe quel domaine. Je pense que ITV fait du très bon travail, comme beaucoup d’autres chaînes. Mais comme je l’ai dit, ils sont très bons envers moi et j’ai eu de belles opportunités et des rôles incroyablement intéressants à interpréter. C’est toujours un très beau cadeau et je leur suis très reconnaissante de continuer à me faire jouer.

Traduction par Fanny Lombard Allegra

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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