Un an après le succès de la saison 1, Netflix a lancé les 10 épisodes de la saison 2 de Narcos. Toujours centrée sur la figure de Pablo Escobar, dont elle raconte la chute.
Il a toujours été dit que Narcos était une série sur le narcotrafic et les cartels sud-américains, et pas simplement un biopic de Pablo Escobar. Pourtant, la série en est arrivée au point où lorsqu’on vous dit Narcos, vous pensez Pablo Escobar. La saison 2 devait donc reprendre l’action laissée en suspens, conclure l’intrigue consacrée au baron de la drogue colombien et ouvrir d’autres perspectives pour la suite…
C’est quoi, Narcos (saison 2) ? Le colombien Pablo Escobar (terter Moura) a construit sa fortune sur le trafic de drogue. A la tête du cartel de Medellin, il a bâti son empire en inondant les Etats-Unis de cocaïne. Le gouvernement américain, voyant son économie déstabilisée, a décidé d’agir : parmi les hommes envoyés sur place, l’agent de la DEA Steve Murphy (Boyd Holbrook) fait équipe avec le lieutenant Javier Peña (Pedro Pascal) pour faire tomber Escobar. Finalement appréhendé et incarcéré, ce dernier parvient à s’enfuir et reprend le contrôle de ses affaires. Mais recherché par la police locale, les forces armées, les agences américaines, il est également traqué par de nouveaux ennemis et les cartels rivaux. Acculé, Escobar compte bien rendre coup pour coup, quitte à mettre le pays à feu et à sang. [youtube id= »gE6fZv2V_T4″]
La saison 1 de Narcos racontait l’ascension de Pablo Escobar, jusqu’à son évasion de prison ; la deuxième reprend l’intrigue où elle l’avait laissée pour relater la traque du trafiquant, la chute de son organisation, et finalement sa mort survenue le 2 Décembre 1993. Constituées chacune de 10 épisodes, ces deux saisons couvrent donc deux périodes de longueur inégale – respectivement une dizaine d’années et les 18 derniers mois de la vie d’Escobar. Le déséquilibre influe naturellement sur le rythme, et on verse dans un thriller policier avec encore plus de scènes d’action, toujours aussi bien filmées par José Padilha. S’il est plus concentré, le récit traîne pourtant parfois en longueur et s’alourdit d’explications superflues (par exemple, sur la milice autoproclamée des Pepes – sans même parler du fait que ces informations ne sont pas totalement exactes…). 8 épisodes auraient sans doute suffit, n’eût été la contrainte d’une symétrie entre les deux saisons. Narcos garde d’ailleurs la même structure de base, alternant les points de vue et se focalisant alternativement sur Escobar et sur les deux agents lancés à sa poursuite. La voix off de l’agent Murphy est toujours présente, immergeant le spectateur dans le récit auquel elle confère une tonalité légèrement documentaire, toutefois moins prononcée que dans la saison précédente. Et on retrouve évidemment le bilinguisme – Espagnol et Anglais – qui renforce l’impression de réalisme.
Sans surprise, Pablo Escobar est plus que jamais au cœur de l’action. Le phénomène est bien connu des spectateurs, mais il est toujours étonnant et dérangeant de voir à quel point un anti-héros peut susciter la fascination voire même l’empathie. Narcos reprend les bonnes vieilles ficelles : s’interdire tout manichéisme en jouant sur les nuances de gris, montrer le côté le plus humain du salaud en traçant le portrait du père de famille et en auscultant l’origine de ses motivations, et à l’inverse mettre en scène des héros aux méthodes discutables. Mais on a beau connaître tous ces ressorts narratifs, ils fonctionnent.
Le portrait d’Escobar n’en est que plus riche et complexe. Il serait facile de caricaturer en simple stratégie ses actions en faveur des plus pauvres et ses ambitions politiques ; ici, elles illustrent la mégalomanie d’un criminel sanguinaire qui n’essayait pas seulement de se faire passer pour une sorte de Robin des Bois, mais qui pensait réellement l’être. Qui se croyait tout-puissant. Et qui l’a été, d’une certaine manière, au moins pendant un temps. Ce n’est que dans les tous derniers épisodes qu’il prend conscience de la fragilité de sa position, lorsqu’il est abandonné de tous et ne peut plus compter que sur un unique et irréductible fidèle. Wagner Moura est toujours aussi impressionnant, voire même davantage : son interprétation gagne en profondeur et en subtilité, puisqu’il peut composer avec un personnage moins uniforme et plus torturé, avec un passé et un vécu (Convenu, l’avant-dernier épisode où Pablo se confronte à son père n’en est pas moins pertinent).
Rien à redire non plus quant aux performances de Boyd Holbrook et Pedro Pascal, qui tirent habilement parti de leurs rôles respectifs. Le second, en particulier, exploite bien les tourments d’un personnage en pleine crise de conscience après avoir pris la décision de collaborer avec le cartel de Cali pour faire tomber l’organisation d’Escobar. On notera que l’agent Peña prend davantage d’ampleur, au détriment de son collègue – certainement en vue des saisons à venir.
On en vient aux choses qui fâchent ? Le talent des trois acteurs principaux est d’autant plus remarquable qu’ils ne peuvent pas compter sur le soutien de seconds rôles, médiocres. L’affaiblissement d’Escobar suscite l’émergence de nouveaux opposants, et Narcos introduit donc dans l’équation de nouveaux protagonistes – l’armée, la CIA, le cartel de Cali et los Pepes. Mais hélas, les acteurs sont nettement en-deçà, tant au niveau de la présence à l’écran que de la qualité de l’interprétation. Les dialogues s’enchaînent mal, les échanges sont pesants et dénués de naturel – jusqu’à plomber par moments certaines scènes, enlevant tout le réalisme que la réalisation immersive et musclée parvenait à insuffler. Le défaut ressort en particulier dès qu’Escobar / Moura disparaît de l’écran, ce qui pose un sérieux problème pour la suite…
En dépit de quelques défauts, la saison 2 de Narcos ne décevra pas les spectateurs qui ont aimé la première. Dans la même lignée mais avec une action plus resserrée, elle conclut l’intrigue dédiée à Escobar et annonce clairement la suite des réjouissances : renouvelée pour deux saisons, Narcos va maintenant s’attaquer au cartel de Cali, surgi des décombres de l’empire d’Escobar. Avec un défi de taille : concrétiser l’ambition affichée d’être autre chose qu’une série sur Escobar. Narcos a désormais la lourde tâche de dépasser la figure charismatique du Baron de la drogue colombien, notamment en dénichant un acteur capable de soutenir la comparaison avec Wagner Moura. Bon courage, les gars…
Narcos – Saison 2 (Netflix) – 10 épisodes de 55’ environ.
Saison 1 disponible en DVD.
Crédit photos : Netflix.