Adaptation du film éponyme de Michael Crichton (1973), Westworld est LA nouvelle série sur laquelle HBO met ses billes pour la saison 2016-2017. A grand renfort de millions de dollars et d’un casting bankable, le résultat est-il à la hauteur des ambitions.
Blaze of glory (Bon Jovi)
Sorti en 1973, et réalisé par Michael Crichton, surtout connu comme romancier (il est l’auteur du livre Jurassic Park, par exemple), le film Westworld proposait une vision innovante de la société du loisir et du spectacle. Un peu plus de 40 ans plus tard, non seulement les thèmes abordés dans le film restent pertinents, mais la technologie moderne permet de les rendre encore plus réalistes, tant nous nous approchons de la capacité de rendre cette dystopie possible. Il n’est donc pas surprenant de revenir sur cette histoire, même si, objectivement, l’usage du matériau d’origine vaut surtout pour le capital de notoriété qu’il véhicule, et donc la capacité à attirer un public acquis dès le départ. Ce n’est pas nouveau, c’est même franchement la tendance du moment. Ce capital notoriété est d’autant plus crucial que le projet n’est pas bon marché. Budget global estimé à 100 millions de dollars pour une saison de 10 épisodes, c’est à dire l’équivalent de la saison 6 de Game of Thrones (également sur HBO), et dont le pilote seul a un budget estimé à 25 millions. Certes, HBO oriente son développement sériel sur des séries à grand spectacle et gros budget, notamment face à la concurrence féroce des services de SVOD tels que Netflix.
Mais commençons par le commencement : de quoi parle Westworld.
A une époque incertaine au stade du pilote, un parc d’attraction au thème “western”, offre à de riches clients la possibilité de revivre le far west avec tout ce qu’il comporte de sauvagerie, duels, gangsters, prostitués de saloon et autres joyeusetés. C’est un environnement complètement sécurisé pour les “hôtes” (entendez par là les clients du parc), les personnages ne pouvant leur nuire, leur permet de s’adonner à toute sortes d’amusements, parmi lesquels le meurtre, la chasse à l’homme ou encore des parties de jambes-en-l’air avec des androïdes pas farouches, ou même farouches si tel est leur désir. Les androïdes, quand à eux, sont programmés pour avoir une personnalité et développer des storylines dans lesquels les clients pourront ou non intervenir. Le tout étant contrôlé de prêt par la direction du parc, qui veille à garder le contrôle sur tout ce qui se passe dans son petit monde déviant de western fantasmé. [youtube id= »eX3u0IlBBO4″]
Tout cela est porté par une équipe 5 étoiles. On citera évidemment Jonathan Nolan (qui se cachait derrière l’excellente Person of interest, et frère de Christopher), et son épouse Lisa Joy, qui portent les casquettes de créateurs et showrunners. Une musique de Ramin Djawadi, dont on notera dans le pilote une très jolie reprise symphonique du “Painted Black” des Rolling Stones. Enfin pour le casting, il regorge de comédiennes et comédiens de premier plan, parmi lesquels on citera notamment Evan Rachel Wood, dans le rôle de l’Androïde Dolores, Anthony Hopkins, dont la présence à la télévision est rarissime, et qui interprète le Dr. Robert Ford, Directeur créatif du parc, et une note spéciale pour Sidse Babett Knudsen, en directrice des opérations du parc, et que l’on avait pu voir dans le rôle principal de la série danoise Borgen. Il ne faudrait pas oublier Ed Harris, A.K.A. l’homme en noir, qui semble prendre grand plaisir à jouer les bad guys.
Paranoid Android (Radiohead)
Faire la critique de Westworld se révèle finalement d’une certaine complexité. Commençons donc par éliminer les évidences : la forme. Nous nous trouvons devant une oeuvre télévisuelle à grand spectacle, réalisée avec habileté et précision. Certes sans réelle originalité de mise en scène, mais avec un souci de qualité à très haut niveau. Le cast a été évoqué, et il n’y a aucune fausse note dans le jeu des comédiens, qui savent donner ce qu’il faut donner, ni trop, ni trop peu. La structure du script du pilote est conçue avec soin, permettant de poser l’univers de manière à la fois didactique, sans trop en révéler, tout en mettant en place une multitude de pistes qui devraient amener le spectateur à revenir la semaine suivante. Et c’est quand même l’objectif d’un pilote. Bref, sur l’emballage, rien à dire.
En revanche le fond est un peu plus délicat à décortiquer. En effet, l’ensemble des thèmes abordés dans la série ne sont pas nouveaux. Difficile de développer sans trop spoiler, mais que l’on parle d’androïdes à problèmes métaphysiques, de loisirs qui tournent mal, de recommencement perpétuel, de machine dont la programmation déraille (qui était d’ailleurs déjà un thème de Person of interest du même Nolan), bref, tout cela a déjà été vu et revu à de nombreuses reprises. Pas nécessairement combinés, pas nécessairement avec un tel soin qualitatif, mais néanmoins rien de nouveau sous le soleil. Le problème n’est pas tellement de réutiliser ces éléments, après tout on raconte des amours tragiques depuis des milliers d’années, mais bien de le faire avec un angle suffisamment novateur pour qu’il résonne dans l’imaginaire collectif contemporain. A ce titre, et au stade du pilote, la façon de traiter des différents sujets que comporte cette histoire est assez convenue, et du coup prévisible. Insistons là dessus, on ne parle bien que du pilote.
Le second point, qui n’est pas nécessairement un défaut et déboule du premier, est que la série semble vouloir prendre son temps pour poser son univers, sans doute à l’échelle de plusieurs épisodes, et ce, probablement en prévision de complots divers et variés, et autres couches apportées à ce qui est immédiatement visible dans cette fable. Cela peut paraître contradictoire avec l’aspect convenu de l’ensemble, mais pour le résumer en une phrase, on se retrouve devant un pilote qui nous explique des concepts finalement assez répandus comme s’ils étaient totalement innovants, en prenant le temps de le faire, et en distillant a peine des éléments de mystère qui devraient amener à fidéliser le spectateur. Dès lors on se retrouve devant un pilote très bien exécuté, avec un univers plutôt sympa, mais qui manque un peu de souffle et qui ne satisfait pas vraiment.
Westworld est donc une proposition très joliment faite, mais qui, à l’issue du visionnage du pilote est un peu tiède. Le choix du développement lent pourrait apporter de belles surprises, mais c’est un jonglage délicat que s’apprête à faire HBO.
Crédit: HBO
La série est diffusée en US+24 sur OCS City