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On a vu pour vous … Patriot, la nouvelle série de Amazon

Entre thriller, série d’espionnage et comédie noire, Patriot ne cesse de désarçonner le spectateur. On vous en parle.

C’est quoi, Patriot ? Après une mission désastreuse en Egypte, John Tavner (Michael Dorman), agent secret dépressif, s’est exilé à Amsterdam où il passe son temps à fumer des joints et composer des chansons folk. Contacté par son frère Eddie (Michael Chernus) et leur père (Terry O’Quinn),patron d’une obscure agence de renseignements, John accepte à contrecœur de reprendre du service. Afin d’influer sur les élections iraniennes, dont dépend le programme nucléaire du pays, il doit infiltrer une entreprise pétrolifère américaine et fort de cette couverture, apporter à un contact au Luxembourg une valise contenant 10 millions d’euros. Mais  les choses dégénèrent lorsque John se fait dérober l’argent et tue le voleur présumé… Tandis qu’il cherche à récupérer la mallette, l’inspectrice Albans (Alliete Opheim) mène l’enquête, déterminée à élucider ce meurtre.

Depuis quelques temps, Amazon tente de diversifier son catalogue en proposant des séries classiques et efficaces (Bosch, Goliath,Sneaky Pete) mais aussi des productions plus atypiques et ambitieuses (The Man in the high castle ou I Love Dick). Ecrite et réalisée par Steven Conrad (cinéaste à qui l’on doit notamment La vie rêvée de Walter Mitty), Patriot s’ajoute à la seconde catégorie. Après la diffusion d’un pilote en 2015, Amazon a commandé une saison complète et vient de reconduire la série pour une deuxième saison.

En lisant notre résumé, vous pensez probablement qu’il s’agit d’une série dans la lignée de Homeland ou The Americans. On vous arrête tout de suite : Patriot est effectivement une série d’espionnage, mais elle aborde le genre de manière radicalement différente et inhabituelle. Pour vous en donner un aperçu, disons que Patriot raconte l’histoire du cousin dépressif de Carrie Mathison, filmé par les frères Coen dans une ambiance à la Mr Robot, avec des dialogues écrits par Alexandre Astier. Voilà : là, vous avez une idée du truc ! La série n’est pas évidente à décrire, parce qu’elle n’est pas évidente à suivre. Et ce, pour plusieurs raisons qui peuvent se résumer en une phrase : elle part dans tous les sens. Ce n’est pas un reproche, puisque c’est précisément ce qui lui donne sa spécificité et son ambiance étonnante. La construction, les multiples trames et personnages, le ton décalé sont autant d’aspects volontairement perturbants, qui désarçonnent au départ mais finissent par séduire, dès lors qu’on se laisse porter.   

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The Americans. Version frères Coen

 

La narration, par exemple,  repose sur une succession de flashbacks, de flash-forwards et de digressions. Le récit avance, revient en arrière, progresse ou régresse au gré d’incessants sauts temporels. Complexe à appréhender, il requiert une attention constante de la part du spectateur qui court le risque d’être complètement perdu dès qu’il se laisse distraire. Le procédé se justifie, puisqu’il apporte à chaque fois un éclairage sur l’intrigue principale. Soit ce thriller d’espionnage, où l’on suit John lorsqu’il consolide sa couverture, se rend au Luxembourg et se plante en beauté, puis tente de réparer son erreur et de retrouver l’argent qu’il a égaré. Dans le même temps, l’enquêtrice luxembourgeoise progresse dans son investigation et se rapproche toujours davantage de notre héros… S’y ajoute une multitude d’arcs narratifs secondaires incluant (entre autres) une partie de chasse aux canards, des balades à vélo, une bagarre avec des catcheurs brésiliens, un japonais traumatisé et une Iranienne fan de Disney. Intéressantes et bien écrites, ces histoires parallèles permettent de mettre en scène toute une galerie de personnages hallucinants.  

Le moindre second rôle est construit, ciselé, dans un délicat mélange de crédibilité et d’humour. Et tous les acteurs, sans exception, sont absolument fantastiques. Il y a d’abord Michael Dorman, acteur australien méconnu qui incarne à la perfection cet espion traumatisé et désabusé qui promène sa dépression d’une déconvenue à l’autre, et que la série décrit à juste titre comme un monsieur triste en costume. Parmi les autres comédiens, on peut citer le génial Terry O’Quinn (Lost) dans le rôle du père du héros, Michael Chernus (Orange is the new black) dans celui de son frère, Gil Bellows (Ally McBeal – coproducteur de la série), Mark Boone Junior (Sons of Anarchy), à la fois hilarant et touchant en chanteur folk mélancolique, ou encore la Suédoise Alliete Opheim, inspectrice opiniâtre qui ne déparerait pas dans Fargo.

Même les espions ont le blues…

 

Alors oui, on a mentionné Fargo à plusieurs reprises ; honnêtement, impossible de ne pas songer au film des frères Coen ou à la série du même nom. Humour noir, ton décalé, dialogues absurdes, scènes de violence inattendues et personnages truculents : on ne serait pas plus surpris que ça de voir débouler le Big Lebowsky au détour d’une rue d’Amsterdam…   Traitée autrement, Patriot aurait sans doute été une série sombre et austère ;  le mélange de mélancolie, de non-sens et d’humour acide rythme l’ensemble dans une suite ininterrompue d’excentricités et de bizarreries, avec une légèreté et une désinvolture surprenantes. Avec subtilité, Patriot flirte en permanence avec la parodie pure sans jamais franchir la ligne. Pour saisir la finesse de l’équilibre entre outrance et causticité, il suffit de songer aux chansons folk de John : hilarantes mais dérangeantes, les paroles dévoilent les dessous de ses missions secrètes. Au premier degré, sans filtre et sans complexe.

Récit d’espionnage plein de suspense et de rebondissements, Patriot désarçonne par son humour intelligent, sa richesse et sa complexité. Si tout n’est pas forcément abouti, la série d’Amazon a le mérite d’offrir quelque chose de différent et d’intrigant. Un conseil : regardez le pilote, tout à fait représentatif de la suite. Soit vous serez immédiatement envoûté par l’histoire et surtout la manière dont elle est racontée, soit vous décrocherez. Dans les deux cas, vous saurez à quoi vous en tenir.

Patriot – Amazon.

10 épisodes de 55’ environ.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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